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Cinquante ans de l’ESA : comment l’agence européenne est devenue un acteur incontournable de l’exploration spatiale

Cinquante ans de l’ESA : comment l’agence européenne est devenue un acteur incontournable de l’exploration spatiale

La Guerre froide et les années 1950 signent l’arrivée d’une nouvelle ère, faisant entrer l’humanité dans l’âge du « spatial global ». Le lancement de SpoutnikSpoutnik I en 1957 marque une véritable bascule. Un an plus tard, la Nasa vient supplanter le Naca (National Advisory Committee for Aeronautics), augurant la mise en place des programmes Mercury puis ApolloApollo. Si l’Union soviétique et les États-Unis sont les principaux protagonistes de cette course à l’espace, plusieurs pays européens souhaitent se positionner en tant que puissances du spatial.

En 1959, la France fait décoller sa première fuséefusée, Véronique. Au cours de la même décennie, le Royaume-Uni conçoit des projets de missiles balistiquesmissiles balistiques, Black Knight et Blue Streak. D’autres pays collaborent avec la Nasa pour envoyer des satellites en orbite basse, à l’instar de l’Italie avec le programme San Marco, dont le premier satellite est lancé en 1964.

C’est grâce à l’initiative et les intérêts nationaux de plusieurs pays qu’émergentémergent les premières ébauches pavant la voie à la constitution de l’Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne. Le 30 mai 1975, l’ESA est officiellement constituée. Onze pays européens signent la convention, succédant à des années de collaboration menées dans le cadre de l’European LauncherLauncher Development Organisation (Eldo) et de l’European Space Research Organisation (ESRO).

« Il y avait une véritable volonté en Europe de faire de la recherche spatiale à des fins scientifiques et exclusivement pacifiques, explique Nathalie Tinjod, chef de projet histoire et conseillère en relations internationales de l’ESA. Le problème avec l’Eldo était que chaque pays souhaitait agréger ses propres programmes nationaux, créant un ensemble insuffisamment intégré. La naissance de l’ESA est un pari pour harmoniser et mieux coordonner le spatial en Europe ».

S’imposer parmi les superpuissances

Très rapidement, l’agence européenne se veut ambitieuse et porteporte plusieurs projets pour devenir un acteur de poids face aux mastodontes que représentent l’URSS et les États-Unis. Trois projets se démarquent dès 1973 : le lanceur L3S, précurseur du programme Ariane, le laboratoire spatial Spacelab, implémenté sur la navette spatiale américaine, et l’envoi en orbite basse de satellites de télécommunications baptisés Marots. « L’ESA permettait d’ajouter au programme scientifique, obligatoire et tournée vers l’observation de l’univers, des programmes optionnels davantage tournés vers la Terre, qu’il s’agisse de la météorologiemétéorologie, de la télédétection, des télécommunications par satellites, etc. », détaille Nathalie Tinjod.

L’ESA se trouve vite confrontée à des enjeux de souveraineté, compte tenu de la nécessité de développer un lanceur capable de placer des satellites opérationnels en orbite. Les Européens entendent bien coopérer avec la Nasa, sur le programme post-Apollo notamment, mais ils se heurtent, une fois sortis de la phase expérimentale, aux réticences de leur partenaire à placer en orbite des systèmes opérationnels qui puissent concurrencer ceux des opérateurs commerciaux américains, par exemple dans le domaine des télécommunications. Selon l’historienne, « l’agence spatiale européenne est alors entrée dans une dynamique de coopération, mais aussi de compétition : pour devenir un partenaire fiable, il fallait s’imposer comme un compétiteur crédible ». Le travail réalisé par les agences spatiales offre une forme d’interopérabilité, chaque pays ayant des domaines de compétences propres.

L’un des symboles de la réussite européenne est la mission Huygens, aboutissant à l’atterrissage de la sonde éponyme sur l’une des luneslunes de SaturneSaturne, TitanTitan. Huygens est pensée et assemblée en Europe, une bonne partie des sites de production étant situés en France. Elle est ensuite envoyée vers Titan en 1997, depuis Cap CanaveralCap Canaveral et grâce à l’orbiteur Cassini, conçu par la Nasa.

Dans le contexte de la Guerre froide, l’ESA prend garde à ne pas s’aligner, afin de ne pas dépendre d’un seul partenaire et de multiplier les opportunités de collaboration sur des programmes qui couvrent toute l’étendue du spectrespectre. En matièrematière de vols habitésvols habités, les astronautesastronautes européens prennent place à bord de SoyouzSoyouz mais aussi de la navette américaine. Les Français Jean-Loup ChrétienJean-Loup ChrétienJean-Pierre HaigneréJean-Pierre Haigneré font partie des équipages ayant séjourné à bord de MirMir. Claudie Haigneré, qui a été la première Européenne à conduire des expériences à bord de la Station spatiale internationaleStation spatiale internationale (ISS), avait également connu la station russe. 

Dossier : Claudie Haigneré et la mission Andromède

Viser plus loin et plus haut

À la chute de l’Union soviétique en 1991, le spatial russe manque de s’effondrer. Dans les années 2010, la Nasa subit les coupes budgétaires infligées par l’administration de Barack Obama. Du côté de l’ESA, la tendance est à la stabilité, voire à la hausse depuis les années 2010. En 2012, le budget annuel est de 4,02 milliards d’euros. En 2024, il a presque doublé, atteignant désormais 7,79 milliards d’euros. L’agence a conduit des programmes ambitieux. Malgré quelques revers, tels que le retard de conception du lanceur Ariane 6Ariane 6, l’ESA reste un partenaire de renom et un acteur incontournable. Si bien qu’elle se positionne actuellement comme la troisième agence spatiale mondiale, derrière la Nasa et la CNSA, l’administration spatiale chinoise.

« Plusieurs facteurs expliquent le rôle actuel de l’ESA et son importance. Si son budget est moindre que celui de la Nasa (24,8 milliards de dollars en 2024), l’agence européenne peut s’appuyer sur un pôle industriel de tout premier ordre et une expertise scientifique et technologique reconnue. Nous sommes capables de produire des instruments de précision, d’une grande fiabilité », ajoute Nathalie Tinjod.

 

Et si les ambitions demeurent, les velléités européennes se voient perturbées par la redéfinition de l’ordre international. La tentative d’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a amené l’ESA, à la demande de ses États membres, à mettre un coup d’arrêt à tous les programmes en coopération avec Roscosmos, exception faite de la Station spatiale internationale, la Russie étant l’un des cinq partenaires du laboratoire orbital. De quoi altérer la temporalité de certains projets tels que le lancement du rover martien Rosalind Franklinrover martien Rosalind Franklin, initialement prévu pour septembre 2022. Il faudra désormais attendre 2030 pour voir le véhicule sillonner les plaines désertiques de la Planète rouge.

La collaboration avec la Nasa semble, dans une certaine mesure, plongée dans une sorte de hiatus. Le programme Artemis, destiné à guider de nouveaux équipages vers la Lune, a pris beaucoup de retard au cours des dernières années. Les observateurs s’interrogent. Quid des partenaires européens, contribuant à la constructionconstruction de la capsule Orion ? Malgré ces inconnues, l’ESA vise toujours les étoilesétoiles. Certains programmes majeurs tels que Copernicus continuent de fournir des données importantes sur l’évolution du climatclimat sur Terre, pendant que des missions telles que JuiceJuice (JupiterJupiter Icy Moons Explorer) promettent de continuer à nous faire rêver dans les prochaines années.

 

Auteur : Dorian De Schaepmeester, Rédacteur scientifique

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Artia13

Bonjour ! Je m'appelle Cédric, auteur et éditeur basé à Arles. J'écris et publie des ouvrages sur la désinformation, la sécurité numérique et les enjeux sociétaux, mais aussi des romans d'aventure qui invitent à l'évasion et à la réflexion. Mon objectif : informer, captiver et éveiller les consciences à travers mes écrits.

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