Il doutait de la théorie du Big Bang standard, le cosmologiste Jayant Narlikar est décédé
Surtout connu en Inde et au Royaume-Uni, mais pas totalement inconnu en France où il avait été professeur au Collège de France, le cosmologiste Jayant Narlikar vient de décéder. On lui doit des travaux fondateurs en cosmologie, dont un modèle alternatif à la théorie du Big Bang. Il était également un communicateur scientifique et un pédagogue de talent avec ses ouvrages sur la relativité et la cosmologie.
Le grand public français a sans doute découvert Jayant Narlikar au milieu des années 1980, avec la publication chez Payot de son ouvrage traduit de l’anglais et présentant la gravité de GaliléeGalilée aux trous noirs de Hawking : Une gravitation sans gravité. Il a fait ensuite quelques apparitions au début des années 1990 dans le mythique documentaire avec Michel Serres, Pierre Léna et Jean-Claude Pecker en 10 épisodes appelé Tours du Monde, Tours du Ciel.
Hélas, l’éminent astrophysicienastrophysicien et cosmologiste Jayant Narlikar, l’un des scientifiques indiens les plus renommés, vient de décéder dans son sommeilsommeil après une opération suite à une fracture de la hanche il y a deux semaines. Il aurait eu 87 ans en juillet prochain.
Né le 19 juillet 1938 à Kolhapur, dans le Maharashtra, il avait été le thésard puis le collaborateur, au début des années 1960, de rien de moins que Fred Hoyle, pionnier de la nucléosynthèse stellaire. Il est d’ailleurs présenté comme tel dans le téléfilm sur la vie de Stephen Hawking, interprété par Benedict Cumberbatch.
Avec Hoyle, il avait développé une version du modèle cosmologique standard, avant la découverte en 1965 du rayonnement fossile, le modèle cosmologique stationnaire avec un UniversUnivers en expansion sans début ni fin, une création continuelle de matièrematière maintenant sa densité constante malgré l’effet diluant de cette expansion avec un Univers de plus infini dans l’espace.
Bien que maîtrisant parfaitement la théorie standard du Big BangBig Bang, comme le prouve ses remarquables ouvrages d’introduction à la relativité générale et à la cosmologie moderne qui sont des musts abordables par des étudiants en dernière année de licence de physiquephysique, et bien qu’ayant aussi travaillé dans les pas de Stephen HawkingStephen Hawking en cosmologie quantique, Jayant Narlikar n’avait cessé d’avoir des doutes sur la théorie du Big Bang standard, préférant peut-être en raison de son héritage culturel indien un Univers sans début ni fin. Il avait donc proposé, au début des années 1990, une variante de la cosmologiecosmologie stationnaire connue sous le nom de Théorie de l’état quasi stationnaire, en compagnie de Fred Hoyle et Geoffrey Burbidge.
Leçon inaugurale de Jayant Vishnu Narlikar prononcée le 20 novembre 2003. Jayant Vishnu Narlikar fut professeur du Collège de France, titulaire de la Chaire internationale. Après avoir présenté une vision historique des efforts de l’Homme pour comprendre l’Univers, la seconde partie de cette leçon passe en revue les aspects factuels et spéculatifs de la cosmologie moderne. Les anciennes civilisations avaient leurs mythologies, entièrement spéculatives. Au fur et à mesure des progrès de la science, la nécessité de fonder les spéculations sur des faits d’observation s’est imposée. Ainsi, des théories hautement hypothétiques (comme l’anti-Terre des pythagoriciens, les orbites circulaires aristotéliciennes, ou les épicycles ptolémaïques) ont dû être abandonnées, parce qu’elles étaient contredites par les faits d’observation de plus en plus nombreux, rendus possibles par l’amélioration des techniques. © Collège de France
Des alternatives au Big Bang standard réfutées
Mais, depuis le début des années 2000, nous sommes entrés dans l’ère de la cosmologie de précision, ce qui a très rapidement conduit au modèle dit de concordance, car de nombreuses mesures avec des phénomènes indépendants redonnent le même modèle cosmologique. Il se peut que l’on se passe de la matière noire et de l’énergie noire constante dans ce modèle dans les décennies à venir. Mais les résultats déjà obtenus, des années 1990 aux années 2010, ont fait de la théorie du Big Bang dans ses grandes lignes un acquis définitif à l’instar de l’héliocentrisme.
Toutefois, la théorie du Big Bang dans le sens que lui donnent les astrophysiciens et les cosmologistes ne fait que dire que l’Univers observable – donc une certaine portion d’espace – avait un contenu en matière plus dense, plus chaud et moins organisé il y a entre 10 et 20 milliards d’années pour faire très large, sans atomesatomes et sans noyaux et encore moins avec des étoilesétoiles et des galaxiesgalaxies. Il est donc parfaitement possible de penser, par exemple que le Big Bang ne soit qu’une phase de rebond d’une portion d’un univers infini et éternel, qui se serait effondré gravitationnellement dans un Big CrunchBig Crunch, peut-être cyclique d’ailleurs, avant d’entrer en expansion à nouveau après avoir atteint une taille finie bien que microscopique.
Les théories de Narlikar et Hoyle ne sont pas compatibles avec les observations qui les ont réfutées depuis un moment déjà, comme on peut le voir expliqué dans plusieurs pages du célèbre site du cosmologiste Edward L. Wright.
Auteur : Laurent Sacco, Journaliste scientifique
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