La haine se répand sur Instagram et Facebook depuis le changement de la modération
Meta-stase
Dans une enquête auprès de 7 000 personnes, trois associations constatent l’augmentation des discours de haine sur les réseaux de Meta. En parallèle, les internautes les plus à risque d’être visés expriment une peur croissante de s’exprimer sur ces réseaux sociaux.
Début janvier, Meta a modifié sa politique de modération sur Facebook, Instagram et Threads pour aller dans la droite ligne idéologique du nouveau président américain et de sa vision de la liberté d’expression. Ce faisant, l’entreprise a fait voler sa modération en éclat. En parallèle, les nouvelles conditions d’utilisation de Facebook permettent, par exemple, aux utilisateurs américains d’utiliser certaines insultes envers les femmes, les gays et les trans.
Six mois après, trois associations (UltraViolet, GLAAD et All Out) ont voulu constater les conséquences de ces changements. Elles ont interrogé environ 7 000 utilisatrices et utilisateurs actifs de 86 pays pour faire un bilan. Résultat [PDF], pour 72 % de ces personnes, les contenus problématiques ont augmenté (34 % augmenté, 38% augmenté significativement).

Une bonne partie du panel fait partie de ce que Meta appelle elle-même les « groupes à caractéristiques protégées », ce qui inclut notamment les personnes régulièrement ciblées pour leur race supposée, leur ethnie, leur nationalité, leur situation de handicap, leur religion, leur caste (dans les systèmes politiques dans lesquels elles existent), leur orientation sexuelle, leur sexe, leur identité de genre ou leur maladie grave (ce qui recoupe beaucoup des critères en fonction desquels la discrimination est interdite en France). Les associations se sont effectivement concentrées sur les personnes les plus susceptibles d’être visées par ces cyberviolences.
L’enquête se veut multilingue et le questionnaire a été distribué en anglais, mais aussi en portugais, espagnol, allemand, italien et en français. Mais la plupart des personnes qui ont répondu (5 278) l’ont fait en anglais. La moyenne d’âge est de 50,5 ans et plus de la moitié était des utilisateurs de Facebook, plus d’un tiers d’Instagram et 11 % de Threads.
92 % de personnes préoccupées
La plupart de ces personnes se disent « très préoccupées » par l’augmentation des contenus violents sur les plateformes de Meta, plus de deux tiers. Et un quart « préoccupées ».

Les attaques contre ces personnes ont notamment ciblé leur orientation sexuelle, leur genre, leur race supposée ou leur ethnie :

Les personnes interrogées (rappelons qu’elles font majoritairement partie des « groupes à caractéristiques protégées ») se sentent pour plus des deux tiers particulièrement vulnérables face aux changements effectués par Meta :

Et elles ont, en majorité, le sentiment d’avoir perdu de la liberté d’expression puisque trois quarts d’entre elles se sentent moins en sécurité pour s’exprimer sur les plateformes de Meta :

Une augmentation des violences sexuelles ou liées au genre
23 % de ces personnes ont subi directement des violences sexuelles ou liées au genre depuis janvier dernier. En bonne partie, cela fait référence à du stalking et du harcèlement. Plus de 500 d’entre elles ont reçu des photos ou vidéos sans leur consentement et plus de 250 ont été victimes de deepfakes pornographiques. D’autres violences comme les sextortions (menace de publier des photos ou des vidéos sexuelles ou dénudées de la personne) ou les diffusions non consenties d’images intimes.

« Je vois rarement les posts de mes amis maintenant – mon fil d’actualité est rempli d’images obscènes manipulées, de publicités commerciales et de commentaires transphobes, sexistes et violents, même sous des vidéos de chatons. Les menaces de mort ne sont pas supprimées, même lorsqu’elles sont signalées », témoigne une de ces personnes citée par l’association GLAAD (Gay & Lesbian Alliance Against Defamation).
Celle-ci explique que cette enquête est importante, car elle contredit ce que l’entreprise affirme dans ces rapports trimestriels : « Dans son dernier rapport publié le mois dernier, la société a déclaré que, de janvier à avril 2025, « les contenus violents sont restés largement inchangés pour la plupart des domaines problématiques » », explique l’association.
« Mais il est important de noter que ces chiffres sont basés uniquement sur des données internes et restent opaques à tout examen extérieur. Notre enquête se concentre sur les expériences vécues par les utilisateurs eux-mêmes, révélant que l’affaiblissement des politiques n’a pas conduit, comme le prétend Meta, à « plus d’expression et moins d’erreurs », mais plutôt à un environnement plus hostile pour ceux qui sont déjà les plus vulnérables », ajoute-t-elle.
Les trois associations commanditaires demandent à Meta de mettre en place une commission indépendante sur les conséquences des changements mis en place en janvier, de remettre en place des protections robustes contre les discours de haine ainsi que son système de fact-checking pré-existant et enfin de plus impliquer les acteurs de la société civile dans ses délibérations politiques futures.
Comme l’explique l’AFP, l’entreprise de Mark Zuckerberg a refusé de commenter l’enquête.
Auteur : Martin Clavey
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