Décryptage technologique

La tech française redéfinit son American Dream… en Europe

En 2025, les start-ups françaises de la tech n’ont plus de rêve américain. Elles remplacent l’accès au marché états-unien des capitaux et l’écosystème unique de la Silicon Valley par l’Europe. Le grand gagnant : l’écosystème tech européen, qui se retrouve chaque année au salon Vivatech.


Depuis plus de deux décennies, les start-ups européennes de la tech poursuivent un objectif clair : traverser l’Atlantique. S’implanter aux États-Unis, et en particulier dans la Silicon Valley, s’est longtemps imposé comme une trajectoire presque automatique.

Pourquoi ? Parce que les États-Unis représentent un marché immense et un accès privilégié au capital-risque. En 2024, plus de 50 % des investissements mondiaux dans des start-ups y ont été réalisés, soit 178 milliards de dollars. La Silicon Valley concentre à elle seule 57 % de ces montants, avec des acteurs majeurs comme Sequoia ou Andreessen Horowitz. Le pays abrite aussi un écosystème unique, où se côtoient géants technologiques, universités d’élite, comme Stanford, et accélérateurs influents tels que Y Combinator.

Cette logique ne va plus de soi pour les start-ups de la tech française. Dans un contexte de tensions commerciales croissantes, exacerbées par les politiques tarifaires de l’administration Trump 2, de nombreuses start-ups réévaluent leur trajectoire.

Notre étude, menée auprès de 119 entrepreneurs basés à Paris, Lyon, Bordeaux ou Marseille, et engagés dans des domaines comme l’intelligence artificielle, le big data ou les services numériques avancés, montre que les ambitions de croissance et de réussite ne passent plus systématiquement par les États-Unis.

Pour ces start-ups françaises, l’avenir se construit désormais en Europe, en s’appuyant sur un écosystème local plus autonome, plus résilient et mieux aligné avec les priorités régionales.

Quand s’implanter aux États-Unis cesse d’être évident

Pour Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, la guerre commerciale lancée par Trump en 2025 a définitivement changé les règles du commerce mondial. Face aux nouveaux droits de douane et aux tensions croissantes autour du numérique, l’Union européenne (UE) envisage de taxer les Gafam si les négociations échouent. Cette montée des tensions entre les États-Unis et l’Union européenne oblige les start-ups françaises à envisager autrement leur développement.


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Les atouts incontestables de l’écosystème tech des États-Unis sont aujourd’hui contrebalancés par un climat politique incertain. Les droits de douane Trump visent précisément à pousser les entreprises étrangères à produire sur le sol américain. Mais avec le risque de rétorsions européennes, beaucoup redoutent de se retrouver pris entre deux feux. Dans ce contexte, s’implanter aux États-Unis n’a plus rien d’évident.

D’ailleurs, seules 6,7 % des start-ups interrogées dans notre baromètre disent envisager une délocalisation partielle vers les États-Unis – signe d’une vraie rupture avec l’imaginaire de la Silicon Valley comme destination naturelle.

L’Europe, nouvel eldorado de la tech

Le repli apparent vers l’Europe ne traduit pas nécessairement un recul. À bien des égards, le Vieux Continent peut désormais être considéré comme un marché stratégique à part entière. Le marché unique réunit près de 450 millions de consommateurs et représente environ 18 % du PIB mondial. Il compte parmi les marchés les plus développés et les plus importants au monde.

La Commission européenne a dévoilé en mai 2025 une stratégie inédite pour le développement et le maintien des start-ups et scale-up en Europe. Dans ce nouvel arsenal, l’UE mise aussi sur la souveraineté numérique. Le projet Gaia-X, par exemple, vise à créer un cloud de confiance, avec des solutions locales pour mieux protéger et partager les données sensibles des entreprises européennes.




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Ces dynamiques trouvent un écho fort chez les entrepreneurs français de la tech. Selon le baromètre MBS, 60 % des répondants voient la conjoncture comme une opportunité pour accélérer le développement d’un écosystème tech européen autonome. Près de 50 % déclarent vouloir privilégier des solutions technologiques européennes dans leurs opérations – un choix à la fois stratégique et symbolique.

Écosystème tech européen en développement

L’écosystème tech européen, qui se retrouve chaque année au salon Vivatech, ne cesse de se renforcer. Selon Atomico, le nombre de start-ups a été multiplié par cinq en dix ans et l’Europe compte désormais plus de 350 licornes.

Les levées de fonds, bien qu’en baisse par rapport aux records de 2021, restent solides : entre 42 milliards et 45 milliards de dollars attendus en 2024, soit trois fois plus qu’en 2015.

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Face à cette conjoncture, 43,7 % des start-ups françaises interrogées dans le baromètre MBS citent la hausse des coûts comme principale source d’inquiétude liée à la politique tarifaire américaine – qu’il s’agisse des matières premières, des composants, ou de la logistique. En réponse, 68 % des entités sondées déclarent vouloir adopter des stratégies d’adaptation : recours à des fournisseurs européens, développement vers d’autres marchés que les États-Unis ou relocalisation partielle de certaines fonctions. Moins d’une entreprise sur trois envisage de ne rien faire, signe que la dynamique de réorganisation est bel et bien lancée.

Globalement, un changement stratégique se dessine pour les start-ups françaises. Pour beaucoup d’entre elles, la Silicon Valley n’est plus une destination naturelle, mais une option parmi d’autres.

Et si, en 2025, le vrai « rêve américain », c’était de réussir en Europe ? Ce contexte de tensions commerciales internationales aura peut-être permis de révéler l’Europe comme un terrain privilégié pour les acteurs européens de la tech.

La tech française redéfinit son American Dream… en Europe

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

Auteur : Rémi Le Goff, Professeur en stratégie et entrepreneuriat, Montpellier Business School

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Artia13

Bonjour ! Je m'appelle Cédric, auteur et éditeur basé à Arles. J'écris et publie des ouvrages sur la désinformation, la sécurité numérique et les enjeux sociétaux, mais aussi des romans d'aventure qui invitent à l'évasion et à la réflexion. Mon objectif : informer, captiver et éveiller les consciences à travers mes écrits.

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