EN IMAGES. On vous présente trois découvertes de la mission spatiale européenne Gaia, qui prend sa retraite après avoir cartographié la Voie lactée avec une précision inédite

Lancée en 2013, la sonde doit être désactivée jeudi mais l’important volume de données qu’elle a collectées va alimenter la recherche pendant encore au moins plusieurs décennies.

Elle a déjà marqué l’histoire de l’astronomie et des sciences. Lancée en 2013, la sonde Gaia, qui avait pour mission de cartographier en trois dimensions notre galaxie, la Voie lactée, doit être désactivée jeudi 27 mars. Ce clap de fin est loin de signer l’arrêt des travaux : le volume de données collectées est tel qu’il faudra encore cinq ans pour finir de les traiter, sans compter le temps de les analyser. Franceinfo décypte trois découvertes de cette mission d’archéologie galactique initiée par l’Agence spatiale européenne (ESA).

1 La vraie forme de la Voie lactée et son disque tordu

La sonde Gaia a joué au géomètre de notre galaxie pendant douze ans, relevant les positions de 1,7 milliard d’étoiles et d’autres corps célestes. Les spécialistes parlent d’astrométrie, c’est-à-dire la mesure des astres dans le ciel. Pour chacun, elle l’a fait avec une précision inédite, et à plusieurs reprises. Un travail qui a permis la réalisation d’images de la Voie lactée d’une grande finesse. Voici une représentation de notre galaxie, vue de dessus, avec une flèche situant notre système solaire.

Vue d'artiste montrant la Voie lactée et situant notre système solaire, à partir des données récoltées par le sonde Gaia de l'Agence spatiale européenne. (ESA / GAIA / DPAC, STEFAN PAYNE-WARDENAAR)

Vue d’artiste montrant la Voie lactée et situant notre système solaire, à partir des données récoltées par le sonde Gaia de l’Agence spatiale européenne. (ESA / GAIA / DPAC, STEFAN PAYNE-WARDENAAR)

« Gaia a changé notre perception de la Voie lactée. Même certaines idées de base ont été revues », commente sur le site de l’ESA Stefan Payne-Wardenaar, visualisateur scientifique à l’Institut d’astronomie Max-Planck, en Allemagne, qui a réalisé ces images. Parmi les idées fondamentales évoquées, il cite le « gauchissement du disque », c’est-à-dire sa torsion. En effet, si on le regarde depuis la tranche, le disque de la Voie lactée n’est pas plat mais ondulé, comme une roue voilée.

Vue de la Voie lactée depuis la tranche, à partir des données de la mission Gaia, montrant que son disque est voilé. (ESA / GAIA / DPAC, STEFAN PAYNE-WARDENAAR)

Vue de la Voie lactée depuis la tranche, à partir des données de la mission Gaia, montrant que son disque est voilé. (ESA / GAIA / DPAC, STEFAN PAYNE-WARDENAAR)

Ce constat était connu mais les données de Gaia ont permis de mieux caractériser cette irrégularité et d’affiner les hypothèses sur son origine. Des astronomes ont suggéré, dans un article publié en 2020 dans la revue scientifique Nature Astronomy, que la torsion du disque n’était pas statique : selon eux, elle change d’orientation en faisant le tour du centre galactique, à la façon d’un disque vinyle déformé. Sauf que la rotation ne se fait pas ici à la vitesse de 33 ou 45 tours par minute mais d’une révolution en 600 à 700 millions d’années.

Représentation de la torsion du disque de la Voie lactée à partir des données recueillies par la sonde Gaia. Elle montre que notre Soleil se trouve à 26 000 années-lumière du centre, tandis que le rayon du disque fait le double. (ESA / STEFAN PAYNE-WARDENAAR)

Représentation de la torsion du disque de la Voie lactée à partir des données recueillies par la sonde Gaia. Elle montre que notre Soleil se trouve à 26 000 années-lumière du centre, tandis que le rayon du disque fait le double. (ESA / STEFAN PAYNE-WARDENAAR)

Les experts avancent que le phénomène trouverait son origine dans la collision en cours avec une petite galaxie voisine, celle du Sagittaire. La rencontre avec cette dernière, qui s’étale sur des centaines de millions d’années, engendre selon eux des oscillations verticales, semblables aux vaguelettes que provoque un caillou lancé dans l’eau. La forme du disque n’est pas le seul élément sur lequel Gaia a permis d’approfondir les connaissances. Désormais, on sait par exemple que les étoiles proches du centre sont plus riches en fer que celles situées à l’extérieur, dans les bras spiraux de la galaxie.

2 La Voie lactée a subi dans sa jeunesse une importante fusion avec une autre galaxie

Gaia avait comme objectif de retracer l’histoire de la galaxie dans laquelle nous vivons. Mission nettement accomplie, juge sans détour auprès de franceinfo Piercarlo Bonifacio, directeur de recherche au CNRS. Les relevés de la mission ont apporté des « preuves » confirmant ce que les spécialistes pressentaient depuis longtemps : la Voie lactée a rencontré dans sa jeunesse, il y a 10 milliards d’années, la galaxie naine Gaïa-Encelade. A l’époque, la Voie lactée était beaucoup plus petite qu’aujourd’hui et le rapport entre les deux galaxies était d’environ quatre pour un, expliquait en 2018 l’Institut national des sciences de l’Univers du CNRS. C’est pourquoi il s’agit d’une « fusion majeure », selon les termes de Piercarlo Bonifacio.

Les données recueillies ont permis aux équipes scientifiques de Gaia de simuler cet événement en vidéo. Celle-ci permet d’observer la danse de plus en plus rapprochée, la façon dont les étoiles de Gaïa-Encelade (matérialisées en rouge) ont peu à peu incorporé la Voie lactée, et comment elles ont fini par totalement s’y mêler.

Les vestiges de Gaïa-Encelade sont désormais présents dans une large partie de notre galaxie, sans pour autant être répartis de façon uniforme. Les étoiles qui appartenaient à cette galaxie naine se retrouvent aujourd’hui en grande partie dans le halo qui entoure la Voie lactée : elles se caractérisent par le fait qu’elles sont plus pauvres en calcium, magnésium ou silicium que les étoiles nées localement, a expliqué Alejandra Recio-Blanco, astronome au Laboratoire Lagrange de l’Observatoire de la Côte d’Azur, très impliquée dans la mission Gaia, lors d’une conférence mi-mars.

D’autres fusions ont jalonné la Voie lactée, qui d’ailleurs se rapproche actuellement de la galaxie du Sagittaire. Toutes ces accumulations lui ont permis de croître et de devenir l’une des plus imposantes de son groupe local, qui en compte des dizaines d’autres. Mais ces incorporations n’ont pas toutes eu autant d’impact que celle avec Gaïa-Encelade. De plus, l’ensemble de ces remous doit être relativisé. Piercarlo Bonifacio souligne que la Voie lactée a une vie « calme par rapport à la moyenne des galaxies », qui ont parfois connu des fusions « plus violentes ». Certains scientifiques, ajoute-t-il, font l’hypothèse que c’est grâce à cette tranquillité que la vie a pu apparaître dans la Voie lactée.

3 BH3, un type de trou noir encore jamais vu dans notre galaxie

La grande précision des mesures systématiques et répétées de Gaia permet de détecter des objets qui ne font pas partie de son cœur de mission. La sonde a notamment débusqué trois discrets petits trous noirs, bien différents des monstres supermassifs au centre des galaxies qui peuvent faire des millions de masses solaires ou davantage. Parmi ceux trouvés par Gaia, le dernier, appelé BH3, a fait sensation. « Ça a été marquant parce que j’ai vu les scientifiques vraiment réjouis par cette découverte et vraiment excités », se souvient Antoine Guerrier, coordinateur technique, dans une vidéo de l’agence spatiale française

Image représentant la Voie lactée, à partir des données de Gaia, avec les emplacements des trois trous noirs détectés jusqu'ici par la mission européenne : BH1, le premier, BH2, le deuxième et BH3, le troisième. (ESA / GAIA / DPAC)

Image représentant la Voie lactée, à partir des données de Gaia, avec les emplacements des trois trous noirs détectés jusqu’ici par la mission européenne : BH1, le premier, BH2, le deuxième et BH3, le troisième. (ESA / GAIA / DPAC)

Pourquoi cet engouement ? Les deux premiers à avoir été découverts, BH1 et BH2, sont des trous noirs stellaires, c’est-à-dire issus de l’explosion d’une étoile, affichant une taille conventionnelle d’environ 20 masses solaires. BH3, lui, avec ses 33 masses solaires, fait partie d’un calibre qui n’avait encore jamais été observé dans notre galaxie. C’est le premier exemple connu de trou noir stellaire massif de la Voie lactée, et « sa masse est plus grande que ce que prédisent la plupart des modèles d’évolution stellaire », souligne le Centre national des études spatiales.

Jusqu’ici, les trous noirs stellaires de grande masse avaient été détectés lors de fusions de trous noirs, dans des galaxies lointaines, grâce aux ondes gravitationnelles. BH3 est un objet rare et sa position relativement proche, à 2 000 années-lumière, offre la possibilité de l’« étudier en détail », s’est réjoui en juillet 2024 Pasquale Panuzzo, ingénieur de recherche au CNRS, lors d’un séminaire de l’Observatoire de Paris intitulé « Gaia BH3, un trou noir extraordinaire » (vers 25′ dans la vidéo).

Ce trou noir dormant présente également la particularité de tourner dans le sens contraire des autres étoiles de la galaxie. Une différence liée au fait que BH3 appartient à un ancien amas d’étoiles, appelé ED-2, qui a été absorbé par la Voie lactée. Le trou noir n’a pas fini de livrer tous ses secrets : les spécialistes s’attendent à de nombreuses études sur BH3 pour mieux le connaître, retracer son origine et son parcours. Sans compter que des cousins de BH3 pourraient également émerger d’analyses en cours et à venir.

Au-delà de ce cas précis, les relevés de Gaia sont promis à une longue vie. « La publication des données finales doit avoir lieu en 2030, rappelle à franceinfo Paola Sartoretti, ingénieure de recherche à l’Observatoire de Paris. Mais l’héritage va durer, je pense, des décennies et des décennies. »



Auteur :

Aller à la source

« C’est vraiment ahurissant » : cette galaxie est la plus lointaine jamais observée et elle remet tout en question Des scientifiques préparent une expédition de plusieurs centaines d’engins spatiaux pour explorer le système d’Alpha du Centaure La Chine pourrait doubler la Nasa dans la recherche de la vie à travers le Système solaire On dirait un fruit cosmique : cette nébuleuse est magnifique sous le regard du télescope James-Webb ! L’Observation des Satellites : Défis et Avancées La Chine en passe de décrocher le Graal martien avant la Nasa mais un risque majeur inquiète les experts ! La face cachée des bases en Antarctique : quand l’enfer n’est pas dehors, mais dedans ! Frissons garantis : Hubble dévoile 4 images à couper le souffle pour ses 35 ans ! Un monde de tech – L’Agence spatiale européenne va diffuser «Le Beau Danube bleu» dans l’espace lointain Ce drone va révolutionner l’exploration de Mars Qu’est-ce qui empêche la formation d’étoiles au cœur de la Voie lactée ? Le James-Webb suggère une réponse à l’énigme ! À quoi ressemble vraiment le Soleil ? Ces nouvelles images prises au plus près vont vous laisser sans voix