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Internet par satellite : l’Arcep donne enfin le feu vert à Amazon Kuiper

L’Arcep a publié lundi la décision par laquelle elle autorise Amazon à opérer, en France, son réseau de satellites en orbite basse Kuiper. Cette décision, qui ouvre la voie à un lancement commercial de l’offre, soulève toutefois quelques inquiétudes chez les autres acteurs du satellite.

Cette fois, c’est la bonne ? Après la délivrance des autorisations relatives aux stations au sol, l’Arcep a formellement donné son feu vert à l’exploitation, par Amazon Kuiper, des bandes de fréquence qui doivent permettre à l’entreprise d’opérer son service d’accès à Internet par satellite. La décision correspondante est datée du 15 avril, mais elle a été rendue publique lundi 21 juillet.

« La société Amazon Kuiper Services Europe SARL est autorisée à utiliser, en France métropolitaine, les fréquences radioélectriques des bandes 28,5 - 28,9485 GHz (sens Terre vers espace) ainsi que des bandes 17,7 - 18,6 GHz et 18,8 - 19,3 GHz (sens espace vers Terre) pour établir et exploiter un réseau ouvert au public du service fixe par satellite afin de fournir des services de communications pour des stations terriennes fixes fonctionnant avec un système à satellites non-géostationnaires », écrit l’Autorité.

L’autorisation en question est accordée pour une durée de dix ans. Elle s’assortit d’une obligation de non-interférence vis-à-vis des autres opérateurs amenés à exploiter ces fréquences, ou des bandes voisines. « La société Amazon Kuiper Services Europe SARL devra interrompre immédiatement toute activité liée à l’utilisation de ces fréquences si des brouillages étaient constatés », prévient l’Arcep.

Amazon vante une solution sûre et durable

En complément de sa décision, l’Arcep publie les contributions reçues dans le cadre de sa consultation préalable, à laquelle Amazon a logiquement participé pour défendre l’intérêt de son projet. L’entreprise américaine y vante en premier lieu un accès à Internet global, permettant d’offrir une connectivité haut débit jusque dans les zones blanches les plus reculées.

« Par ailleurs, la connectivité satellite Kuiper peut soutenir les plans de continuité d’activité des services publics et des entreprises, tout en fournissant une couverture temporaire aux communautés dépourvues de connexion en fibre optique terrestre », affirme Amazon, qui souligne également la façon dont sa constellation peut « renforcer les capacités des autorités », en cas de catastrophe naturelle.

Kuiper défend également une approche « responsable » de l’accès à l’espace, avec des satellites susceptibles d’être désorbités en fin de vie, et la promesse d’une « collaboration avec la communauté des radioastronomes afin de réduire les impacts potentiels liés aux interférences lumineuses et radioélectriques ».

L’impact réel de Kuiper en la matière reste toutefois difficile à évaluer, dans la mesure où la constellation n’est pas encore déployée. Rappelons qu’Amazon prévoit trois groupes de satellites, pour un total de 3 236 appareils, placés à une altitude comprise entre 590 et 630 km, avant d’envisager une seconde salve qui porterait la constellation à plus de 7 000 satellites.

Amazon ne manque enfin pas de rappeler qu’outre sa promesse de connectivité, Kuiper va très directement profiter au secteur spatial européen, puisque l’entreprise est aujourd’hui le premier client privé de la fusée Ariane 6, avec un contrat qui prévoit 18 lancements sur trois ans.

Un point qu’Arianespace confirme dans sa propre contribution. « Sur les 10,3 milliards d’euros investis dans le projet Kuiper, environ 2,6 milliards – soit 26 % – seront directement injectés dans le secteur spatial européen entre 2022 et 2029. Ariane 6 et l’ensemble de sa chaîne industrielle bénéficieront très concrètement de ces investissements », fait valoir la société française.

Des concurrents nettement moins enthousiastes

Du côté des opérateurs satellite déjà installés, l’accueil se révèle sans surprise plus frileux, même si aucune opposition de principe n’est formulée, libre concurrence oblige. Eutelsat, qui vient de lever des fonds auprès des États français et britanniques pour préparer le déploiement de sa propre constellation en orbite basse, insiste par exemple sur le respect des obligations formulées par l’Union Internationale des Télécommunications (UIT) en matière de brouillage.

L’entreprise, qui a manifestement été entendue par l’Arcep, glisse au passage que Kuiper « n’a fourni aucune preuve de la conformité de l’ensemble du système (3 232 satellites) » avec les limites fixées par l’UIT. Elle alerte donc sur la nécessité de surveiller de près le respect des limites d’EPFD (limites de puissance surfacique équivalente) qui permettent de quantifier ces risques d’interférences, notamment vis-à-vis de ses satellites géostationnaires.

L’entreprise américaine de télécommunications par satellite Viasat va un cran plus loin dans la démonstration. Elle affirme que si Amazon a fourni à l’UIT les données individuelles relatives aux futurs satellites de Kuiper, aucune étude d’impact sur la totalité de la constellation n’a été réalisée pour attester de son innocuité sur les autres opérateurs. Qu’à cela ne tienne : elle réalise donc sa propre simulation, sur la base d’une installation basée à Lyon et affirme, sur cette base, que « le système n’est pas conforme aux exigences de la licence telles qu’elles sont définies par l’ARCEP ». Viasat n’exige aucun refus d’opérer, mais demande des restrictions sur le nombre de faisceaux desservant simultanément un emplacement.

L’Avicca (Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel) souligne de son côté les mérites de l’accès à Internet par satellite, mais alerte sur les dépenses énergétiques associées, et sur les questions de souveraineté afférentes. « Des impératifs de sécurité intérieure pourront nécessiter une surveillance des matériels, données et exploitations qui en sont faites, s’agissant particulièrement d’opérateurs non-européens », soulève l’association.

Amazon a pour mémoire commencé en avril dernier le déploiement des premiers satellites (hors prototypes) de sa constellation Kuiper, qui ambitionne de fournir un accès à Internet à plus de 400 millions de personnes dans le monde, avec des débits allant jusqu’à 400 Mb/s grâce à un terminal vendu moins de 400 dollars.

Auteur : Alexandre Laurent

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Artia13

Bonjour ! Je m'appelle Cédric, auteur et éditeur basé à Arles. J'écris et publie des ouvrages sur la désinformation, la sécurité numérique et les enjeux sociétaux, mais aussi des romans d'aventure qui invitent à l'évasion et à la réflexion. Mon objectif : informer, captiver et éveiller les consciences à travers mes écrits.