Et si la véritable menace pour la Terre venait… de Vénus ? Ce que personne ne voit venir
Vénus, la « sœur » de
la Terre, fascine les astronomes
depuis toujours. Pourtant, ce que l’on sait moins, c’est que cette
planète mystérieuse est accompagnée d’une population d’astéroïdes
furtifs qui pourraient, un jour, poser un réel danger pour notre
planète. Ces astéroïdes, appelés coorbitaux de Vénus, suivent une trajectoire proche de
celle de la planète autour du Soleil, ce qui rend leur détection
particulièrement difficile depuis la Terre.
Qu’est-ce qu’un astéroïde
coorbital ?
Les astéroïdes coorbitaux
partagent pratiquement la même orbite que Vénus, orbitant autour du
Soleil en synchronisme avec elle. Cela signifie qu’ils gravitent à
peu près à la même vitesse et sur un chemin similaire, ce qui les «
cache » dans la luminosité intense proche du Soleil vue depuis la
Terre. Jusqu’à présent, seulement une vingtaine d’entre eux ont été
identifiés, mais de nouvelles recherches suggèrent qu’ils sont bien
plus nombreux.
Un iceberg caché dans l’éclat
du Soleil
Selon une équipe de chercheurs
dirigée par Valerio Carruba de l’Université de São Paulo (Brésil),
ces astéroïdes coorbitaux sont bien plus nombreux que ce que l’on
pensait. Leur étude met en lumière une population encore largement
inconnue, difficile à repérer en raison de la proximité solaire, et
dont certains membres pourraient s’approcher dangereusement de la
Terre.
Ces astéroïdes sont classés
parmi les astéroïdes
potentiellement dangereux lorsqu’ils dépassent 140 mètres de
diamètre et s’approchent à moins de 0,05 unité astronomique de
notre orbite. Ce seuil de proximité suscite des inquiétudes quant à
leur potentiel d’impact sur Terre.
Une menace difficile à
évaluer
Ce qui complique encore la
situation, c’est la nature chaotique de leur trajectoire. Les
astéroïdes coorbitaux de Vénus ont un « temps de Lyapunov »
d’environ 150 ans. En termes simples, c’est la période au-delà de
laquelle il devient quasiment impossible de prédire précisément
leur mouvement. Leur orbite entre alors dans une zone d’instabilité
où le moindre petit changement peut bouleverser complètement leur
chemin.
Ainsi, même si les astronomes
peuvent suivre ces astéroïdes pendant plusieurs décennies, il est
difficile de prévoir avec certitude s’ils finiront par croiser la
trajectoire de la Terre, ou pire, entrer en collision avec
elle.

Gill
36 000 ans de simulations :
une population préoccupante
Pour mieux comprendre les
risques, les chercheurs ont mené des simulations numériques sur 36
000 ans. Les résultats sont préoccupants. Ils indiquent l’existence
d’une population importante d’astéroïdes coorbitaux à faible
excentricité – c’est-à-dire avec une orbite proche du cercle
parfait – qui pourraient provoquer de nombreuses rencontres
rapprochées, voire des collisions avec la Terre.
Selon l’étude, ces astéroïdes
aux orbites moins allongées (excentricité inférieure à 0,38)
représentent un risque réel, car leur trajectoire peut croiser
celle de notre planète. Ce facteur complique encore davantage la
surveillance et l’évaluation du danger.
Pourquoi sont-ils si
difficiles à détecter ?
Le problème principal réside
dans l’observation. Les télescopes terrestres ont une fenêtre
d’observation très réduite pour scruter la région autour du Soleil,
en raison de la forte luminosité et de la position basse dans le
ciel de ces objets. Cette limitation empêche les astronomes de
repérer facilement les coorbitaux de Vénus.
Un espoir réside toutefois
dans le futur observatoire Vera Rubin, dont la caméra
ultra-puissante pourrait, dans des conditions optimales, repérer
certains de ces astéroïdes « invisibles » jusqu’ici. Mais même cet
outil exceptionnel risque de ne pas suffire à détecter l’ensemble
de la population.
Les chercheurs suggèrent donc
qu’une solution idéale serait de lancer une mission spatiale
dédiée, avec une constellation de sondes positionnées autour de
Vénus. Ces observatoires pourraient alors scruter en permanence la
région et repérer ces corps célestes furtifs.
La défense planétaire, un
enjeu majeur
La défense contre les menaces
d’impact d’astéroïdes est devenue une priorité pour les agences
spatiales. La NASA, par exemple, a récemment réussi la mission
DART, qui a démontré la capacité à dévier un astéroïde en modifiant
sa trajectoire. Ce type d’intervention pourrait sauver la Terre
d’une catastrophe similaire à celle qui a provoqué l’extinction des
dinosaures.
Cependant, pour réussir une
telle mission, il faut absolument connaître à l’avance la
trajectoire précise des astéroïdes potentiellement dangereux. Avec
des objets aussi imprévisibles que les coorbitaux de Vénus, cette
tâche est d’autant plus complexe.
Un appel à la vigilance et à
la recherche
L’étude publiée sur arXiv.org et soumise à Astronomy and Astrophysics souligne donc la
nécessité d’intensifier la surveillance de ces astéroïdes cachés.
Leur potentiel de danger, couplé à leur difficulté d’observation,
en fait une priorité pour la recherche en astronomie et la défense
planétaire.
En somme, alors que Vénus
continue d’émerveiller par ses similitudes avec la Terre, elle nous
rappelle aussi que l’espace proche de notre système solaire reste
un territoire complexe et plein de surprises. Les astéroïdes
coorbitaux de Vénus, invisibles mais pas inoffensifs, pourraient
bien être un nouveau défi à relever pour protéger notre planète
dans les décennies à venir.
Auteur : Brice Louvet
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