Les astrophysiciens ont débusqué un combat galactique dantesque à des milliards d’années-lumière !
Une équipe internationale d’astronomes, comportant des chercheurs français dont Françoise Combes, a découvert dans des strates de lumière âgées de plus de 11 milliards d’années une violente collision au cours de laquelle une galaxie en transperce une autre par un intense rayonnement sous forme de jet issu d’un quasar, un monstre cosmique capable de tuer des galaxies. Il s’agit d’une véritable joute au cours de laquelle, selon les mots d’un communiqué de l’Observatoire européen austral, les deux galaxies sont « sur une trajectoire de collision violente, ne faisant qu’effleurer leur cible avant de se replier pour un nouveau round ».
L’essor des lunettes astronomiques et des télescopes après GaliléeGalilée et Newton a permis de découvrir les galaxies et, dès le XVIIIe siècle, Kant avait compris qu’il s’agissait selon ces termes d’Univers-îles peuplés d’innombrables étoiles et analogues à la Voie lactéeVoie lactée. Mais il faudra attendre les années 1920 pour que Edwin Hubble le démontre. Le télescope portant son nom nous fera alors découvrir un zoo spectaculaire de galaxies spiralesgalaxies spirales, elliptiques et irrégulières, ces dernières étant souvent le résultat d’interactions gravitationnelles rapprochées, menant souvent à des fusionsfusions.
Il nous reste bien des choses à apprendre sur les galaxies, comment elles sont nées et comment elles évoluent. Le télescope HubbleHubble a reçu depuis sa mise en orbiteorbite l’aide de bien d’autres instruments dont, au sol, le désormais mythique VLTVLT de l’Observatoire européen austral (ESOESO) et de l’Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma) aussi de l’ESO.
Des jets avec des trous noirs en rotation
Une des caractéristiques importantes des galaxies est qu’elles contiennent en leur cœur un trou noir supermassiftrou noir supermassif de Kerr en rotation contenant d’un million à plusieurs milliards de massesmasses solaires. Les observations ont révélé que ces astresastres compacts en accrétant d’une façon ou d’une autre des quantités importantes de matièrematière (par exemple, via des filaments de matière froide) devenaient des noyaux actifs de galaxiesnoyaux actifs de galaxies et même ce que l’on a appelé des quasars étonnamment brillants.
Roger Blandford nous parle des trous noirs supermassifs et de leurs jets dans cette vidéo. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Quanta Magazine
Les quasarsquasars étaient surtout nombreux quelques milliards d’années après le Big Bang et on peut en voir émettre de puissants jets de matière et de rayonnement. On pense depuis un moment déjà que les noyaux actifs de galaxies et les puissantes émissionsémissions de matière et de rayonnement qu’ils engendrent peuvent contribuer à expliquer pourquoi bien des galaxies sont « mortes », c’est-à-dire qu’elles ne contiennent plus assez de matière sous forme de nuagesnuages moléculaires denses et froids pour faire naître d’importantes nouvelles générations d’étoiles.
Les astrophysiciensastrophysiciens et les cosmologistes cherchent à en savoir plus et, aujourd’hui, un communiqué de l’ESO fait justement savoir qu’avec le VLT et Alma ils ont justement découvert un cas fascinant comme l’explique une publication dans la revue Nature. « Nous appelons donc ce système « la joute cosmique » », déclare Pasquier Noterdaeme, co-auteur de l’étude et chercheur à l’Institut d’astrophysiqueastrophysique de Paris (France) et au Laboratoire franco-chilien d’astronomie au Chili, en faisant référence au sport médiéval, peut-on lire dans le communiqué.
Des astronomes ont été témoins d’une violente fusion galactique dans l’espace lointain. Telle une « joute cosmique », une galaxie en perce une autre d’un cône de rayonnement intense. Les résultats de leur analyse, réalisée à l’aide du Très Grand Télescope (VLT) de l’ESO et du Grand Réseau Millimétrique/Submillimétrique de l’Atacama (Alma), montrent que ce rayonnement perturbe le gaz et la poussière de l’autre galaxie. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © ESO
La première observation directe de l’effet de la radiation d’un quasar
Les observations et leurs analyses montrent en effet, il y a un peu plus de 11 milliards d’années, deux galaxies en orbite rapprochée se précipitant à répétition l’une vers l’autre à une vitessevitesse de 500 km/s, l’une faisant feufeu sur l’autre avec un jet de matière et de rayonnement issue justement d’un quasar, et qui finiront un jour par fusionner (ce qui justifie de parler d’un combat, d’une joute cosmique en cours). Ces mêmes observations montrent que ce jet a tendance justement à perturber le réservoir en nuages moléculaires de la galaxie sans noyau actif et donc à supprimer la formation de pouponnières stellaires.
« C’est la première fois que nous observons directement l’effet de la radiation d’un quasar sur la structure interne du gazgaz d’une galaxie par ailleurs normale », explique dans le communiqué de l’ESO Sergei Balashev, co-auteur de l’étude et chercheur à l’Institut Ioffe de Saint-Pétersbourg, en Russie.
Le chercheur ajoute toutefois que lorsque des galaxies comme celles étudiées entrent en collision, « on pense que ces fusions apportent d’énormes quantités de gaz aux trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs situés au centre des galaxies », de sorte que les jets destructeurs continuent leur travail de sape des conditions de la formation de nouvelles étoiles.
Pour son collègue, Pasquier Noterdaeme, un télescope comme l’Extremely Large TelescopeExtremely Large Telescope de l’ESO « nous permettra certainement d’approfondir l’étude de ce système, et d’autres, afin de mieux comprendre l’évolution des quasars et leur effet sur les galaxies hôtes et les galaxies voisines ».
Le saviez-vous ?
Il y a environ 60 ans, la technique des occultations a permis de déterminer la contrepartie dans le visible de ce qui n’était alors qu’une étonnante source radio puissante, 3C 273. Lorsque Maarten Schmidt, un astronome néerlandais, a ensuite fait l’analyse spectrale de la lumière de l’astre toujours dans le visible, il découvrit avec stupéfaction des lignes d’émissions de l’hydrogène fortement décalées vers le rouge. Or, 3C 273 apparaissait dans le visible comme une étoile, alors que ce résultat impliquait qu’il se situât en dehors de la Voie lactée à une distance cosmologique. Pour être observable d’aussi loin, l’objet devait donc être d’une luminosité prodigieuse. D’autres quasi-stellars radio sources, des quasars selon la dénomination proposée en 1964 par l’astrophysicien d’origine chinoise Hong-Yee Chiu, n’allaient pas tarder à être découverts. On en connaît aujourd’hui plus de 200 000.
Les astrophysiciens ont très tôt cherché à comprendre la nature de ces astres qui, bien que libérant d’énormes quantités d’énergie, semblaient être de petite taille. On a d’abord pensé qu’il pouvait s’agir d’énormes étoiles dominées par les effets de la relativité générale, notamment responsables du décalage spectral, avant d’envisager assez rapidement qu’il pouvait s’agir de trous noirs supermassifs accrétant d’importantes quantités de gaz. Dans le bestiaire des astres relativistes que l’on commençait à explorer sérieusement pendant les années 1960, certains, comme le Russe Igor Novikov et l’Israélien Yuval Ne’eman, ont même proposé que les quasars soient en fait des trous blancs. C’est-à-dire soit des régions de l’Univers dont l’expansion au moment du Big Bang avait été retardée (hypothèse des lagging core), soit l’autre extrémité de trous de ver éjectant la matière qu’ils avaient absorbée sous forme de trous noirs dans une autre partie du cosmos, voire dans un autre Univers.
Auteur : Laurent Sacco, Journaliste
Aller à la source