Le CNRS veut guider l’expression publique de ses chercheurs

Cyberéthique et libertés numériques

Neutralité ? Intégrité ? Transparence ?

Le CNRS veut guider l’expression publique de ses chercheurs

Dans un contexte de critiques et parfois de défiance envers les chercheurs, le CNRS veut « outiller les scientifiques du CNRS qui souhaitent s’exprimer publiquement » en publiant un guide. Celui-ci apporte des conseils et contient la position de la direction du centre comme celle de son comité d’éthique.

Pour aider les personnels scientifiques dans leur prise de parole médiatique, le CNRS vient de publier un guide [PDF]. Dans un contexte de crise climatique, de pandémie de covid-19, d’accroissement des inégalités, de développement de l’intelligence artificielle ou des technologies de surveillance, la question de l’engagement public des chercheurs est prégnante. D’autant que les réseaux sociaux peuvent exacerber les tensions : on a vu qu’en facilitant la désinformation, Twitter a fait fuir scientifiques et défenseurs de l’environnement.

En juillet 2023, le comité d’éthique du CNRS (COMETS) publiait un avis dans lequel il insistait sur les « notions de fiabilité, de quête d’objectivité, d’intégrité et de rigueur de la démarche scientifique, et de transparence sur les valeurs » plutôt que sur celle de la neutralité. « Dans le respect de ces conditions, il n’y a aucune incompatibilité avec l’engagement public du chercheur », ajoutait-il.

Rappelons que le comité d’éthique y prenait position sur la place de la direction du centre dans ce genre de débat : « La direction du CNRS n’a pas vocation à s’immiscer dans ces questions qui relèvent au premier chef du débat scientifique entre pairs », affirmait-il. Il expliquait que, si le CNRS « prenait publiquement des positions normatives sur des sujets de société, le COMETS considère qu’il devrait respecter les règles qui s’appliquent aux chercheurs ».

Il y proposait aussi à la direction du CNRS d’« élaborer avec les personnels de la recherche un guide de l’engagement public » ainsi que des formations.

Un guide en co-construction

Deux ans après, ce guide est donc disponible. On y trouve le rappel du cadre juridique de l’expression publique des chercheurs, des « règles d’or », des conseils pour s’exprimer dans le débat public et interagir avec les journalistes, et des conseils en cas de cyberharcèlement. Le guide semble avoir été bâti en prenant en compte les positions de la direction du CNRS comme du COMETS, qui sont parfois en désaccord.

C’est le PDG du CNRS qui y signe l’édito. « J’ai bien conscience que cette démarche pourrait être critiquée », explique-t-il. « Il nous est notamment souvent reproché de ne pas intervenir quand un scientifique du CNRS prend publiquement une position controversée (souvent sur un sujet polémique) », ajoute-t-il.

Il en profite donc pour répondre à ce reproche : « il est rare en effet que le CNRS le fasse. J’observe que lorsqu’un scientifique prend position, c’est le plus souvent au nom de son travail de recherche et de l’expertise qui en résulte. Je pense que notre guide doit aider tous les personnels du CNRS à trouver un juste équilibre entre la liberté d’expression des scientifiques, le devoir de rigueur qui s’impose à eux, la préservation de l’image de l’institution et la qualité du débat public ». Mais le guide contient aussi des extraits de l’avis du COMETS évoqué ci-dessus.

Transparence sur les liens d’intérêts

Ce document affirme que « l’honnêteté et l’impartialité dans le travail de recherche exigent que les scientifiques fassent preuve de transparence quant à leurs éventuels liens d’intérêts ». Il explique que ces liens « pourraient en effet introduire des biais dans la recherche, orienter les résultats et in fine créer un conflit avec la mission scientifique confiée de produire des connaissances de manière impartiale ».

Il ajoute que cette déclaration « concerne non seulement les liens financiers, mais aussi tous ceux qui sont susceptibles d’affecter l’impartialité des scientifiques dans la réalisation ou la communication de leurs recherches (participation financière dans une entreprise, consultation pour une entreprise, relation familiale, etc.) ».

Situer son propos

Dans ses règles d’or, outre la vérification des droits et obligations des chercheurs avant de s’exprimer, le guide conseille aux personnels scientifiques de considérer « l’impact de [leur] intervention pour le public, [leur] communauté, le CNRS et [eux]-mêmes » et de s’interroger sur « sur [leur] légitimité à [s’] exprimer en tant que scientifique, surtout si ce n’est pas dans [leur] champ de compétence ».

Il leur est aussi demandé de situer leur propos en indiquant « à chaque occasion [s’ils s’expriment] en tant que scientifique spécialiste de telle question, au nom de [leur] institution (en l’occurrence le CNRS) ou comme citoyen ou citoyenne dans un domaine plus ou moins éloigné de [leur] domaine d’expertise ».

Remarquons qu’être dans son domaine ou en dehors présente parfois une frontière poreuse : une chercheuse en cryptologie peut être tout à fait compétente pour parler d’algorithmie alors que ce n’est pas son domaine de publication.

Enfin, le guide donne quelques conseils en cas de cyberharcèlement, d’injure ou de diffamation. Il rappelle aussi que les agents publics ont accès à la « protection fonctionnelle » qui leur permet « d’être protégés par leur administration en cas d’attaques matériellement établies (diffamation, injure, cyberharcèlement, etc.) ou de poursuites civiles ou pénales liées à l’exercice de leurs fonctions ».

Auteur : Martin Clavey

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Artia13

Bonjour ! Je m'appelle Cédric, auteur et éditeur basé à Arles. J'écris et publie des ouvrages sur la désinformation, la sécurité numérique et les enjeux sociétaux, mais aussi des romans d'aventure qui invitent à l'évasion et à la réflexion. Mon objectif : informer, captiver et éveiller les consciences à travers mes écrits.

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