Real men have fabs (until they don’t)
Lip-Bu Tan, CEO d’Intel, a précisé jeudi les contours du plan de restructuration lancé par l’entreprise. Il prévoit une nouvelle vague de départ concernant environ 15 % des salariés du groupe d’ici la fin de l’année, ce qui devrait porter les effectifs globaux à 75 000 personnes, contre 101 000 fin juin. Il annonce dans le même temps l’abandon des projets d’usine en Allemagne et en Pologne.
Les deux pieds sur la pédale de frein, mais des efforts qui vont « dans la bonne direction ». Lip-Bu Tan, patron d’Intel, a réaffirmé jeudi la nécessité de restructurer en profondeur l’ex-numéro un mondial des semi-conducteurs.
Dans la foulée des messages qu’il martèle depuis son entrée en fonctions, en mars dernier, il a livré jeudi 24 juillet un objectif chiffré : entre les départs déjà programmés, l’attrition naturelle et un nouveau tour de vis portant sur 15 % des équipes du groupe dans le monde, Intel devrait terminer l’année avec un effectif de l’ordre de 75 000 employés.
Nouveau tour de vis sur les effectifs
D’après le CEO, Intel a déjà réussi, au cours du deuxième trimestre, à réduire d’environ 50 % le « nombre de niveaux hiérarchiques » au sein de l’entreprise. « Nous sommes également en bonne voie pour mettre en œuvre notre politique de retour au bureau en septembre, les sites ayant finalisé les améliorations nécessaires pour fonctionner à pleine capacité », précise Lip-Bu Tan dans un message adressé aux collaborateurs et publié sur le site du groupe :
« Tout cela vise à optimiser l’efficacité organisationnelle et à transformer notre culture. Nous deviendrons une entreprise plus rapide, plus agile et plus dynamique. Nous éliminerons la bureaucratie et donnerons aux ingénieurs les moyens d’innover plus rapidement et plus efficacement. Nous réduirons également nos coûts pour investir dans la croissance future. Ce sont les fondements d’un nouvel Intel ; nous avons franchi des étapes importantes dans la bonne direction au deuxième trimestre. »
Ces investissements « dans la croissance future » connaissent pour l’instant un coup de rabot significatif : Lip-Bu Tan annonce en effet l’abandon des projets de création d’usine engagés par Intel en Allemagne et en Pologne.
Abandon des créations d’usine en Europe
Outre-Rhin, Intel prévoyait pour mémoire de construire deux usines à Magdebourg, dans le land de Saxe-Anhalt. L’enveloppe globale du projet, rendu public en 2023, était de l’ordre de 30 milliards d’euros, dont un tiers environ devait être apporté par l’État allemand sous forme de subventions.
En Pologne, il était question de créer « une installation d’assemblage et de test » proche de Wrocław, au prix d’un investissement chiffré, là encore en 2023, à 4,6 milliards d’euros.
Les deux sites étaient déjà sur la sellette : le précédent CEO d’Intel, Pat Gelsinger, avait en effet annoncé un décalage d’au moins deux ans à l’occasion d’une première vague de restructuration centrée sur l’activité de production de semi-conducteurs du groupe, Intel Foundry.
Son successeur, Lip-Bu Tan, signe leur deuil. Il annonce dans le même temps que même si Intel ne quitte pas le pays, ses activités au Costa Rica seront « consolidées » avec les sites industriels de capacité supérieure dont dispose le groupe au Vietnam et en Malaisie.
En ces temps marqués par la politique de Donald Trump, le CEO d’Intel prend soin de préciser que le groupe reste pleinement engagé dans sa politique d’investissement aux États-Unis. Mais il révèle là encore une mesure de rationalisation, avec un rythme revu à la baisse pour les deux usines que le groupe s’était engagé à construire dans l’Ohio, au prix d’un investissement de 20 milliards de dollars. Là aussi, la nouvelle était attendue : Intel avait déjà laissé entendre en mars dernier que le projet aurait du retard.
Intel 14A en ligne de mire
Ces éléments de restructuration n’auraient pas d’impact sur la feuille de route d’Intel côté fonderie. La priorité numéro un du groupe serait à ce niveau d’atteindre un rythme de croisière sur la production de puces faisant appel au procédé Intel 18A, à commencer par les processeurs Panther Lake programmés pour la deuxième moitié de l’année. Intel se dit à ce niveau confiant dans sa capacité à vendre le procédé à des constructeurs tiers.
Le futur se veut quant à lui incarné par le procédé Intel 14A, annoncé début 2024 et réaffirmé depuis comme le nœud grâce auquel le fondeur va rattraper son retard sur la concurrence taïwanaise, incarnée par TSMC, et donc potentiellement retrouver une posture de leader technologique sur le marché.

x86 et IA comme chevaux de bataille
Sur le volet produits, pas de grande surprise : Lip-Bu Tan place ses espoirs sur le lancement commercial de Panther Lake et promet que son successeur, Nova Lake, attendu pour fin 2026, sera de nature à « combler les lacunes dans le desktop haut de gamme ». Côté datacenter, il annonce le retour prochain de l’hyperthreading (simultaneous multi-threading, ou SMT), dont l’abandon aurait finalement constitué un handicap sur le plan concurrentiel.
Le CEO s’engage personnellement sur la validation des futurs produits : « J’ai demandé à nos équipes de définir des gammes de produits de nouvelle génération avec des architectures claires et simples, de meilleures structures de coûts et des gammes produit simplifiées. De plus, j’ai instauré une politique selon laquelle chaque conception de puce majeure est examinée et approuvée par mes soins avant sa commercialisation ».
Impossible enfin de ne pas aborder l’IA, alors que les analystes financiers répètent à l’envi que c’est en raison d’un virage mal anticipé qu’Intel connait actuellement des difficultés face à des concurrents comme AMD ou NVIDIA. Le CEO ne donne ici aucun détail spécifique, mais avance l’idée d’une stratégie cohérente entre design des puces, produits finaux et couche logicielle, en opposition avec une logique précédente présentée comme centrée sur le design des puces.
« Dans le cadre de cette transition, nous concentrerons nos efforts sur les domaines où nous pouvons révolutionner et nous différencier, comme l’inférence et l’IA agentique. Nous commencerons par les charges de travail d’IA émergentes, puis nous travaillerons à rebours pour concevoir des logiciels, des systèmes et des circuits intégrés qui offrent les meilleurs résultats pour nos clients », esquisse Lip-Bu Tan.
Ces annonces intervenaient en parallèle de la publication des résultats financiers d’Intel pour le deuxième trimestre 2025. L’entreprise a fait état d’un chiffre d’affaires de 12,9 milliards de dollars, stable sur un an mais assorti de pertes nettes de l’ordre de 2,9 milliards de dollars, imputables en partie au plan de restructuration en cours.
Auteur : Alexandre Laurent
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