Les lyssavirus, de rares mais mortels virus de chauve-souris

Début juillet 2025, un quinquagénaire australien vivant en Nouvelle-Galles du Sud est mort des conséquences d’une contamination par un lyssavirus, et ce plusieurs mois après avoir été mordu par une chauve-souris.
Ce décès porte à quatre le nombre de cas humains d’infection connus depuis la découverte du virus responsable, le lyssavirus austral (Lyssavirus australis, aussi appelé « australian bat lyssavirus » ou ABLV), dans la région du Queensland, en 1996. À l’époque, il avait été isolé dans une chauve-souris frugivore, le renard volant noir (Pteropus alecto). Ce nouveau cas est également le premier cas humain confirmé Nouvelle-Galles du Sud.
Que faut-il savoir de ce genre de virus, dont certains membres circulent aussi en Europe ? Que faire en cas de contact avec une chauve-souris ? Les réponses.
Un proche parent du virus de la rage
Le lyssavirus austral, qui infecte principalement les chauves-souris (chiroptères) australiennes, appartient à la famille des Rhabdoviridae, laquelle compte aussi parmi ses membres le virus de la rage.
En Australie, les données de surveillance suggèrent que moins de 1 % des chauves-souris en bonne santé sont porteuses de ce virus. La prévalence atteint en revanche 5 à 10 % chez les individus malades ou blessés. L’infection est souvent asymptomatique, même si certains chiroptères présentent parfois des symptômes neurologiques tels que désorientation, agressivité, spasmes musculaires et paralysie. Il arrive aussi que les individus contaminés par ce genre de virus en meurent.
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Ce lyssavirus a déjà été isolé dans des individus appartenant aux quatre espèces de renards volants du continent (Pteropus alecto, P. poliocephalus, P. scapulatus et P. conspicillatus) ainsi que chez une espèce de micro-chauve-souris, la roussette à ventre jaune (Saccolaimus flaviventris). Des données sérologiques (recherche d’anticorps dirigés contre ce virus dans le sang de chauve-souris, ce qui constitue la preuve d’une infection) suggèrent que d’autres micro-espèces pourraient également y être sensibles.
Il convient donc de faire preuve de prudence, et de considérer que toutes les espèces de chauves-souris australiennes sont potentiellement porteuses du lyssavirus.
Des infections rares, mais potentiellement mortelles
Contrairement à la rage, qui est à l’origine d’environ 59 000 décès humains par an, principalement en Afrique et en Asie, l’infection humaine par le lyssavirus des chauves-souris australiennes reste extrêmement rare.
Il faut souligner que si ce lyssavirus est propre à l’Australie, d’autres lyssavirus, tels que les lyssavirus des chauves-souris européennes (« European bat lyssaviruses » ou EBLVs types 1 et 2), circulent également. Ils ont eux aussi déjà été à l’origine d’infections humaines, quoique très occasionnellement (des lyssavirus de chauve-souris circulent également sur les autres continents : Amérique du Nord et du Sud, Asie, Afrique ; si les cas humains identifiés sont rares, selon l’Organisation mondiale de la Santé leur nombre pourrait être sous-estimé en raison des limitations en matière de surveillance et de caractérisation de ces virus, ndlr).
La transmission du virus à l’être humain se fait par contact direct avec la salive de chauves-souris infectées, via des morsures, des griffures ou lorsque la peau est lésée. L’exposition au virus peut également se produire lorsque ladite salive entre en contact avec les muqueuses (yeux, nez, bouche).
L’exposition aux déjections, à l’urine, ou au sang de chauves-souris infectées ne fait en revanche pas courir de risque d’infection par ce virus. Le simple fait de se trouver à proximité des lieux où gîtent les chauves-souris ne constitue pas non plus un danger.
Une maladie incurable après l’apparition des symptômes
En cas de contamination par le lyssavirus, la période d’incubation peut varier de quelques semaines à plus de deux ans. Durant cette phase asymptomatique (sans symptôme), le virus migre lentement le long des nerfs vers le cerveau.
Si le traitement est administré pendant cette phase d’incubation, il est capable de prévenir l’apparition de la maladie. En revanche, si l’intervention est trop tardive (après la survenue des premiers symptômes), l’issue est toujours fatale. En effet, une fois déclarée, la maladie est incurable, comme dans le cas de la rage.
La symptomatologie humaine de l’infection à lyssavirus ressemble d’ailleurs beaucoup à celle de la rage. Les premiers signes de la maladie sont des symptômes grippaux (fièvre, maux de tête, fatigue). L’affection évolue ensuite rapidement, se transformant en une atteinte neurologique grave qui se traduit par une paralysie, un délire, des convulsions et une perte de connaissance. Le décès survient généralement une à deux semaines après l’apparition des premiers symptômes.
Les quatre cas humains recensés en Australie – trois dans le Queensland (en 1996, 1998 et 2013) auquel s’ajoute le récent cas survenu en Nouvelles-Galles du Sud – se sont tous soldés par le décès des personnes infectées.
L’importance d’une prise en charge rapide
Lorsqu’une contamination par un lyssavirus est suspectée, la prise en charge médicale intervient rapidement. Elle consiste en l’administration d’une prophylaxie post-exposition combinant immunoglobulines (anticorps) antirabiques et vaccin antirabique.
Ce traitement est très efficace s’il est initié promptement – idéalement dans les 48 heures et au plus tard sept jours après l’exposition, autrement dit avant que le virus n’atteigne le système nerveux central.
En revanche, comme mentionné précédemment, à l’heure actuelle, il n’existe aucune thérapie une fois les symptômes déclarés.
Les recherches menées ces dernières années sur des anticorps monoclonaux semblent ouvrir des perspectives intéressantes, mais les traitements qui pourraient en découler ne sont pas encore disponibles.
Comment se protéger, et que faire en cas de morsure de chauve-souris ?
Une vaccination antirabique préexposition (trois injections réparties sur un mois) est recommandée pour les populations à haut risque : vétérinaires, soigneurs animaliers, personnes travaillant à la réintroduction de spécimens de faune sauvage et personnels de laboratoire manipulant des lyssavirus.
En ce qui concerne le grand public, les campagnes d’information sont essentielles pour réduire les interactions à risque, notamment dans les zones fréquentées par les chauves-souris. Il est crucial d’éviter tout contact direct avec les chauves-souris. Seuls des professionnels formés et vaccinés, comme les soigneurs ou les vétérinaires, doivent manipuler ces animaux.
En cas de morsure ou de griffure, il est impératif d’agir sans délai : il faut nettoyer abondamment la plaie à l’eau et au savon pendant au moins 15 minutes, appliquer un antiseptique (par exemple une solution de bétadine) et consulter un médecin de toute urgence.
Le tragique décès survenu en Nouvelles-Galles du Sud nous rappelle que, même si les infections par des lyssavirus de chauve-souris demeurent rarissimes, elles constituent une sérieuse menace. Il convient donc de renforcer la sensibilisation du public et d’assurer la vaccination des individus à risque, tout en poursuivant la surveillance des populations de chauves-souris ainsi que la recherche de nouveaux traitements.
Vinod Balasubramaniam ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
Auteur : Vinod Balasubramaniam, Associate Professor (Molecular Virology), Monash University
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