Décryptage technologique

La plupart des incidents impliquant une voiture-bélier ne sont pas des actes terroristes, mais ils sont de plus en plus fréquents

À Liverpool, ce 26 mai, durant la célébration du titre de champion d’Angleterre de football remporté par les Reds, comme à Paris 19 jours plus tôt, après la qualification du PSG pour la finale de la Ligue des champions, des piétons ont été renversés par des véhicules qui n’auraient pas dû pouvoir accéder à ces zones. Les incidents de ce type, dits attaques à la voiture-bélier, sont de plus en plus fréquents dans le monde. Quelles que soient les motivations de leurs auteurs – le terrorisme dans un tiers des cas, mais aussi des crises de folie ou des considérations de vengeance individuelle, par exemple –, ces épisodes sanglants pourraient être réduits si des mesures de protection précises étaient systématiquement mises en place en amont de chaque rassemblement de grande ampleur.


Ce lundi 26 mai, des centaines de milliers de supporters du Liverpool Football Club s’étaient rassemblés dans le centre de la ville de Liverpool pour célébrer le titre de champion d’Angleterre remporté cette saison par le club. Peu après 18 heures, heure locale, une Ford Galaxy gris foncé a été précipitée par son conducteur dans la foule, quelques minutes après le passage du bus à impériale transportant les joueurs et l’encadrement de l’équipe. Une cinquantaine de personnes ont été blessées, 27 d’entre elles ont été hospitalisées, dont quatre enfants. Deux personnes se trouvent dans un état grave.

Que s’est-il passé exactement à Liverpool ?

Selon des témoins oculaires et, au vu des premières images, il apparaît que, au départ de cette séquence, pendant que le véhicule était à l’arrêt, le conducteur a eu une altercation avec plusieurs personnes qui se trouvaient dans la foule. Il a ensuite effectué une brève marche arrière avant d’accélérer et de percuter plusieurs dizaines de personnes.

L’automobiliste, un habitant de la région de Liverpool âgé de 53 ans, a été arrêté sur place. La police a déclaré ne pas considérer l’incident comme un attentat terroriste et indiqué qu’il s’agit d’un acte isolé.

À ce stade, on ne sait pas avec certitude pour quelle raison l’homme a foncé dans la foule. Les autorités ont demandé au grand public de ne pas diffuser d’informations erronées sur ses motivations supposées.

D’une manière générale, il est important de noter que des événements tels que celui-ci, quand des véhicules renversent de nombreux piétons, surviennent de plus en plus fréquemment. Afin de mieux protéger les foules à l’avenir, il est nécessaire d’établir une typologie de ce genre d’épisodes et d’identifier les facteurs de risque qu’ils ont en commun.

Une fréquence accrue

Plusieurs cas de véhicules chargeant des foules de piétons ont été signalés récemment dans le monde entier. Leur nombre croissant est inquiétant. Rien qu’au cours des derniers mois, des incidents se sont produits dans les villes suivantes :


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Sur ces sept incidents récents, seuls deux – ceux de La Nouvelle-Orléans et de Munich – ont été confirmés comme étant des actes terroristes commis par des « loups solitaires ». Les attaques au véhicule-bélier ne sont pas toujours des actes terroristes, loin de là, et leur survenue ne reflète pas nécessairement le niveau de menace terroriste pesant sur une ville ou sur un pays donné.

Dans au moins deux des cas récents – Mannheim et Vancouver –, les auteurs avaient des antécédents psychiatriques.

Tendances globales

En analysant systématiquement les incidents documentés dans les médias et les sources publiques telles que Wikipédia, nous avons identifié au moins 152 attaques au véhicule-bélier ayant visé des foules civiles dans le monde entier depuis l’an 2000.

Ces attaques ont fait environ 511 morts à ce jour. L’attentat le plus meurtrier reste de loin celui du 14 juillet 2016 à Nice (Alpes-Maritimes), qui a fait 86 morts et des centaines de blessés. Le conducteur a été abattu par la police ; par la suite, huit autres personnes ont été reconnues coupables de complicité de terrorisme ou d’infractions à la législation sur les armes.

Les pays qui ont été le plus souvent les théâtres de ces attaques sont les États-Unis (31), la Chine (29), l’Allemagne (14) et Israël (14 également). Avant l’incident de Liverpool, le Royaume-Uni avait connu six attaques de ce type.

L’examen des données disponibles au niveau mondial montre une forte augmentation des incidents en 2017 et en 2018, suivie d’un bref déclin et d’une nouvelle augmentation après 2022. En 2025, il y a eu jusqu’à présent au moins 14 incidents dans le monde, qui ont entraîné au moins 50 décès.

Moins d’un tiers des épisodes recensés ont été attribués à des attaques terroristes.

Que faire ?

S’il est bien sûr essentiel de surveiller la manière dont les organisations terroristes changent de tactique, il convient aussi de tenir compte du fait que les récents incidents liés à des véhicules-béliers sont de plus en plus liés à un ensemble d’autres facteurs, notamment des crises de santé mentale, des griefs personnels et des accès de rage.

Du point de vue de la sécurité publique et de la planification d’événements, le motif importe moins que le résultat. Un véhicule, quelle que soit l’intention de son conducteur, peut causer des dommages massifs et ce risque doit être géré.

Voici les principales mesures pratiques que les villes devraient mettre en œuvre pour mieux protéger les foules lors d’événements se déroulant dans des rues ouvertes :

  • Installer des obstacles solides et peu espacés : des obstacles capables de résister au choc d’un camion roulant à grande vitesse doivent être placés à chaque point d’accès à une zone qui sera fréquentée par une importante foule piétonne. Les cônes en plastique et le ruban adhésif ne suffisent pas. Ces obstacles doivent être placés suffisamment près les un des autres pour empêcher que les véhicules puissent se faufiler entre les obstacles ou les contourner.

  • Interrompre les trajectoires rectilignes : il faut éviter que des véhicules puissent prendre de la vitesse en empruntant de longs tronçons de route ouverte à l’approche des lieux de rassemblement. Pour cela, il convient d’utiliser des clôtures ou de stationner des véhicules de façon à briser les lignes de vue et à créer des chicanes naturelles qui ralentiront les véhicules.

  • Contrôler étroitement l’accès des véhicules aux zones de rassemblement : seuls les véhicules d’urgence ou de service indispensables et approuvés à l’avance doivent pouvoir pénétrer dans les zones de l’événement, sous surveillance et en respectant des plages horaires strictes.

  • Maintenir les restrictions en place après l’événement : aucun accès de véhicule ne doit être autorisé tant que la zone n’a pas été entièrement vidée de ses occupants. La présence de la foule ne s’arrête pas avec la fin de l’événement.

En d’autres termes, à aucun moment de la manifestation, que ce soit avant, pendant ou après, un véhicule non autorisé ne doit pouvoir entrer en contact avec la foule.

La plupart des incidents impliquant une voiture-bélier ne sont pas des actes terroristes, mais ils sont de plus en plus fréquents

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

Auteur : Milad Haghani, Associate Professor & Principal Fellow in Urban Risk & Resilience, The University of Melbourne

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Artia13

Bonjour ! Je m'appelle Cédric, auteur et éditeur basé à Arles. J'écris et publie des ouvrages sur la désinformation, la sécurité numérique et les enjeux sociétaux, mais aussi des romans d'aventure qui invitent à l'évasion et à la réflexion. Mon objectif : informer, captiver et éveiller les consciences à travers mes écrits.

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