Guerre des recrutements : le directeur de l’IA d’Apple rejoint Meta
Un petit air de métavers
Meta a lancé toutes ses forces dans la création d’un laboratoire dédié à la superintelligence, débauchant des spécialistes chez Apple, Anthropic, OpenAI ou Scale AI.
Les guerres des recrutements battent à nouveau leur plein entre les géants technologiques états-uniens. Le directeur des modèles d’intelligence artificielle (IA) d’Apple, Ruoming Pang, quitte l’entreprise pour rejoindre Meta.
Ça n’est que le dernier transfert de ce type : depuis quelques semaines, Mark Zuckerberg multiplie les mesures pour développer un département dédié à la « Superintelligence ». Pour convaincre Ruoming Pang, qui avait rejoint Apple en 2021, Meta aurait proposé un package de plusieurs dizaines de millions de dollars, d’après Bloomberg.
Un nouveau cycle dans une concurrence de longue date entre les leaders du secteur. De 2018 à 2024, Apple s’était par exemple débrouillé pour mettre la main sur trente-six spécialistes de l’IA employés jusque-là par Google. Cette fois-ci, c’est Meta qui mène la danse, avec des promesse de packages à 100 millions de dollars (85 millions d’euros) qui font bruisser l’écosystème.
Mark Zuckerberg au recrutement
Comme Meta, Apple a pris un départ tardif dans le domaine de l’IA générative. En avril, ses outils Apple Intelligence peinaient à susciter l’enthousiasme. En juin, l’entreprise a annoncé qu’elle ouvrirait ces technologies à des développeurs tiers.
Mark Zuckerberg a de son côté restructuré les équipes de Meta dédiées à l’IA pour les tourner vers un objectif de superintelligence – quand bien même son propre directeur de la recherche en IA Yann Le Cun ne croit pas à une telle possibilité.
Pour y parvenir, la troisième fortune du monde a manœuvré pour intégrer le co-fondateur de la société d’IA Safe Superintelligence (créée en 2024 aux côtés de l’ex-Open AI Ilya Sutskever et du chercheur Daniel Levy) Daniel Gross et l’ancien PDG de GitHub Nat Friedman au sein de ses équipes.
Un groupe de chercheuses et chercheurs d’Open Ai, dont Yuanzhi Li, ont aussi rejoint Meta en juin, de même qu’Anton Bakhtin, qui travaillait jusque-là sur le modèle Claude d’Anthropic. C’est d’ailleurs Sam Altman, patron d’OpenAI, qui a indiqué que certains membres de ses équipes s’étaient vus promettre des primes de 100 millions de dollars à l’embauche – une somme en réalité répartie sur quatre ans, d’après The Verge.
Le PDG de Meta s’est en tout cas investi personnellement dans ces opérations, envoyant directement des e-mails ou des messages WhatsApp à des centaines de candidats, d’après le Wall Street Journal. Il aurait notamment tenté de convaincre Ilya Sutskever de le rejoindre. Régulièrement, Mark Zuckerberg va jusqu’à inviter les potentielles recrues dans ses propres maisons, à Palo Alto ou au bord du lac Tahoe, en Californie.
14 milliards de dollars pour l’entraîneur Scale AI, aux prises avec des « spammeurs »
En rachetant 49 % des parts de Scale AI, Meta s’est par ailleurs assuré le concours de son fondateur Alexandr Wang. Alors que Meta investissait 14 milliards de dollars dans cet acteur majeur de la chaîne d’entrainement des modèles génératifs, le média Inc. révélait que les relations entre la société de sous-traitance et son ex-client Google s’abimaient depuis longtemps.
Scale AI affirmait en effet employer des experts pour entraîner un modèle comme Gemini. Des documents internes montrent en revanche que l’entreprise tentait difficilement de minimiser le nombre de travailleurs du clic peu qualifiés, qu’elle qualifie de « spammeurs », œuvrant sur ce projet.
D’après le sociologue Antonio Casilli, ce type de vocabulaire est en réalité régulièrement utilisé lorsque les sociétés d’entraînement font face à des problèmes d’organisation interne : mauvaises attributions des tâches, manque de contrôle qualité, difficultés à attribuer les tâches en fonction des compétences des entraîneurs, etc. Les travailleuses et travailleurs du clic, eux, cherchent avant tout à gagner leur vie.
Pour certains, le simple fait de voir Mark Zuckerberg créer un laboratoire dédié à la « superintelligence » et dépenser des mille et des cents dans le projet n’est rien de moins que le signal de l’éclatement prochain de la bulle de l’IA. Le média Futurism compare en effet ce brusque pic d’activité à sa dernière obsession pour le métavers, qui s’est soldée par un échec patent et le licenciement d’une bonne partie des équipes du Reality Lab.
Une nouvelle industrie émerge en tout cas à mesure que les géants de la tech déversent des milliards de dollars dans leurs tentatives de créer des superintelligences : celle dédiée à corriger les erreurs de systèmes d’IA. Un nombre croissant de développeuses et d’auteurs se spécialisent désormais… dans la correction d’erreurs commises par des modèles génératifs.
Auteur : Mathilde Saliou
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