Le Soleil a été masqué pendant plusieurs heures pour la toute première fois !
Les éclipses totales permettent de révéler et d’étudier la couronne solaire, la fantomatique atmosphère du Soleil. Mais ces événements ne durent pas longtemps et ne se répètent localement sur Terre qu’au bout de plusieurs années. Depuis plus d’une décennie, l’ESA s’occupait d’une mission avec une paire de satellites, Proba-3, pour contourner ces difficultés en produisant des éclipses solaires, presque à la demande, en orbite. C’est enfin le succès attendu !
Il y a environ 2 500 ans, le philosophe grec Anaxagore, représentant de l’école ionienne qui comportait des penseurs et des savants aussi illustres que ThalèsThalès et Anaximandre, avançait que « tout a une explication naturelle. La Lune n’est pas un dieu, mais un grand rocher et le Soleil un rocher chaud ». Il tenait également pour vrai que « le but de la vie est l’investigation du Soleil, de la Lune et des cieux ».
On pense qu’il a été le premier à comprendre vraiment ce qui se passait lors des éclipses de Soleil, posant donc les bases des théories scientifiques qui vont considérablement se développer après Newton dans le but de prédire ces éclipses. Les développements conséquents de la mécanique céleste qui s’en sont ensuivi dans ce but n’ont cependant pas été nécessaires aux Grecs, avant Anaxagore, qui connaissaient déjà le saros, une période de 223 mois synodiquesmois synodiques ou lunaisons (environ 18 ans) qui peut être utilisée pour prédire les éclipses de Soleil et de Lune.
L’astrophysique développée au cours des XIXe et XXe siècles va se pencher sur une description physiquephysique et chimique détaillée du Soleil en mettant à profit des éclipses pour étudier l’atmosphèreatmosphère et la couronne solairecouronne solaire. Toutefois, ce genre d’étude était rendue difficile par le fait que les éclipses solaires duraient quelques minutes. Heureusement, l’astronomeastronome français Bernard LyotBernard Lyot va trouver le moyen de contourner le problème en créant des éclipses artificielles avec son coronographecoronographe et aujourd’hui, l’EsaEsa a fait encore mieux en créant d’autres éclipses artificielles, dans l’espace maintenant, avec la mission Proba-3 dont Futura rend compte depuis plusieurs années.
Un outil pour la météorologie solaire
L’ESA vient en effet de dévoiler les premières images de la couronne solaire prise avec la mission Proba-3 et ses deux satellites, l’un jouant le rôle de coronagraphe et l’autre d’occulteur. Ils ont pour cela volé à 150 mètres l’un de l’autre en formation parfaite pendant plusieurs heures sans aucun contrôle depuis le sol tout en maintenant leur position relative avec une précision millimétrique, explique un communiqué de l’ESA.
Les physiciensphysiciens solaires, comme l’était le regretté Jean-Claude Pecker, peuvent donc observer en dehors de l’atmosphère terrestre la couronne solaire pendant des heures d’affilée et à répétition. Les données collectées vont leur permettre notamment de mieux comprendre le fonctionnement des éjections de massemasse coronale (CMECME), ces explosions de particules émises par le Soleil qui, en particulier pendant les périodes de forte activité de notre ÉtoileÉtoile, peuvent menacer la noosphère technologique et ses moyens de communications.
Un instrument pour percer l’énigme du chauffage de la couronne solaire
Ces mêmes données vont contribuer à contraindre encore mieux les modèles basées sur de précédentes observations et qui donnent des explications partielles de la fameuse énigme du chauffage de la couronne solaire. On rappelle que, si la température de surface du Soleil est d’environ 6 000 ° K, celle de sa couronne dépasse le million de degrés, ce qui est contre-intuitif puisque cela revient à faire bouillir de l’eau dans une casserole posée sur un bloc de glace. Depuis des décennies, des preuves s’accumulent faisant intervenir des processus de magnétohydrodynamique des plasmas, comme les fameuses ondes d’Alfvén.
Proba-3 a créé artificiellement un phénomène naturel rare : une éclipse solaire totale. En première mondiale, les satellites Proba-3 de l’ESA ont volé en formation parfaite, masquant le disque lumineux du Soleil pour révéler sa couronne ardente. Cette couche externe énigmatique brûle à des millions de degrés de plus que la surface du Soleil et alimente les tempêtes solaires susceptibles de perturber la vie sur Terre. Avec sa première éclipse artificielle, Proba-3 a capturé des images détaillées de cette région mystérieuse, offrant aux scientifiques de nouvelles perspectives sur le comportement de notre Étoile. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © ESA
Le communiqué de l’ESA contient des commentaires de plusieurs des scientifiques impliqués dans la mission Proba-3, comme Joe Zender pour qui « voir les premières données d’ASPIICS est incroyablement excitant. Avec les mesures effectuées par un autre instrument à bord, Dara, ASPIICS contribuera à résoudre des questions persistantes sur notre Étoile d’origine ».
Son collègue Andrei Zhukov, chercheur principal pour ASPIICS à l’Observatoire royal de Belgique, ajoute : « J’étais absolument ravi de voir les images, en particulier puisque nous les avons obtenues dès la première tentative.
Nos images d’éclipse artificielle sont comparables à celles prises lors d’une éclipse naturelle. La différence, c’est que nous pouvons créer notre éclipse une fois toutes les 19,6 heures d’orbiteorbite, tandis que les éclipses solaires totales ne se produisent naturellement qu’une fois, très rarement deux fois, par an. En plus de cela, les éclipses totaleséclipses totales naturelles ne durent que quelques minutes, tandis que Proba-3 peut maintenir son éclipse artificielle jusqu’à six heures ».
Une compilation des images prises au cours des années par Lyot avec son coronographe. © Cédric Thomas
Le saviez-vous ?
Quand on contemple les images livrées ces dernières années par des missions spatiales solaires comme Solar Orbiter ou celle de la sonde Parker, on mesure tout le chemin parcouru par les astrophysiciens solaires, dont le premier fut Galilée, lorsqu’il découvrit les taches solaires. Mais l’astrophysique proprement dite ne se développera que plus tard, lorsque l’on va se concentrer sur l’étude du spectre solaire au cours du XIXe siècle grâce à la découverte de la spectroscopie des éléments, développée par les physiciens Joseph von Fraunhofer, Gustav Kirchhoff et le chimiste Robert Bunsen.
L’étude de la couronne et des protubérances solaires va faire un bond en 1931, lorsque l’astronome et opticien français Bernard Lyot va commencer ses observations au pic du Midi avec le tout nouvel instrument qu’il vient de concevoir : le coronographe. Il va notamment en tirer des films impressionnants montrant les éruptions solaires en accéléré. Parallèlement, la théorie progresse avec les développements des modèles de structure interne et d’atmosphère du Soleil, en particulier sous l’impulsion de Chandrasekhar.
Auteur : Laurent Sacco, Journaliste scientifique
Aller à la source