Décryptage technologique

Les personnes désireuses de perdre du poids se rassemblent de plus en plus dans des communautés en ligne. À l’heure où certains influenceurs font la promotion de méthodes amaigrissantes risquées allant jusqu’à l’usage détourné de médicaments, ces espaces numériques pourraient – s’ils étaient encadrés par des professionnels de santé – devenir un complément utile à l’accompagnement médical traditionnel.


Un Français sur deux est en situation de surpoids ou d’obésité. Pour tenter de perdre du poids, les personnes concernées ne font plus seulement appel aux professionnels de santé.

Il existe notamment des communautés en ligne consacrées au soutien à la perte de poids, qui proposent d’échanger avec des « pairs », des personnes « comme nous », qui rencontrent la même problématique.

Des communautés en ligne, sur les réseaux, entre patients…

Tantôt rattachées à une marque (à l’image de la très connue communauté Weight Watchers), tantôt lancées à l’initiative d’internautes sur des sites de santé généralistes (par exemple, Doctissimo) ou sur des réseaux sociaux, disposant parfois d’un comité scientifique composé de médecins (à l’image de certaines communautés entre patients, par exemple Carenity), ces communautés perdurent et continuent d’attirer de nouveaux membres.

Comment expliquer leur succès ? Peuvent-elles constituer un levier vers des comportements alimentaires plus équilibrés ? Comment concilier leur approche avec la prise en charge proposée par des professionnels de santé ?

La place prise par les influenceurs autour des régimes amaigrissants

La perte de poids est un parcours du combattant. C’est ce qui ressort des témoignages recueillis dans notre étude. De nature qualitative, elle a été menée auprès de 25 utilisateurs de communautés en ligne.

Annie, 43 ans, indique par exemple :

« J’aime bien la bonne cuisine, mais je me reprends en main du coup. Je pense que ce régime, ce sera jusqu’à la fin de ma vie, ça m’a aidée à prendre conscience que le surpoids se gère, mais c’est une attention de tous les jours. »

Différentes stratégies sont mises en œuvre pour perdre du poids : par exemple, se rendre dans le cabinet d’un professionnel de santé ou entreprendre un régime hypocalorique à l’instar du célèbre programme Weight Watchers (la marque a cessé ses activités en France fin 2024).

Mais désormais, certaines personnes qui souhaitent maigrir suivent des influenceurs santé/bien-être sur les réseaux sociaux. Cela témoigne d’une nouvelle ère pour les régimes dans laquelle les influenceurs sont particulièrement écoutés.

Les risques liés à la promotion d’usages détournés de médicaments

Actuellement, les influenceurs font une large promotion des sémaglutides tels que l’Ozempic, hors de tout contrôle médical, ce qui présente des risques contre lesquels les autorités de santé ont alerté. Ozempic est en effet un médicament contre le diabète qui est détourné de manière illégale de son usage initial parce qu’il induit une perte de poids.

À noter qu’il existe désormais une version de la même molécule, commercialisée sous le nom de Wegovy, indiquée cette fois pour traiter l’obésité dans des situations très précises. Ce nouveau médicament n’est disponible que sur ordonnance et les prescriptions sont très encadrées.




À lire aussi :
Ozempic et perte de poids : les risques derrière le mauvais usage de cet antidiabétique


Des « communautés de soutien » avec des personnes qui « nous ressemblent »

De nombreuses personnes se tournent également vers des communautés pour partager leur parcours de perte de poids et s’entraider.

Sabah, 35 ans, témoigne :

« Juste le fait de partager nos difficultés, je pense que ça fait quelque chose. Ça peut remonter le moral. »

Ces communautés aident à maintenir sa motivation, au travers des échanges avec des personnes qui ont le même vécu.

Lise, 53 ans, explique :

« Il y a une chose qui m’a toujours paru assez difficile, c’est d’être conseillée pour maigrir par des personnes qui sont filiformes. Quelque part, est-ce qu’elles savent vraiment ce que c’est qu’un régime et le vécu d’un régime ? […] Il y a une compréhension dans ces communautés qu’on n’a pas forcément avec un professionnel. »

Le corps médical ne peut donc plus omettre l’existence de ces lieux de rassemblement, de même que l’écoute et l’empathie dont les patients ont besoin et que ces professionnels n’ont pas toujours le temps de donner.

Ces communautés en ligne créées pour perdre du poids sont désignées par les participants comme des « communautés de soutien ». Le partage est au cœur de ces communautés.

Estelle, 32 ans, analyse :

« Je pense que quand on fait cette démarche-là d’aller sur les forums, on cherche à partager, à se soutenir. »

Ce soutien peut être de nature informationnelle, lorsque les utilisateurs échangent des conseils et des astuces, mais aussi de nature émotionnelle.

Jennifer, 22 ans, rapporte :

« Ça fait plaisir quand on dit qu’on a perdu du poids ou qu’on a fait un excès. C’est bien de se voir écrire “Continue, courage”. »

Les participants cherchent à échanger avec des personnes et « des profils qui [leur] ressemblent ». « Dans la même galère », « des personnes qui sont comme moi », « se trouver des points communs » constituent autant de façons de faire référence à des personnes que l’on pense être comme nous, auxquelles on s’identifie.

Un espace de partage pour manger mieux ?

Notre seconde étude, quantitative, menée auprès de 335 utilisateurs de communautés, montre que plus l’utilisateur se sent soutenu, plus il s’identifie aux membres de la communauté. Cependant, dans tout rassemblement social, des règles doivent être respectées pour que les échanges soient les plus sereins et profitables possibles.

Les règles ou normes qui régissent les communautés sont nombreuses : ne pas juger les autres, afficher sa perte de poids chaque semaine, être sincère, afficher ses menus, ne pas suivre de régime restrictif, participer tous les jours à la communauté ou encore se fixer un objectif précis.

Notre étude montre que plus les participants se conforment à ces règles, plus leur auto-efficacité augmente, ce qui se traduit notamment par une plus grande consommation de fruits et légumes, conformément aux recommandations officielles et à la littérature scientifique. Cette stratégie est reconnue comme efficace pour perdre du poids.

Claude, 70 ans, lorsqu’elle parle d’un partage de recettes sur la communauté, indique également :

« C’était un gratin de pâtes au saumon. Avec un poisson. Ça m’a donné une idée, car je n’ai pas l’habitude de faire ça. »

Myriam, 32 ans, ajoute :

« J’ai intégré le chocolat par exemple dans mon régime alimentaire alors que je ne mange pas du tout de chocolat de base. Je suis plutôt grignotage salé. Le fait d’avoir intégré le chocolat, je me rends compte que ça m’aide à tenir le coup sur une journée. C’est un petit moment de plaisir et ça, c’est un conseil que j’ai eu sur les forums. »

Un accompagnement supplémentaire pour les patients

Alors qu’une de nos précédentes recherches menée auprès de 23 experts en nutrition avait montré la défiance des professionnels de santé vis-à-vis de ces communautés en ligne (informations erronées possibles, trop de croyances, incitation à entreprendre des régimes restrictifs par exemple), ces experts pourraient en tirer parti pour une prise en charge multidimensionnelle du surpoids et de l’obésité.

Le recours à ces communautés pourrait constituer un accompagnement complémentaire dans le contexte actuel, dans lequel l’accent est mis sur le traitement des causes, et non seulement des conséquences de l’obésité, en faisant appel à des experts en nutrition mais aussi à des psychologues, des cardiologues et d’autres professionnels.

Alternatives aux communautés qui prônent des régimes décriés pour leur côté restrictif, des communautés développées, alimentées et encadrées par des professionnels de santé pourraient être source de bien-être psychologique pour leurs patients.




À lire aussi :
L’illusion perdue des régimes amaigrissants


Il reste encore du chemin à parcourir pour mieux (re)connecter patients et professionnels de santé. Le soutien doit être au cœur de la prise en charge du surpoids et de l’obésité, car il permet d’atteindre plus facilement ses objectifs.

Communautés en ligne : (re)connecter les personnes en quête de perte de poids et les professionnels de santé

Laurie Balbo a reçu des financements de l’ANR.

Marie-Christine Lichtlé et Steffie Gallin ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.

Auteur : Steffie Gallin, Professeur Assistant, Montpellier Business School

Aller à la source

Artia13

Bonjour ! Je m'appelle Cédric, auteur et éditeur basé à Arles. J'écris et publie des ouvrages sur la désinformation, la sécurité numérique et les enjeux sociétaux, mais aussi des romans d'aventure qui invitent à l'évasion et à la réflexion. Mon objectif : informer, captiver et éveiller les consciences à travers mes écrits.