Décryptage technologique

La minimaison ou l’art de la parcimonie dans l’habitat

Objet de fantasme, synonyme de liberté pour les uns et d’habitat précaire pour les autres, la minimaison en bois laisse rarement de marbre. Définie comme une « très petite maison d’habitation dont l’agencement est conçu pour offrir un espace de vie compact et fonctionnel grâce à l’imbrication des volumes utiles », elle débarque en France en 2013. Souvent appelée tiny house (on wheels), soit « petite maison (sur roues) », elle connaît un intérêt croissant, alors même que sa définition fait la part belle aux représentations hasardeuses.


Qu’il semble loin le temps où Yvan Saint-Jours, journaliste et fondateur du magazine la Maison écologique, entreprenait la construction de sa tiny house, en 2013, en collaboration avec l’entreprise éponyme située dans la Manche.

Ce projet avait fait l’objet d’un intérêt remarqué dans la presse spécialisée pour cet habitat souvent qualifié d’insolite, voire d’exotique. Depuis, le nombre d’articles consacrés à la minimaison ou tiny house est devenu considérable. L’écho rencontré résonne de plus en plus dans un contexte de crise « tintamarresque » du logement en France.

L’écho logique de l’intérêt pour la minimaison écologique

Ne nous y trompons pas : la tiny house n’est qu’un anglicisme de plus pour désigner un habitat provenant du monde anglophone, au même titre que les camping-cars, les bungalows et autres mobil-homes aujourd’hui pleinement ancrés dans la langue courante française. C’est au Québec, resté fidèle à ses principes et qui connaît par ailleurs un essor considérable de ce type d’habitat, que le terme de « minimaison » est employé.

En effet, popularisée à la fin des années 1990 aux États-Unis par des architectes et designers tels que Jay Schafer et Sarah usanka, engagés à réduire l’opulence de l’architecture résidentielle, la tiny house ou minimaison en bois s’inscrit dans le mouvement culturel contestataire. Ces nouveaux types d’habitats viennent défier le courant néolibéral et la culture consumériste prégnante des sociétés occidentales, en prônant un accès facilité à la propriété. Cela s’accompagne d’un désir de réduire son empreinte spatiale et écologique. Dans sa tiny house expérimentale, l’architecte italien, Leonardo Di Chiara a montré que l’on peut vivre confortablement dans 9 mètres carrés.




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Ce n’est toutefois qu’en 2024, que Légifrance, site Internet gouvernemental recueillant tous les textes législatifs et règlementaires, suggère dans une notice de vocabulaire lié à l’urbanisme, la définition suivante de la tiny house, assimilée de facto à une minimaison (sans que nous sachions pour autant quels éléments ont déterminé cette proposition de définition) :

« Très petite maison d’habitation dont l’agencement est conçu pour offrir un espace de vie compact et fonctionnel grâce à l’imbrication des volumes utiles […] souvent construite en bois et transportable, la minimaison répond généralement à des préoccupations économiques et écologiques. »

Puisqu’il faut s’essayer à une définition alternative, la tiny house, qui appartient à la famille des habitats légers au même titre que la roulotte, la yourte, le dôme, les cabanes et le kerterre, est une maison mobile, démontable et réversible, d’une surface inférieure à 40 mètres carrés. Le bois est le matériau principal.

La tiny house peut être soit tractable, lorsqu’elle est posée sur les essieux d’une remorque, soit « grutable » si elle est posée sur un plateau agricole, par exemple. Dans la plupart des cas, la tiny house avec sa remorque doit respecter un poids total autorisé en charge inférieur de 3,5 t et des dimensions maximales de 2,55 m en largeur, de 4,3 m en hauteur et de 12 m de longueur.

La tiny house, c’est le zen avant le ZAN

L’écho suscité par la minimaison émerge dans un paysage résidentiel français dominé par les maisons et les appartements, catégorisés d’habitat dit ordinaire. À l’inverse, de par ses formes, ses dimensions et son caractère mobile, la tiny house entre dans la typologie des habitats dits non ordinaires, en compagnie des maisons en conteneurs, des péniches, des roulottes ou encore des camions.

Si la maison individuelle reste le logement préféré des Français, 57 % des résidences principales en sont constituées, la surface habitable des résidences principales de France métropolitaine, maisons et appartements confondus, ne cesse de progresser pour atteindre 93,2 m2 en moyenne en 2020, selon les données de l’Insee.

Or, dans un contexte contemporain où l’habitat traditionnel et son modèle classique sont remis en cause par l’émergence d’une forme alternative de logement, résultante des crises du logement, des velléités croissantes des individus de « vivre autrement » et de l’instauration fragilisée du zéro artificialisation nette (ZAN) des sols, la tiny house, (on estime qu’entre 2 000 et 3 000 unités ont été construites par des fabricants français spécialisés), présente de nombreux atouts pour répondre à ces divers enjeux.

Construite, quelquefois par ses habitants eux-mêmes qui bien souvent récupèrent des plans en libre accès sur Internet, à partir de matériaux biosourcés tels que le bois, le chanvre, la laine de mouton ou encore la paille, la tiny house répond pleinement à des exigences environnementales en matière de fabrication.

De plus, en raison de son caractère réversible, c’est-à-dire qui ne touche pas le sol et donc n’occasionne aucun dégât notable aux différentes spécificités du sol, et de la sobriété surfacique qu’elle induit, la minimaison, dont le coût d’achat oscille entre 35 000 euros et 130 000 euros (pour les modèles de 40 mètres carrés) devient une solution à l’artificialisation des sols produite notamment par la construction de nouveaux logements. Enfin, parmi les différents types d’habitats existants, la tiny house fait figure de tête de proue du minimalisme.


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Un art du cocon… et de la décroissance

En tant que style architectural, le minimalisme promeut la décroissance où règne une discipline respectée, voire respectable, ayant pour finalité d’économiser les formes, les matériaux, l’énergie et le temps consacrés à sa fabrication. Chez les habitants (aussi appelé « tinystes »), la conception sur mesure de leur minimaison permet d’éliminer le superflu, généralement l’amoncellement de biens matériels, en optimisant les espaces et ce, afin de répondre à leurs besoins essentiels, tout en proposant un niveau élevé de confort. Dans ce cocon résidentiel, l’art de la parcimonie rime également avec le contrôle des mouvements du corps.

Puisant dans les écrits et la vie d’Henry David Thoreau, et sa célèbre cabane autoconstruite dans les bois du Massachusetts, le mouvement tiny house, qui prône d’habiter plus simplement et dans des espaces restreints, fait pourtant l’objet d’une romantisation accrue. Notamment, sur les réseaux sociaux, elle jouit d’une image « instagrammable », tendant à obstruer les nombreux écueils vécus par les habitants pour installer leur tiny house sur un terrain et en toute légalité.

La minimaison ou l’art de la parcimonie dans l’habitat
Même la marque de jouets Playmobil propose un modèle « Tiny House ».
Playmobil

Avec son design léché, son esthétisme boisé et le cadre naturel dans lesquels la minimaison est quasi exclusivement représentée, elle charrie avec elle de nombreuses aspirations écologiques et de liberté, empreintes de minimalisme et de décroissance, où le superflu reste sur le pas de la porte. Même l’une des plus célèbres marques de jouet pour enfants s’amuse à miniaturiser la minimaison, instillant de nombreux imaginaires résidentiels auprès des jeunes générations.


La série « L’envers des mots » est réalisée avec le soutien de la Délégation générale à la langue française et aux langues du ministère de la Culture

The Conversation

Alexis Alamel a reçu des financements de Rennes Métropole.

Auteur : Alexis Alamel, Maître de conférences, Sciences Po Rennes

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Artia13

Bonjour ! Je m'appelle Cédric, auteur et éditeur basé à Arles. J'écris et publie des ouvrages sur la désinformation, la sécurité numérique et les enjeux sociétaux, mais aussi des romans d'aventure qui invitent à l'évasion et à la réflexion. Mon objectif : informer, captiver et éveiller les consciences à travers mes écrits.

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