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130 millions d’heures de calcul révèlent les secrets des explosions des étoiles à neutrons en collision

130 millions d’heures de calcul révèlent les secrets des explosions des étoiles à neutrons en collision

On peut raisonnablement penser que l’article aujourd’hui publié dans Physical Review Letters et que l’on doit à une équipe internationale dirigée par des chercheurs de l’Institut Max-PlanckPlanck de physique gravitationnelle (Institut Albert-EinsteinEinstein), en Allemagne, aurait été apprécié à sa juste valeur par John Von Neumann, tout autant que par Robert Oppenheimer et même Hubert Reeves.

En effet, on dit souvent que les contributions révolutionnaires à la création des ordinateursordinateurs de Von Neumann provenaient en grande partie de sa volonté de prédire les événements météorologiques, ce qui impliquait de puissants calculs à effectuer en mécanique des fluides. Bien sûr, le développement des armes nucléaires nécessitait aussi de pouvoir simuler ce qui se passe avec l’hydrodynamique et les questions de transfert de rayonnement avec des explosions de bombes A et H.

L’article que l’on peut trouver dans une version en accès libre sur arXiv traite justement de ce qui se passe avec une explosion de kilonovae. En l’occurrence, il s’agit de la simulation numériquesimulation numérique la plus longue et la plus complexe à ce jour d’une fusion d’étoiles à neutrons binairesbinaires, d’une durée de 1,5 seconde en temps réel.

Elle a produit des détails inédits des émissions d’ondes gravitationnellesondes gravitationnelles, de neutrinosneutrinos et d’ondes électromagnétiquesondes électromagnétiques qui accompagnent ce type de fusion des astresastres compacts, théorisés jadis pour la première fois par Oppenheimer et Volkoff. On sait aussi qu’une kilonova est la clé de processus de nucléosynthèsenucléosynthèse de certains éléments chimiqueséléments chimiques, un sujet qui aurait intéressé Reeves.


Cette vidéo présente la simulation la plus longue et la plus complexe à ce jour d’une fusion d’étoiles à neutrons binaires avec formation d’un trou noir et d’un jet. Le panneau de gauche présente une vue large, tandis que le panneau de droite présente un zoom sur la partie centrale du panneau de gauche. Dans les deux panneaux, les contours colorés indiquent la densité de masse au repos (barre de couleur inférieure). Les lignes de champ magnétique sont représentées en magenta. L’écoulement dans la magnétosphère (jet) est représenté par des flèches vertes, à partir d’environ 0:41 dans la vidéo. La sphère noire au centre représente l’horizon apparent du trou noir. Au début, les deux étoiles à neutrons (simulées à 1,25 et 1,65 fois la masse de notre Soleil) orbitent cinq fois l’une autour de l’autre. Durant cette phase inspiratoire, elles chutent l’une vers l’autre en perdant de l’énergie orbitale, émise sous forme d’ondes gravitationnelles. En raison de sa masse totale élevée, le résidu de fusion s’effondre rapidement en un trou noir. Après la fusion, un disque de matière se forme autour du trou noir résiduel. Dans ce disque, le champ magnétique est amplifié par l’enroulement des lignes de champ et les effets dynamo. L’interaction avec la rotation rapide du trou noir intensifie alors encore le champ magnétique, créant ainsi un flux d’énergie le long de l’axe de rotation du trou noir. © K. Hayashi, Institut Max-Planck de physique gravitationnelle (Institut Albert-Einstein)

Une clé pour le futur de l’astronomie multimessager

Un communiqué de l’Institut Albert-Einstein explique que cette simulation qui concerne une fusion d’étoiles à neutrons expliquant la nature des sursautssursauts gamma courts a nécessité 130 millions d’heures de calcul combinant les effets de la relativité généralerelativité générale, du rayonnement neutrino et de la magnétohydrodynamique relativiste du plasma de la kilonova, jusqu’à tenir compte de l’effondrementeffondrement gravitationnel rapide en trou noirtrou noir d’une partie de la matièrematière impliquée, suivi de la formation de jets relativistes.

Les astrophysiciensastrophysiciens ont obtenu de cette façon une description précise de la signature observationnelle des kilonovae dans le cadre de l’astronomie multimessager, c’est-à-dire l’observation de multiples signaux physiquement différents provenant d’une même source.

Kota Hayashi, chercheur postdoctoral au département d’astrophysiqueastrophysique relativiste computationnelle de l’Institut Max-Planck de physique gravitationnelle (Institut Albert-Einstein) du Parc scientifique de Potsdam, explique à ce sujet dans le communiqué que « prédire les signaux multimessagers issus de la fusion d’étoiles à neutrons binaires à partir de principes de base est extrêmement difficile. Nous y sommes parvenus grâce au supercalculateursupercalculateur Fugaku au Japon… Notre nouvelle simulation suit la binaire tout au long de son évolution… Elle fournit la première image complète de l’ensemble du processus et donc des informations précieuses pour les observations futures de tels événements ».

Des sursauts gamma courts aux kilonovae productrices d’or

Rappelons que c’est à la fin des années 1960 que les satellites militaires mis en orbiteorbite par les États-Unis ont fait la découverte de sursauts gamma, en anglais des gamma-ray bursts ou GRB. Ces satellites avaient pour mission de détecter des explosions nucléaires interdites dans ou hors de l’atmosphèreatmosphère. Mais rapidement, les scientifiques en charge des satellites Vela comprirent que ces événements étaient cosmiques et pas du tout d’origine humaine. Des années plus tard, leur découverte fut déclassifiée, laissant perplexe la communauté des astrophysiciens.

En effet, comme Futura l’a expliqué dans un précédent article dont nous reprenons en partie le contenu, l’énergieénergie libérée était colossale, incompréhensible… jusqu’au moment où quelqu’un a proposé d’admettre que ces GRB n’étaient pas des émissions de rayonnement gamma selon une sorte de sphère de lumièrelumière, mais selon des jets focalisés. L’énergie libérée était bien moindre, quoique toujours gigantesque, mais cette fois-ci compréhensible dans le cadre de l’astrophysique connue.

On s’aperçut aussi que l’on pouvait diviser les GRB en deux classes : les courts, durant moins de deux secondes, et les longs, durant souvent une dizaine de secondes. Dans le premier cas, il devait probablement s’agir de collisions d’étoiles à neutrons, donnant ce que l’on a appelé par la suite des kilonovae, des explosions plus fortes que des novaenovae, mais plus faibles que des supernovaesupernovae.

Rappelons également que c’est l’astrophysicienne états-unienne d’origine britannique Margaret Burbidge, son mari Geoffrey Burbidge et en compagnie du cosmologiste Fred Hoyle et du prix Nobel de physique William Fowler qui ont été les auteurs d’un important article publié en 1957, qui n’exposait rien de moins que la recette suivie par l’UniversUnivers pour fabriquer les éléments chimiques dans les étoiles. Depuis, l’article est célèbre pour les astrophysiciens nucléaires, sous le nom de B2FH d’après les initiales de ses auteurs.

Hubert ReevesHubert Reeves lui-même avait contribué à résoudre certaines énigmes concernant l’origine des éléments légers que l’article B2FH laissait irrésolues. Il en existait une autre, celle de l’origine détaillée des éléments plus lourds que le ferfer, comme l’or et le platineplatine dont la production à l’occasion d’explosions de supernovae ne rendait pas compte des abondances observées.

On a eu depuis des idées.


La saga de la détection de GW170817. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Science vs Cinema

Les kilonovae, des sources gamma et gravitationnelles

Il suffisait de faire intervenir des bombardements intenses de flux de neutrons sur des noyaux de fer qui, en les capturant et via des réactions de désintégrations radioactives bêtabêta donnant des protonsprotons, permettaient d’obtenir des éléments aussi lourds que l’uraniumuranium et divers isotopesisotopes là aussi au-delà de ceux du fer. On parle d’addition de neutrons par un processus rapide (r process en anglais), mais ce processus peut être lent (s process, s comme slow).

Comment produire ce flux de neutrons ? Avec des collisions d’étoiles à neutrons justement, ce qui devait donner ce que l’on appelle des kilonovae, pas aussi puissantes que des supernovae. Kilonovae également émettrices d’ondes gravitationnelles et se présentant normalement sous la forme de sursauts gamma courts, ces flashsflashs de photonsphotons gamma incroyablement puissants.

De fait, le 17 août 2017, un gamma-ray bursts (GRB en anglais), baptisé SGRB170817A, a bien été détecté et localisé sur la voûte céleste en association avec la source d’ondes gravitationnelles détectée par LigoLigo et VirgoVirgo : GW170817. Le signal gravitationnel et d’autres dans la bande électromagnétique ont confirmé qu’il s’agissait d’une collision d’étoiles à neutrons s’accompagnant du phénomène de kilonova. En l’occurrence, on estime qu’environ 100 fois la massemasse de la Terre en noyaux d’or aurait été synthétisée par le prodigieux flux de neutrons libéré.

Auteur : Laurent Sacco, Journaliste scientifique

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Artia13

Bonjour ! Je m'appelle Cédric, auteur et éditeur basé à Arles. J'écris et publie des ouvrages sur la désinformation, la sécurité numérique et les enjeux sociétaux, mais aussi des romans d'aventure qui invitent à l'évasion et à la réflexion. Mon objectif : informer, captiver et éveiller les consciences à travers mes écrits.

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