Chanvre, bois, laine, quels matériaux pour décarboner le secteur du bâtiment ?

Les matériaux biosourcés, d’origine végétale (bois, chanvre, paille…) ou animale (laine…), présentent l’avantage de séquestrer du carbone. De quoi verdir le secteur de la construction, s’interrogent Laurent Arnaud, responsable du Domaine Bâtiment au Cerema et Etienne Gourlay, responsable d’études scientifiques « Performances des Matériaux Biosourcés » au Cerema.
Et si l’impératif de décarbonation de l’économie était l’occasion, pour les matériaux biosourcés, de conquérir le secteur du bâtiment, tant pour la construction neuve que la rénovation ? Issus de la biomasse d’origine végétale, ils peuvent être utilisés pour l’isolation, les mortiers, ou même en tant qu’enduits de finition. Leur intérêt tient autant à leurs performances environnementales intéressantes (isolation, régulation de l’humidité..) qu’à leur capacité à stocker le carbone fixé par la croissance des végétaux.
Les matériaux biosourcés peuvent être constitués de différents types de matières organiques. En France, plusieurs filières coexistent avec des degrés de maturité différents : le bois, la paille, le chanvre, le lin, le miscanthus (herbacée originaire d’Asie), la ouate de cellulose, le coton, le colza, le tournesol, le liège, le roseau, le bambou, et même la laine de mouton. Ces matières peuvent être utilisées seules ou en combinaison.
Tous les matériaux biosourcés ne se valent pas
La nouvelle réglementation environnementale RE2020, qui doit permettre la décarbonation du secteur du bâtiment à l’horizon 2050, ne porte plus seulement sur la performance énergétique, mais sur tout le cycle de vie des matériaux. Or, les matériaux biosourcés stockent du carbone sous forme de carbone biogénique en prolongeant la durée de vie des végétaux qui ont piégé le CO2 de l’atmosphère par photosynthèse. L’enjeu est donc que ce carbone immobilisé compense les émissions de gaz à effet de serre liées à la production du matériau.
Mais tous les matériaux biosourcés ne se valent pas. Les arbres, par exemple, se renouvellent plus lentement que la paille ou le chanvre, qui poussent en un an ou moins. Il en découle une conséquence importante : les matériaux biosourcés à renouvellement rapide permettent des prélèvements de CO2 biogénique plus fréquents. Plus les périodes de renouvellement seront courtes et la durée de vie du produit longue, moins l’empreinte environnementale du produit sera élevée. Ainsi, il sera pertinent de privilégier la paille ou le chanvre pour l’isolation, tout en optant pour une structure bois pour la solidité de la charpente, par exemple.
Coproduits agricoles
L’utilisation du bois en construction a donc un impact positif lors du calcul de l’analyse de cycle de vie (ACV) du bâtiment, mais celui-ci est minoré par rapport aux végétaux à cycle court : en effet, le temps de régénération du bois en forêt, est similaire voire supérieur à la durée de vie des bâtiments, tandis que les plantes à cycle annuel (colza, tournesol, chanvre, paille…) mobilisent les surfaces agricoles sur une durée nettement plus faible que pour les productions forestières. Et surtout, il s’agit souvent de coproduits agricoles : de quoi faire d’une pierre deux coups.
Cet article a été édité par le service Environnement de The Conversation à partir de la version longue écrite par Laurent Arnaud, responsable du Domaine Bâtiment au Cerema et Etienne Gourlay, responsable d'études scientifiques « Performances des Matériaux Biosourcés » au Cerema.
Auteur : Service Environnement, The Conversation France
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