Décryptage technologique

La semaine de 4 jours : une bouffée d oxygène pour des salariés à bout de souffle ?


La semaine de 4 jours : une bouffée d oxygène pour des salariés à bout de souffle ?
Si la charge de travail n’est pas repensée, les salariés pourraient être contraints d’effectuer 5 jours en 4. Cette surcharge de travail quotidienne serait susceptible d’avoir l’effet inverse que celui escompté. Sinseeho/Shutterstock

Testée en Islande, au Royaume-Uni et en Allemagne, la semaine de 4 jours trace son sillon en France : 77 % des actifs s’y montrent favorables. À quel prix ? Sous quelles modalités ? Et quelle efficacité pour l’organisation ?


« J’ai raté des anniversaires et des dîners entre amis. Pourquoi ? Des slides à préparer… Plus jamais ça ! »

Ces propos illustrent la volonté de ce salarié de prendre de la distance avec son travail. Loin d’être un cas isolé, 42 % des salariés considèrent que le travail a perdu de son importance dans leur vie.

Depuis la pandémie de Covid-19, le rapport au travail s’est profondément transformé. Pour le décrypter, nous avons mené une étude démontrant que les salariés sont plus que jamais en quête de sens, au nom de leur bien-être. En 2024, 54 % d’entre eux affirmaient vouloir reprendre la main sur leur travail, pour mieux concilier vie professionnelle et personnelle. Nombreux sont ceux qui se désengagent progressivement de leurs tâches, voire de leurs responsabilités afin de limiter la pression quotidienne.

À ce titre, la semaine de 4 jours est-elle la solution idoine ?

Testée en Islande, au Royaume-Uni et en Espagne

Tout droit venue d’Islande, la semaine de 4 jours s’impose comme la solution en vue d’améliorer la qualité de vie des salariés.

Les premiers résultats vont dans ce sens. Ils montrent que les salariés islandais participants à l’expérimentation bénéficient d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle ; ils passent plus de temps en famille, prennent davantage de temps pour eux et sont moins stressés.

Si la démarche a également porté ses fruits dans des pays voisins tels que le Royaume-Uni ou l’Espagne, elle fait de plus en plus parler d’elle en France. Interrogés à ce sujet, 77 % des actifs français se montrent favorables à une semaine de 4 jours, 81 % de femmes actives, 73 % des hommes actifs, 80 % des salariés du privé et 74 % du public.


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Si l’initiative semble prometteuse, elle questionne néanmoins sur les défis posés par une transition réussie et sur son efficacité réelle.

Bien-être des salariés

Un reportage diffusé le 4 mai dernier, « Travailler moins ou autrement, ils ont trouvé la solution pour vivre mieux », explore le cas d’entreprises qui bouleversent les codes traditionnels du travail en France. Parmi elles, la PME industrielle iséroise SDCEM a complètement repensé l’organisation du temps de travail en vue d’intégrer pleinement la question du bien-être. Les salariés profitent désormais d’un week-end de 3 jours sans diminution de leur salaire.

« Dans un monde compétitif, SDCEM, forte de ses 80 salariés, veut se distinguer et attirer les meilleurs talents tout en préservant le bien-être de ses équipes, son impact écologique et la performance collective. Voilà pourquoi nous prenons la décision de nous lancer dans la semaine de 4 jours ! »,

rappelle Daniel Torrents, ancien dirigeant de l’entreprise SDCEM.

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Les salariés de SDCEM profitent désormais d’un week-end de 3 jours sans diminution de leur salaire.
SDCEM

Les modalités de mise en œuvre de la semaine de quatre jours restent toutefois encadrées par la loi. Si un nombre maximum d’heures et de jours travaillés est défini par la législation française, des aménagements sont néanmoins envisageables. Lorsque l’activité relève d’un décret d’application concernant la semaine de 39 heures (postérieur à l’ordonnance du 16 janvier 1982) ou la semaine de 35 heures (postérieur aux lois Aubry du 13 juin 1998 et du 19 janvier 2000), la semaine de quatre jours peut être mise en place au regard des modalités prévues par les textes.

Toute dérogation doit alors prendre la forme d’une convention ou d’un accord collectif. À défaut, d’une convention ou d’un accord d’entreprise ou d’établissement (en référence à l’article L.3121-68 du Code du travail).

Semaine allégée, salariés réengagés

Grâce à cette nouvelle organisation du temps de travail, les salariés deviennent maîtres de leur emploi du temps. Ils parviennent à mieux équilibrer vie privée et vie professionnelle, tout en renforçant leur efficacité au travail. Les entreprises sont alors plus attractives aux yeux des salariés désireux de bien-être au travail et bénéficient directement de cette productivité accrue, comme démontré en Islande.

Des entreprises françaises pionnières ont mené l’expérience. C’est le cas de LDLC, spécialisée dans l’informatique. Son dirigeant Laurent de la Clergerie vante les mérites de la semaine de 4 jours. Les résultats sont au rendez-vous : le chiffre d’affaires est passé de 497 à 730 millions d’euros en deux ans, avec 20 salariés de moins. La particularité de cette entreprise repose sur son choix de réduire le temps de travail à 32 heures afin d’éviter les journées surchargées. Le constat est sans appel : les salariés sont moins stressés et plus engagés. Laurent de la Clergerie affirme :

« Nous aurions dû en théorie embaucher davantage pour traiter les commandes et les appels téléphoniques. Alors que s’est-il passé ? La réponse se trouve sans doute dans le bien-être que, vous comme moi, nous ne pouvons pas quantifier, mais qui se traduit bel et bien par une hausse de la productivité. »

S’impose alors une remise en jeu de l’idée selon laquelle la valeur d’un travailleur se mesure à son temps passé au bureau. Cet exemple représente donc un premier pas vers une culture managériale plus humaine.

Cinq jours en 4

Si la charge de travail n’est pas repensée, les salariés pourraient être contraints d’effectuer 5 jours en 4. Cette surcharge de travail quotidienne serait susceptible d’avoir l’effet inverse escompté.

Entre une augmentation du stress et de la fatigue, les salariés seraient d’autant plus enclins à se désengager afin de préserver leur bien-être. Elle pourrait même fragiliser l’équilibre vie privée et vie professionnelle en allongeant les journées de travail.




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Pour certaines entreprises, l’expérience a même tourné au cauchemar à l’image d’YZ, une agence de communication de 20 personnes. Dans un livre intitulé Jour Off, son co-fondateur Julien Le Corre revient sur la liquidation financière de son entreprise en 2023, soit moins d’un an et demi après avoir mis en place la semaine de 4 jours. Malgré la volonté initiale de « libérer ses salariés », la dynamique de groupe s’est progressivement effritée entraînant une perte de clients et un déclin de la croissance. Dans un entretien, Julien Le Corre se confie à ce sujet :

« Dans une entreprise de services comme la mienne, il fallait maintenir la disponibilité cinq jours sur sept et faire la différence entre la semaine de quatre jours pour les collaborateurs, et la semaine de cinq jours pour les clients. Il ne faut pas créer un jour supplémentaire de fermeture de l’entreprise. C’est l’une des erreurs les plus graves qui ont été faites dans la mise en place du dispositif dans ma société. »

Repenser l’organisation de la semaine

Une transition réussie vers une semaine de 4 jours pose des défis spécifiques à chaque organisation qu’il convient d’intégrer avant de se lancer.

La semaine de 4 jours peut être une bouffée d’oxygène pour des salariés à bout de souffle. Elle est une piste sérieuse, mais ne se suffit pas à elle-même. Cette transformation ne s’attaque pas aux racines du problème liées dans certains cas à l’ennui ou à la perte de sens. Il ne faut pas uniquement repenser l’organisation de la semaine. Les attentes des salariés et les spécificités des métiers doivent davantage être prises en compte afin de réparer une relation fragilisée avec le travail.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

Auteur : Clara Bouchet, Doctorante en sciences de gestion, Université Jean Moulin Lyon 3

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Artia13

Bonjour ! Je m'appelle Cédric, auteur et éditeur basé à Arles. J'écris et publie des ouvrages sur la désinformation, la sécurité numérique et les enjeux sociétaux, mais aussi des romans d'aventure qui invitent à l'évasion et à la réflexion. Mon objectif : informer, captiver et éveiller les consciences à travers mes écrits.

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