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Les datacenters d’IA sont aussi un enjeu de souveraineté


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Les datacenters d’IA sont aussi un enjeu de souveraineté

Projet Stargate, multiples annonces d’implantations de data centers pour l’IA en France, l’année 2025 marque la volonté des décideurs économiques comme politiques d’accélérer l’installation d’énormes data centers à travers le monde consacrés à l’IA, que ça soit pour de l’entrainement ou de l’inférence. Des chercheurs constatent déjà des disparités importantes à travers le monde.

On l’a vu en février dernier à l’occasion du « Sommet pour l’action sur l’IA », la France veut accélérer l’installation de datacenters sur son territoire. Elle suit notamment le mouvement lancé par le projet américain « Stargate » qui s’appuie sur des centaines de milliards de dollars d’investissement. Les nations qui ont déjà investi dans l’IA projettent d’y investir encore plus massivement. Mais l’accès à ces infrastructures est déjà très inégal, constatent des chercheurs d’Oxford dont le New York Times a repéré les travaux.

La chercheuse Zoe Jay Hawkins et ses collègues ont mis en ligne sur la plateforme de preprints SSRN vendredi 20 juin un article (non relu par des pairs et pas encore accepté par une revue scientifique) qui fait le recensement des offres privées dans le monde de « régions de cloud » (des datacenters proches et interconnectés) accessibles au public.

Ce sont les infrastructures utilisées lorsqu’une entreprise achète un service de calculs dédiés à l’IA. Elle peut notamment choisir en fonction des puces utilisées, mais aussi de la région où se situent les data centers qu’elle va utiliser. Ces infrastructures peuvent être optimisées soit pour l’entrainement de modèles, soit pour leur inférence.

En faisant ce travail de recensement, ils ont voulu réfléchir sur la souveraineté des uns et des autres concernant la puissance de calculs pour l’IA. Ils précisent que cette notion de « souveraineté de calcul » peut s’aborder sous plusieurs niveaux : la juridiction qui couvre les data centers, les entreprises qui les possèdent et celles qui fournissent les puces.

Analyse de la répartition des neuf entreprises les plus importantes du secteur

Pour les États-Unis, la Chine et l’Europe, ils ont analysé la répartition des « régions de cloud » des trois plus importantes entreprises locales (recensement fait en novembre 2024).

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Ces neuf entreprises ont mis en place 132 « régions de cloud » à travers le monde : 22 sont situées en Chine, 26 aux États-Unis et 27 en Europe.

Ces neuf géants mondiaux ont un rayonnement international (surtout les américains), mais n’assurent qu’un service minimum en Afrique et en Amérique du Sud.

Deux « régions de cloud » au Brésil (une pour l’entrainement, une pour l’inférence) et quatre en Afrique du Sud (deux pour l’entrainement, deux pour l’inférence), qui est le seul pays de son continent à en héberger.

Les chercheurs ont détaillé dans leur article pour chaque pays la répartition de ces trois puissances. Sans surprise, les entreprises étasuniennes dominent.

Les puces : le monopole NVIDIA pas prêt d’être ébranlé

Enfin, sur les puces, le constat est encore plus radical. Ce n’est d’ailleurs pas nouveau, comme nous l’expliquions dans notre antisèche sur la guerre froide des semi-conducteurs (USA vs Asie vs Europe). Les chercheurs rappellent que NVIDIA, entreprise étasunienne, domine 80 à 95 % du marché.

Ils font cependant remarquer que « certains fournisseurs chinois de cloud hyperscale ont introduit leurs propres modèles de puces d’accélération de l’IA en interne ». La Chine est pour rappel sous embargo américain concernant certaines puces, notamment les haut de gamme de NVIDIA. Le pays développe donc des alternatives en parallèle d’un marché noir.

Mais ça ne suffit pas pour faire bouger les lignes concernant ces « régions de cloud ». Ainsi, « sur les 132 régions […], seules six proposent des accélérateurs Huawei Ascend, dont trois régions en Chine et trois régions en France, à Singapour et aux Émirats arabes unis ».

Au final, 95,5 % de « régions de cloud » sont équipées avec des puces appartenant à des entreprises étasuniennes.

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Enfin, dans leur analyse, les chercheurs font un tableau des pours et des contres le fait d’héberger ce genre de régions sur son territoire :

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Notons dans les pours, par exemple, une faible latence et une bande passante efficace. Ils soulignent aussi la capacité à avoir un contrôle juridique sur les données. Ces régions pousseraient aussi le secteur privé à investir dans des énergies renouvelables.

Par contre, on peut aussi souligner une consommation importante de ressources de terrains, en énergie et en eau qui rentre en conflit direct avec la consommation domestique. Ils soulignent aussi que, si l’infrastructure est détenue par une entreprise étrangère, la dépendance du pays à cette infrastructure peut être utilisée comme une arme.

Auteur : Martin Clavey

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Bonjour ! Je m'appelle Cédric, auteur et éditeur basé à Arles. J'écris et publie des ouvrages sur la désinformation, la sécurité numérique et les enjeux sociétaux, mais aussi des romans d'aventure qui invitent à l'évasion et à la réflexion. Mon objectif : informer, captiver et éveiller les consciences à travers mes écrits.

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