La découverte d’une étrange planète naine pourrait remettre en cause l’existence de la planète 9
La découverte récemment annoncée via un article sur arXiv et que l’on doit à une équipe dirigée par Sihao Cheng de l’École des sciences naturelles du mythique Institute for Advanced Study (IAS) de Princeton, où se trouvaient jadis EinsteinEinstein et Oppenheimer, fait rebondir nos idées sur la ceinture d’Edgeworth-Kuiper et l’existence proposée de la planète 9 (encore appelée planète X).
Les astronomesastronomes annoncent en effet qu’au-delà de la ceinture de Kuiper – cette zone du Système solaire s’étendant au-delà de l’orbite de NeptuneNeptune, entre 30 et 55 unités astronomiques, et qui contient des planètes mineures comme PlutonPluton, mais aussi Haumea et Eris, pour ne citer qu’elles -, un autre corps céleste aux propriétés singulières existe bel et bien. Cet objet transneptunien (OTN ou TNO en anglais) extraordinaire a été baptisé 2017 OF201 et il figure officiellement sur la liste du Centre des planètes mineures de l’Union astronomique internationale depuis le 21 mai 2025.
© Sihao Cheng et al.
Des archives astronomiques ouvertes à tout le monde
L’objet 2017 OF201 a été débusqué en utilisant des méthodes informatiques avancées pour identifier des trajectoires de corps célestes dans des archives de données collectées depuis de nombreuses années. En l’occurrence, en repérant une série de points brillants sur 19 expositions différentes, prises sur une période de sept ans dans une base de donnéesbase de données d’images astronomiques du télescopetélescope Victor M. Blanco et du télescope Canada-France-Hawaï (CFHTCFHT).
Remarquablement, comme l’explique Jiaxuan Li, collègue et collaborateur de Cheng dans un communiqué de l’IAS, « toutes les données que nous avons utilisées pour identifier et caractériser cet objet sont des données d’archives accessibles à tous, et pas seulement aux astronomes professionnels. Cela signifie que les découvertes révolutionnaires ne se limitent pas à ceux qui ont accès aux plus grands télescopes du monde. N’importe quel chercheur, étudiant ou même citoyen scientifique disposant des outils et des connaissances appropriés aurait pu faire cette découverte, soulignant ainsi l’importance du partage des ressources scientifiques ». Une déclaration qui laisse d’autant plus songeur, quand on connaît l’existence du DUAO de l’Observatoire de la Côte d’Azur.
2017 OF201 a surpris les chercheurs en raison de ses caractéristiques orbitalesorbitales et en premier lieu par le fait que son orbite est une ellipse particulièrement allongée que la planète mineure parcourt à chaque fois en 25 000 ans. En effet, son aphélieaphélie, c’est-à-dire le point le plus éloigné du SoleilSoleil sur son orbite, vaut plus de 1 600 unités astronomiques (UA) alors que son périhéliepérihélie – cette fois-ci, le point le plus proche du Soleil sur son orbite – vaut 44,5 UA, ce qui est similaire à celui de Pluton.
Pour les mécaniciens célestes, cette orbite littéralement excentrique témoignerait d’un passé chaotique avec une histoire complexe d’interactions gravitationnelles en plusieurs étapes. Mais ce qui est le plus intéressant, c’est que cette orbite contrastecontraste avec celles de plusieurs des petits corps célestes formant une famille et dont les orbites avaient suggéré l’existence d’une nouvelle planète très massive au-delà de la Ceinture de Kuiper.
Reprenons une partie des explications déjà données par Futura dans de précédents articles.
Une neuvième planète majeure toujours élusive
On se souvient en effet de la petite bombe que deux astronomes du célèbre Caltech, Mike Brown et Konstantin Batygin, ont fait « exploser » dans un article de The Astronomical Journal en janvier 2016. Les deux chercheurs faisaient savoir qu’en analysant les caractéristiques des orbites d’objets transneptuniens, ils en avaient déduit la présence d’une planète géanteplanète géante comparable en massemasse et en taille à Neptune, à plus de 30 milliards de kilomètres du Soleil. Il pourrait s’agir d’une exoplanète capturée par le Soleil ou d’un corps qui se serait formé, comme les autres, à l’aubeaube de l’histoire du Système solaire et aurait ensuite migré. C’est le champ de gravitégravité de cette géante qui aurait perturbé les orbites des petits corps célestes.
Jusqu’à présent, il a été impossible de découvrir cette neuvième planète dans le Système solaire et ce n’est guère étonnant car elle serait si loin du Soleil qu’en raison d’une des lois de Keplerlois de Kepler, son mouvementmouvement est nécessairement très lent et si on ajoute une luminositéluminosité très faible, cela en fait un astreastre très difficile à identifier sur la voûte céleste. Cela autorise donc toutes sortes d’hypothèses, comme celle de l’inexistence de cette nouvelle planète. Mais il faut alors rendre compte des perturbations gravitationnelles qui semblent bien réelles et avoir conduit aux orbites exotiquesexotiques des objets transneptuniens.
Dans cette vidéo, Batygin et Brown présentaient il y a quelques années leurs travaux sur la possible existence d’une neuvième planète. Notez l’étrange regroupement des orbites des corps de la ceinture de Kuiper les plus lointains connus. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître, si ce n’est pas déjà le cas. En cliquant ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, vous devriez voir l’expression « Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez « français », puis cliquez sur « OK ». © Caltech
Un disque de petits corps produit par les migrations planétaires ?
C’est précisément cette voie qu’avait choisi d’explorer Ann-Marie Madigan, une astrophysicienne de l’université du Colorado à Boulder. Avec son étudiant en thèse Alexander Zderic, la chercheuse avait déposé sur arxiv deux articles en cours de publication sur ce sujet. Avec ses collègues, elle montre via des simulations numériquessimulations numériques de type N corps en mécanique céleste qu’il est possible de rendre compte des observations en postulant l’existence d’un disque annulaire, constitué de millions de petits corps glacés, qui se serait mis en place il y a plus de 4 milliards d’années, au tout début de l’histoire du Système solaire.
Ce disque contiendrait l’équivalent de 20 fois la masse de la Terre environ, mais comme il serait très dispersé, son influence gravitationnelle serait faible et comme elle se serait exercée pendant des milliards d’années, elle aurait fait évoluer lentement mais sûrement les paramètres orbitaux des transneptuniens qui intriguaient Mike Brown et Konstantin Batygin. Ce disque se serait mis en place à cause des migrations planétaires, du genre de celles envisagées avec le fameux Modèle de Nice. Ces migrations auraient expulsé sur des orbites lointaines les petits corps célestes, dont les restes seraient aujourd’hui dans le disque postulé.
2017 OF201 pourrait être la pointe émergée de ce disque.
« 2017 OF201 ne passe que 1 % de son temps orbital suffisamment près de nous pour être détectable. La présence de cet objet unique suggère qu’il pourrait exister une centaine d’autres objets d’orbite et de taille similaires ; ils sont tout simplement trop éloignés pour être détectables actuellement. Même si les progrès des télescopes nous ont permis d’explorer des régions lointaines de l’UniversUnivers, il reste encore beaucoup à découvrir sur notre Système solaire », conclut Cheng.
Auteur : Laurent Sacco, Journaliste scientifique
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