Et si on pouvait prendre l’avion en polluant moins ? Le MIT propose une nouvelle idée « complètement folle » qui pourrait tout changer !
« La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent. » Voilà ce qu’en pensait Albert Einstein. De son point de vue alors, l’idée de ces chercheurs pour électrifier le secteur de l’aviation n’est pas le moins du monde folle. Car elle est bel et bien nouvelle. Suivant le raisonnement du plus célèbre des physiciens, elle pourrait donc fort bien mener à un résultat très différent de celui, peu encourageant, obtenu jusqu’ici.
Électrifier le secteur des transports. C’est l’une des solutions envisagées pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GESGES) et limiter ainsi le réchauffement climatiqueréchauffement climatique anthropique. Mais l’idée a ses limites. Les capacités de stockage des batteries, relativement à leur poids, rendent en effet difficilement envisageable l’électrification des avions, par exemple. « Pour l’aviation régionale – soit environ 80 % des vols et 30 % des émissions du secteur -, le seuil acceptable serait d’environ 1 000 wattheures par kilogramme (Wh/km), explique Yet-Ming Chiang, professeur de science et d’ingénierie des matériaux au Massachusetts Institute of Technology (MIT, États-Unis). Mais les batteries lithium-ion que nous utilisons actuellement dans nos voituresvoitures plafonnent à quelque 300 Wh/km. » On est loin du compte. Et aucune autre chimie de batterie connue ne semble en mesure de faire suffisamment mieux.
Alors, les chercheurs du MIT ont étudié une solution alternative. Quelque part entre la pile à combustible – celle dans laquelle on injecte de l’hydrogène pour produire de l’électricité – et la batterie. Dans la revue Joule, ils présentent les expériences qu’ils ont menées sur un prototype et ils montrent que cette technologie peut effectivement transporter plus de trois fois plus d’énergie par unité de poids qu’une batterie lithium-ionbatterie lithium-ion. « On s’attend à ce que les gens trouvent cette idée complètement folle, reconnait Yet-Ming Chiang. Si ce n’était pas le cas, je serais un peu déçu, car cela signifierait qu’elle n’est probablement pas si révolutionnaire. »
Le meilleur des batteries et des piles à combustible
Les chercheurs du MIT ont pris le parti de travailler sur le concept électrochimique des batteries métalmétal–airair. Celles-ci, en effet, sont connues depuis longtemps pour leur beau potentiel de densité énergétique. Mais pour transformer enfin ce potentiel en quelque chose de concret, il aura fallu développer l’idée de transformer ces batteries en piles à combustiblepiles à combustible. La différence, c’est que les premières sont assemblées et scellées alors que les secondes voient des matériaux porteurs d’énergie entrer et sortir.
Les chercheurs expliquent que le carburant qui entre d’un côté de leur pile à combustible n’est pas de l’hydrogène, mais du sodiumsodium (Na) métallique liquideliquide. À cela, plusieurs avantages. D’abord, le fait que le sodium est abondant et facile à extraire. On le trouve dans le chlorure de sodium. Le sel, en d’autres mots. La ressource est bien plus accessible que le lithium utilisé dans les batteries classiques. D’ailleurs, du sodium métal a déjà été produit en quantité industrielle par le passé. Il a en effet servi à fabriquer le plombplomb tétraéthyle utilisé comme additif dans l’essence de nos voitures. Les États-Unis en produisaient alors en toute sécurité 200 000 tonnes par an.
De l’autre côté du montage, comme source d’oxygèneoxygène, il y a tout simplement une arrivée d’air. Mais comme le gazgaz n’est pas concentré, le risque d’emballement qui existe avec des batteries à haute densité énergétique lorsque les réactifsréactifs entrent accidentellement en contact, n’existe pas ici.
Entre les deux, enfin, une couche de céramiquecéramique solidesolide qui sert d’électrolyte. Comprenez, qui permet aux ions sodium de traverser. Une électrodeélectrode poreuse, aussi, sur laquelle le sodium réagit chimiquement avec l’oxygène. Et le tout produit de l’électricité.
Pas d’émissions de CO2
À la sortie d’une pile à combustible classique, ce n’est rien d’autre que de l’eau que l’on récupère, de l’eau formée par réaction entre l’hydrogène injecté et l’oxygène de l’air. Ici, c’est du sodium qui est injecté alors, que récupère-t-on à la sortie ? Puisque « rien ne se crée », pas de dioxyde de carbonedioxyde de carbone (CO2) en tout cas. C’est l’objectif. Mais l’avion n’en rejettera pas moins un gaz d’échappement constitué d’oxyde de sodium. Selon les chercheurs, toutefois, celui-ci se combinerait rapidement à l’humidité de l’airhumidité de l’air pour former de l’hydroxyde de sodiumhydroxyde de sodium. Lui-même se lie facilement au CO2 malheureusement trop présent dans l’atmosphèreatmosphère pour former un solide, le carbonate de sodium. Enfin, celui-ci forme du bicarbonatebicarbonate de sodium que l’on connaît bien sous le nom de bicarbonate de soude.
« Tout est spontané. Nous n’avons rien à faire pour que cela se produise, il suffit de faire voler l’avion », assure Yet-Ming Chiang. Et il s’en réjouit parce qu’outre le fait de débarrasser « gratuitement » notre atmosphère d’une partie du CO2 qui s’y trouve, l’opération pourrait désacidifier les eaux au moment où ledit bicarbonate de soude tomberait dans les océans.
Enthousiasmés par leurs premiers résultats, les chercheurs du MIT ont créé une société destinée à développer le concept. Propel Aero prévoit de faire voler ainsi un drone de grande taille d’ici un an.
Auteur : Nathalie Mayer, Journaliste
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