La formation de deux canyons lunaires élucidée

Sur la face cachée de la Lune, près de son pôle Sud, le bassin d’impact Schrödinger, de 320 kilomètres de diamètre, est le point de départ de deux gigantesques vallées lunaires : Vallis Schrödinger et Vallis Planck. D’une longueur respective de 270 et 280 kilomètres, ces vallées sont plus profondes que le Grand Canyon. Sur Terre, ce dernier s’est creusé sous l’action de l’eau qui a érodé la roche pendant des millions d’années. Mais comment ces structures se sont-elles formées sur la Lune, quasi dépourvue d’eau ? Pour David Kring, géologue à l’institut de planétologie LPI, à Houston, aux États-Unis, et ses collaborateurs, c’est la matière éjectée par l’impact à l’origine du cratère de Schrödinger qui a creusé ces canyons. Et ces vallées auraient vu le jour en un temps record.

La Lune est parcourue par de nombreuses vallées, mais, pour une grande partie, ces structures ont été sculptées par des coulées de lave, formant des rilles sinueuses. C’est le cas de la plus grande connue, Vallis Schröteri. Mais Schrödinger et Planck présentent des caractéristiques différentes de celles des rilles lunaires. Notamment, elles sont extrêmement rectilignes. Par ailleurs, elles ne sont pas toujours continues, certaines sections étant interrompues par d’autres reliefs avant de reprendre leur tracé initial. Schrödinger et Planck n’ont vraisemblablement pas été façonnées par des coulées de lave. Elles seraient plutôt dues à un impact.

Pour comprendre la nature de cet impact, David Kring et ses collègues ont calculé la vitesse des corps qui ont creusé Vallis Schrödinger et Vallis Planck. Pour ce faire, ils ont utilisé des images prises par la sonde Lunar Reconnaissance Orbiter, qui a cartographié la Lune entre 2009 et 2011. En prolongeant deux lignes imaginaires depuis Vallis Schrödinger et Vallis Planck jusqu’au bassin Schrödinger, les chercheurs ont observé qu’elles se rejoignent au niveau du rebord arrière du cratère, confirmant l’origine commune de ces structures lors de la naissance du bassin.

L’idée a donc émergé chez David Kring que l’impact qui a formé le bassin Schrödinger, et qui se serait effectué avec un angle inférieur à 45 degrés, aurait éjecté de la matière de la surface lunaire, qui, en retombant, aurait creusé les deux vallées. Pour le vérifier, le chercheur et ses collaborateurs ont estimé la vitesse d’impact de la roche lunaire excavée. Ils ont trouvé que les canyons lunaires sont nés lorsque des roches ont labouré la surface en s’écrasant à des vitesses allant de 3 400 à 4 600 kilomètres par heure.

Vallis Schrödinger Vallis Planck Lune

Vue à la verticale des deux canyons et du bassin d’impact Schrödinger

© Nasa\SVS\Ernie T. Wright

À partir de ces vitesses, l’équipe a estimé l’énergie libérée et donc le temps nécessaire pour façonner les vallées. « L’énergie était telle que Schrödinger et Planck ont dû être creusées en moins de dix minutes », assure David Kring. Bien moins que les 6 millions d’années d’érosion nécessaires pour former le Grand Canyon.

Les chercheurs ont également révélé que les roches éjectées lors de la formation du bassin Schrödinger l’ont été de manière asymétrique, préférentiellement dans la direction nord du cratère, là où se situent les vallées Schrödinger et Planck. Une bonne nouvelle pour les futures missions lunaires. En effet, le bassin Schrödinger borde le bassin Pôle-Sud Aitken (PSA), que le programme Artemis entend bien visiter. Un des intérêts est d’ordre géologique : le bassin PSA est très vieux, environ 4,3 milliards d’années, et il abriterait des roches plus vieilles qu’on ne peut en retrouver à la surface de la Terre, où divers processus géologiques refaçonnent notre planète. Prélever des roches au sein de PSA serait donc une occasion unique d’en apprendre plus sur la Terre et la Lune peu de temps après la naissance de la seconde. Il y avait cependant une inquiétude, celle que la matière éjectée lors de la formation du bassin Schrödinger ait pu recouvrir au moins en partie le bassin PSA et que les vieilles roches lunaires soient difficilement accessibles. « Avec nos calculs, nous montrons que ce n’est pas le cas », conclut David Kring.

La formation de deux canyons lunaires élucidée

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Auteur : Évrard-Ouicem Eljaouhari

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