Cyberéthique et libertés numériques

Du plomb dans l’aile

Comment la pétition contre la loi Duplomb est devenue virale

En moins de deux semaines, la pétition contre la loi Duplomb a dépassé 1,8 million de signatures, devenant la deuxième mobilisation de ce type la plus soutenue en France.

Le 8 juillet 2025, la très critiquée loi Duplomb était votée par l’Assemblée nationale grâce aux voix d’une large partie du bloc présidentiel, de la droite et de l’extrême-droite. Entre autres dispositions, le texte prévoit la ré-autorisation de l’acétamipride, un néonicotinoïde dangereux pour la biodiversité et la santé humaine, la facilitation des projets de mégabassines ou encore celle des élevages intensifs.

Deux jours plus tard, l’étudiante de 23 ans Éléonore Pattery créait une pétition sur le site de l’Assemblée nationale. Elle y qualifiait la loi Duplomb d’ « aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire » et d’« attaque frontale contre la santé publique, la biodiversité, la cohérence des politiques climatiques, la sécurité alimentaire, et le bon sens ».

En quelques jours, les compteurs s’affolent : la pétition dépasse les 100 000 puis les 200 000 signatures. Repérée par des comptes influents dans les sphères écologistes, dont celui du média Bonpote créé par Thomas Wagner, l’initiative se répand sur les réseaux sociaux, appelant les internautes à signer. En jeu : dépasser la barre des 500 000 signatures, au-delà de laquelle la conférence des présidents peut décider de mettre un débat sur le sujet à l’ordre du jour (quoiqu’ils n’y soient pas obligés, et que le débat soit dédié à rester sans vote).

En ligne, un nombre croissant de personnalités influentes et d’internautes se sont lancés dans la promotion de la pétition, jusqu’à lui faire dépasser plusieurs records de nombre de signatures.

Plus de 1,8 million de signatures

En moins de deux semaines, la pétition a réuni plus de 1,8 million de signatures. Son initiatrice n’a pourtant rien d’une influenceuse : dans le texte de la pétition, elle indique être actuellement en Master qualité, sécurité, environnement et responsabilité sociétale des entreprises. « Je ne suis pas indispensable à ce débat : l’opinion publique, les voix qui s’élèvent partout dans le pays me représentent déjà très bien », déclare-t-elle sur son compte LinkedIn. Elle y encourage régulièrement les signataires mais demande à ce que les médias ne la contactent pas.

Plusieurs personnalités plus habituées à la diffusion à grande échelle prennent rapidement le relais, raconte Politico. Ainsi du fondateur de Bon Pote, média de vulgarisation des enjeux environnementaux, de créateurs de contenus engagés dans les questions environnementales, comme Hugo Clément et Camille Étienne, ou encore des ONG et militants écologistes.

Rapidement, leurs messages, doublés d’appels directs à des vidéastes comme Squeezie, Lena Situations ou Tibo InShape, décuplent la vitalité des appels à signer la pétition. Grâce à ces interpellations en dehors de leurs sphères déjà sensibilisées, ils et elles obtiennent bientôt le soutien des créatrices de contenu EnjoyPhoenix et Jujufitcats ou de l’acteur Pierre Niney. Pour le sénateur Laurent Duplomb (Les Républicains), interrogé sur RMC, il s’agit d’une « instrumentalisation par l’extrême-gauche et par les écologistes ».

Mais avant la rédaction de la pétition par Éléonore Pattery, les effets de la ré-autorisation de l’acétamipride inquiétaient déjà le grand public. Au moment du vote de la loi, le cri de la fondatrice du collectif Cancer Colère, Fleur Breteau, avait déjà fait le tour des réseaux sociaux. « Vous êtes les alliés du cancer et nous le ferons savoir ! », avait lancé à l’adresse des députés de la droite et de l’extrême-droite de l’Assemblée celle qui se bat contre son deuxième cancer du sein en quatre ans. Elle donnait alors un visage à une inquiétude croissante sur les effets cancérigènes des pesticides dont la loi Duplomb doit permettre à nouveau l’usage.

Devant la pétition des Gilets jaunes, derrière celle de l’Affaire du siècle

Forte de ce contexte et de ces soutiens, la pétition contre la loi Duplomb a réussi en quelques semaines à se hisser à un nombre de signatures record. Elle fait mieux que celle de Priscillia Ludosky, protestant en 2018 sur change.org contre la hausse du prix des carburants. Viral, déjà, ce texte signé par 1,29 million de personnes avait signé le coup d’envoi du mouvement des gilets jaunes. Elle dépasse aussi les scores de la pétition « Loi Travail : non, merci ! », qui avait récolté 1,35 million de signatures – le texte a été adopté en août 2016.

La seule mobilisation numérique plus importante, à l’heure actuelle, est celle portée en 2018 par la Fondation pour la nature et l’homme, Greenpeace France, Notre affaire à tous et Oxfam France pour faire reconnaître « l’inaction climatique de l’État français et son obligation à agir ». Elle avait récolté plus de 2,3 millions de signatures. À l’époque, sa médiatisation avait été aidée par des personnalités culturelles, parmi lesquelles les actrices Juliette Binoche et Marion Cotillard, l’humoriste Élie Semoun et les youtubeurs McFly et Carlito.

Trois ans plus tard, le tribunal de Paris avait effectivement reconnu l’État responsable de manquements dans la lutte contre le réchauffement climatique – un jugement qui résonne avec celui de la Cour internationale de justice, qui a jugé le 23 juillet l’inaction climatique des États « illicite ».

Après avoir adopté la loi Duplomb sans débat – en adoptant une motion de rejet et en la renvoyant en commission mixte paritaire –, les législateurs semblent néanmoins surpris par le succès de la pétition contre la loi Duplomb. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, s’est déclarée favorable à l’ouverture d’un débat, mais cela n’a pas empêché la ministre de l’Agriculture Annie Genevard de déclarer que le texte serait « de toute façon promulgué ». Le Conseil constitutionnel doit se prononcer sur le recours déposé par les élus écologistes d’ici le 10 août.

Auteur : Mathilde Saliou

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Artia13

Bonjour ! Je m'appelle Cédric, auteur et éditeur basé à Arles. J'écris et publie des ouvrages sur la désinformation, la sécurité numérique et les enjeux sociétaux, mais aussi des romans d'aventure qui invitent à l'évasion et à la réflexion. Mon objectif : informer, captiver et éveiller les consciences à travers mes écrits.