Et si l’univers tout entier était… en rotation ? Non, ce n’est pas le pitch d’un film de science-fiction, mais bel et bien une hypothèse sérieuse formulée par une équipe de physiciens qui espèrent ainsi élucider l’un des plus grands mystères modernes de l’astrophysique : la tension de Hubble.
La tension de Hubble : un casse-tête cosmique
Depuis des années, les astrophysiciens sont confrontés à un problème frustrant : deux méthodes différentes pour mesurer l’expansion de l’univers donnent des résultats incohérents. D’un côté, les observations du fond diffus cosmologique(CMB) – la lumière fossile datant de 380 000 ans après le Big Bang – estiment la constante de Hubble (le taux d’expansion de l’univers) à 67,4 km/s/Mpc. De l’autre, des mesures basées sur des objets plus proches, comme les supernovae de type Ia ou les étoiles variables céphéides, donnent une valeur plus élevée : 73 km/s/Mpc.
Ces écarts ne sont pas dus à de simples erreurs de mesure. Ils persistent malgré les améliorations des instruments et des méthodes, au point que certains scientifiques parlent de crise en cosmologie.
Et si tout tournait ?
C’est là qu’intervient l’hypothèse audacieuse proposée par István Szapudi, chercheur à l’université d’Hawaï. Et si la solution résidait dans un concept vieux comme le monde : la rotation ?
Inspiré par le philosophe grec Héraclite et son fameux « Panta rhei » (« tout s’écoule »), Szapudi propose : Panta kykloutai – et si tout tournait ? Dans une étude publiée dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, lui et son équipe expliquent qu’un univers en lente rotation, effectuant un tour complet tous les 500 milliards d’années, pourrait suffire à réconcilier les deux mesures divergentes de la constante de Hubble.
Une rotation presque indétectable, mais aux effets majeurs
À ce rythme, la rotation de l’univers serait quasiment imperceptible pour nos instruments actuels. Pourtant, elle pourrait avoir un impact subtil mais significatif sur la manière dont l’espace s’est étendu depuis le Big Bang. Cette infime torsion pourrait en effet influencer la distribution de la matière, la lumière, et donc les mesures effectuées à différentes époques de l’univers.
Les auteurs s’appuient sur un modèle dit de fluide sombre newtonien, une alternative non relativiste aux théories traditionnelles de la cosmologie. Ce modèle, bien que marginal pour l’instant, pourrait apporter des réponses là où le modèle standard échoue.
Bien sûr, une rotation de l’univers soulève immédiatement une question vertigineuse : cela pourrait-il entraîner des boucles temporelles, où l’espace-temps serait courbé au point qu’un objet revienne à son point de départ ? Théoriquement, oui. Mais rassurez-vous : selon les auteurs, la vitesse de rotation proposée reste en-deçà du seuil critique. Aucun risque de paradoxes temporels donc – du moins pas encore.

Une hypothèse audacieuse, mais loin d’être absurde
Cette idée n’est pas totalement sans précédent. Certaines études récentes ont suggéré que des galaxies lointaines pourraient tourner dans une direction privilégiée, un indice possible – bien que controversé – d’une rotation cosmique à grande échelle.
Cependant, il est encore trop tôt pour crier victoire. Les chercheurs eux-mêmes le reconnaissent : leur étude ne se concentre que sur la constante de Hubble. Il faudra développer des simulations cosmologiques plus complètes, intégrer des effets relativistes et confronter le modèle à l’ensemble des observations disponibles.
Mais si cette hypothèse se confirmait, cela changerait profondément notre compréhension de l’univers, en remettant en cause l’idée que celui-ci est isotrope (identique dans toutes les directions) et homogène. En d’autres termes : le cosmos ne serait pas un espace figé et uniforme, mais un immense ballet cosmique en lente rotation.