Green-Got, Helios… les néobanques durables sont-elles vraiment des banques ?
De nouveaux acteurs financiers ont fait leur apparition ces dernières années. Les néobanques, comme elles s’appellent, offrent une action plus visible par leurs clients. Mais s’agit-il vraiment de banques au sens classique ? En remplissent-elles bien les missions micro et macroéconomiques ? Quelles conséquences cela pourrait-il avoir ?
Les « néobanques durables » ou « éthiques » comptent de plus en plus de clients en France. L’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), organisme de tutelle du secteur financier français, dénombre 16 millions de clients en France pour les banques en ligne en 2020, un chiffre qui a doublé par rapport à 2018. Elles prônent la transparence, la coopération, les investissements responsables…
Des valeurs sociétales à impact, de plus en plus réclamées par le grand public et les investisseurs, face à l’hyperfinance des années 1990, conséquence de la déréglementation et de la montée des marchés financiers. Elles sont, en somme, tout ce à quoi on n’identifie plus les grandes banques. Doit-on pour autant continuer à leur attribuer le qualificatif de « banques » ?
Si elles révolutionnent la banque, c’est au sens premier du terme : les néobanques durables reviennent à l’essence de la finance, à ses fondamentaux. Quand on met son argent à la banque, on ne sait pas vraiment où il va. On sait seulement qu’il ne dort pas, qu’il est réinvesti, sans trop savoir chez qui ni dans quoi. C’est cette obscurité que veulent éclairer les « néobanques durables » comme Green-Got, Helios ou La Nef.
Un retour vers le passé ?
Ces nouveaux organismes retrouvent la fonction originelle des financeurs du passé. En effet, depuis ses origines, la banque est un trait d’union social, une institution qui offre de la liberté via le crédit, une plaque tournante humaine dont chacun peut voir et toucher les effets. Par leur volonté de rester petites, par le downscaling visant la réduction d’échelle pour cibler les petites entreprises, les banques durables répondent à la déshumanisation des grandes banques, dont le chiffre d’affaires dépasse parfois le PIB de certains États.
Si le message porté par les banques durables rencontre un tel écho, c’est parce qu’elles offrent à nouveau une connexion avec l’économie réelle et semblent réconcilier la banque et le citoyen. Green-Got, par exemple, se concentre sur des services financiers durables et responsables, alignant ses activités avec des objectifs environnementaux et sociaux. Cet établissement propose des comptes courants, des comptes d’épargne et des investissements dans des projets à impact positif.
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Des vraies fausses banques ?
Si les néobanques semblent revenir à l’essence de la banque, ce ne sont pourtant pas (toutes) des banques, au sens traditionnel de la loi bancaire de 1984. Il y a donc un abus de langage, un flou (qui, on le sait, cache souvent un loup) qu’il convient de dissiper. Il nous faut clarifier et démystifier ces établissements, qui ont toute leur raison d’être sur le plan sociétal. Il importe aussi de rappeler les fondamentaux de la banque traditionnelle au regard des attributs de ces nouveaux véhicules financiers.
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Les néobanques sont considérées par la loi comme des établissements de paiement ou des établissements de monnaie électronique. Cela signifie qu’elles peuvent offrir des services financiers, comme la gestion de comptes et les transferts d’argent, mais elles n’ont pas toutes les mêmes obligations réglementaires que les banques traditionnelles. Ainsi, Green-Got et Helios sont des établissements de paiement et de monnaie électronique, elles se limitent à l’offre de services financiers de niche sans pour autant disposer d’une licence leur permettant l’octroie de crédits via la création monétaire. Ainsi elles ne peuvent pas relayer les crises via la chaîne du crédit comme les banques traditionnelles.
D’autres néobanques en ont obtenu une, leur permettant de proposer une gamme de services plus étendue, y compris des prêts et des produits d’épargne. N26 et Revolut, par exemple, ont des licences bancaires en Europe, ce qui leur permet de fonctionner comme des banques traditionnelles dans certains domaines.
Une approche micro-sociale
Les néobanques ne peuvent, par ailleurs, pas se substituer, aux banques classiques. Souvent hors du champs de la loi bancaire, elles ont un rayon d’action centré davantage sur une approche micro-sociale. Or, une action bancaire/financière à l’échelle macroéconomique de tout un pays est plus que nécessaire. Dès 1911, dans sa rhéorie de l’évolution économique, Joseph Schumpeter précisait que les vraies banques constituent le moteur de l’innovation et du développement macro-économique. Cette approche « up-scaling » cherche à soutenir les grandes entreprises et la « corporate finance », tout en assurant la stabilité du système financier garantissant la croissance de la richesse nationale.
Les banques occupent une place centrale dans une économie moderne. Au moins quatre fonctions leur donnent le statut particulier de monopole naturel que les néobanques ne peuvent pas assurer :
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la gestion des risques financiers via des produits comme les assurances et les options de couverture permettent aux entreprises de se protéger contre les incertitudes économiques ;
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la création de monnaie via le crédit permet d’augmenter la quantité de monnaie en circulation, ce qui peut stimuler l’activité économique ;
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la stabilité économique est garantie par la régulation de l’offre de crédit assurant la liquidité du système financier ;
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un support à l’innovation par le financement des projets innovants permettant le développement technologique et économique.
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En résumé, les banques jouent un rôle crucial dans la croissance et la transformation des économies ce que les néobanques, actrices de niche, ne peuvent garantir à grande échelle.
Dhafer Saidane ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
Auteur : Dhafer Saidane, Full Professor – Head of the Msc Sustainable Finance and FinTech, SKEMA Business School
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