Annonces de Donald Trump : ce que la réactivité des traders dit des marchés financiers mondiaux
L’économie mondiale vit au rythme des déclarations du président des États-Unis. Les marchés financiers sont impactés au point qu’on a pu lire qu’ils étaient un contre-pouvoir à la politique de Donald Trump. Mais que disent leurs réactions de leur fonctionnement réel ?
Depuis son investiture le 20 janvier 2025, Donald Trump, redevenu président des États-Unis, a multiplié les annonces à fort impact, en particulier sur les marchés financiers internationaux. Certaines d’entre elles, notamment en matière de politique commerciale et de régulation économique, ont provoqué des réactions immédiates des investisseurs à travers le monde.
Des marchés sensibles
Le 2 avril 2025, le président américain annonce une hausse des tarifs douaniers sur les importations en provenance de pays comme la Chine, le Canada et le Mexique). Les réactions sur les marchés ne se font pas attendre : les indices boursiers américains, européens et asiatiques enregistrent des baisses significatives. En Asie, le Nikkei 225 et le TAIEX reculent de plus de 2,5 %, tandis que le Hang Seng perd environ 1,5 % ?).
Moins d’une semaine plus tard, le 9 avril, Donald Trump suspend ces hausses tarifaires pour une durée de 90 jours, sous condition de négociations bilatérales. %20). Cette volte-face entraîne une hausse immédiate des principaux indices boursiers, illustrant à nouveau la sensibilité des marchés à ses annonces.
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Crainte pour les marges de la pharma
Ce mécanisme s’est répété le 11 mai 2025, lorsque le président annonce son intention de faire baisser les prix des médicaments sur ordonnance. Cette déclaration a provoqué une chute brutale des actions du secteur pharmaceutique et parapharmaceutique, aussi bien aux États-Unis qu’en Europe.
Aux États-Unis, les valeurs pharmaceutiques ont été les premières à réagir : les actions de plusieurs géants du secteur ont reculé de manière marquée. Pfizer (PFE) a enregistré une baisse de 1,1 %, tandis que Merck (MRK) et Amgen (AMGN) ont vu leurs titres chuter de 1,4 %. Cette réaction traduit les craintes des investisseurs face à une éventuelle compression des marges et à une régulation plus stricte du secteur.
L’onde de choc a également traversé l’Atlantique. En Europe, le Stoxx Europe 600 Health Care, principal indice sectoriel, a cédé 1,09 %. Des groupes majeurs comme Novartis (-1,7 %), Roche (-1,13 %) et GlaxoSmithKline (-1,33 %) ont eux aussi été pénalisés, confirmant que l’effet Trump dépasse les frontières américaines pour peser sur les stratégies et les valorisations des entreprises pharmaceutiques à l’échelle mondiale.
Un principe fondamental
Ces réactions s’expliquent par un principe central de la théorie des marchés efficients, formulé par l’économiste états-unien Eugene Fama dès 1970 : les prix des actifs financiers intègrent immédiatement et complètement toute l’information disponible. En d’autres termes, toute déclaration jugée crédible et significative est instantanément incorporée dans les cours de Bourse, qu’elle concerne la géopolitique, l’économie ou des décisions réglementaires.
Depuis, certains auteurs ont critiqué l’approche de la théorie des marchés efficients pour expliquer les réactions des marchés aux annonces, notamment, Robert Shiller. Celui-ci remet en question l’efficience des marchés et suggère plutôt un effet significatif des facteurs comportementaux individuels à chaque investisseur et qui sont à l’origine des bulles spéculatives et des investissements irrationnels. Ces facteurs, explique-t-il, peuvent entraîner des fluctuations de prix non justifiées par les informations fondamentales. Dans ce sens, les annonces de Trump pourraient être vues comme des déclencheurs de facteurs d’émotions et de réactions comportementales des investisseurs, créant des mouvements de marché qui ne sont pas toujours rationnels ou basés sur des informations financières solides.
Marchés et catégories d’investisseurs
Les marchés financiers sont aujourd’hui dominés par deux grands profils d’investisseurs :
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D’un côté, les investisseurs long-termistes, qui recherchent une création de valeur durable en conservant leurs actifs sur plusieurs années ;
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de l’autre, les investisseurs court-termistes, appelés communément “traders”, qui cherchent à tirer profit des variations rapides de prix, en achetant et vendant sur des périodes courtes.Ces derniers sont, par définition, particulièrement réactifs aux annonces politiques et économiques.
Des traders à l’affut
Le profil des traders domine aujourd’hui les marchés, en raison de la vitesse d’exécution permise par les technologies financières, mais aussi de la recherche permanente de rendement rapide. L’objectif des traders est d’ajuster en temps réel leurs portefeuilles d’actifs, en fonction de l’effet anticipé des nouvelles sur la valorisation des titres financiers. Ils sont influencés par des stratégies de trading algorithmique et de high-frequency trading (HFT), où des systèmes automatisés réagissent à des informations nouvelles presque instantanément.

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La réactivité extrême des traders face aux annonces fait que les marchés deviennent hypersensibles à toute déclaration jugée significative. Les annonces du président américain, même non suivies de mesures concrètes, peuvent ainsi déclencher des vagues d’achats ou de ventes massives à l’échelle mondiale capables d’amplifier la volatilité sur les marchés et de générer des mouvements de capitaux immédiats entre les régions et les secteurs.
Dans ce contexte, pendant la fenêtre d’impact de l’annonce, la réaction rationnelle des traders consiste à vendre lorsqu’ils anticipent que la tendance du marché sera baissière à la suite de la déclaration du président américain, et inversement, à acheter s’ils s’attendent à une réaction haussière. Par conséquent, la décision d’acheter ou de vendre ne repose plus sur la valeur réelle de l’actif, mais sur l’anticipation de la réaction collective du marché suite à cette annonce.
L’impact global des annonces locales
L’internationalisation des marchés permet aux investisseurs d’opérer simultanément sur plusieurs places boursières à travers le monde. Les indices en Asie, en Europe et aux États-Unis réagissent désormais en temps réel aux mêmes informations, illustrant le haut degré d’interconnexion et de synchronisation des marchés financiers mondiaux.
Ainsi, les annonces politiques et économiques du président américain peuvent entraîner des répercussions immédiates sur les marchés financiers mondiaux. En effet, les annonces présidentielles des États-Unis ne sont plus seulement des instruments de politique intérieure ; elles deviennent aussi des catalyseurs puissants de volatilité financière à l’échelle mondiale.
Auteur : Chafik Massane, Enseignant-Chercheur en Finance, INSEEC Grande École
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