Maths au quotidien : pourquoi votre assurance vous propose un contrat avec franchise
Un contrat avec franchise incite à ne pas prendre de risques – une manière pour les assurances de se garantir que leurs clients ne se reposent pas complètement sur elles. Ce sont les maths qui le disent.
Nous avons tous un contrat d’assurance contre des risques précis : assurance auto, assurance multirisque habitation (45,9 millions de contrats en 2023 en France)… Vous avez signé ce contrat d’assurance afin de vous couvrir des frais en cas de sinistre. Ce qui est inhabituel, avec les assurances, c’est que vous achetez « un produit » (contrat), mais vous le récupérez (les indemnités) que si vous subissez un sinistre. De plus, il est courant que l’assureur vous propose un contrat « avec franchise », c’est-à-dire qu’en cas de sinistre, une partie fixe des frais reste à votre charge.
Pourquoi les contrats « avec franchise » sont-ils si répandus ? Il existe plusieurs réponses.
Franchise : un contrat idéal
Des chercheurs se sont intéressés au contrat optimal en modélisant mathématiquement la relation entre l’assureur et l’assuré. On dit qu’un contrat est optimal s’il n’existe pas d’autre contrat qui profiterait davantage à l’un (l’assuré ou l’assureur) sans détériorer la situation de l’autre.
Pour trouver le contrat qui maximise à la fois les préférences de l’assuré et de l’assureur, il faut résoudre un problème d’« optimisation ».
L’assureur est considéré comme neutre au risque, c’est-à-dire qu’il n’a pas de préférence entre une richesse dite « aléatoire » (impactée par un risque subi, mais incertain) et une richesse certaine égale à l’espérance de la richesse aléatoire.
Par contre, l’assuré est considéré comme risquophobe, c’est-à-dire que dans l’exemple précédent, il préfère la richesse certaine à la richesse aléatoire.
Dans ce contexte, des travaux de recherche ont montré que le contrat avec franchise est optimal. En effet, ce type de contrat permet à l’assuré risquophobe de réduire le risque puisqu’en cas de sinistre, il aura juste à payer la franchise. Si la franchise est nulle, le contrat neutralise alors complètement le risque puisqu’en payant juste la prime, l’assuré recevra une indemnité égale au dommage subi (potentiellement avec un plafond, mentionné dans le contrat) : on dit qu’il aura une richesse certaine.
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Franchise : incitation cachée et aléa moral
D’un point de vue pratique, la mise en place d’un contrat avec franchise représente plusieurs avantages pour l’assureur.
Tout d’abord, ce type de contrat réduit ses frais de gestion car les petites pertes (en dessous du montant de la franchise) ne sont plus traitées.
L’assuré est alors incité à faire un effort afin d’éviter les petites pertes qui resteraient à sa charge, ce qui permet de réduire le phénomène d’« aléa moral ». Ce dernier décrit une situation d’asymétrie d’information entre l’assureur et l’assuré. En effet, une fois le contrat d’assurance signé, l’assurance ne peut pas observer l’effort consenti par l’assuré pour éviter un risque (par exemple la vigilance au volant). Non seulement la mise en place de la franchise permet à l’assureur d’obliger l’assuré à faire un effort, elle lui permet aussi de détourner les individus à haut risque, qui cherchent souvent un contrat plus généreux que les individus à bas risques et qui sont prêts à payer une prime (même chère) afin de ne pas subir les petits risques.
Un autre problème d’asymétrie de l’information, connu sous le nom d’« antisélection » (ou sélection adverse) est alors soulevé. Dans ce contexte, l’assureur ne connaît pas le type (haut/bas risque) de l’assuré. Un individu à haut risque peut acheter un contrat destiné à un individu bas risque.
Si l’assureur ne propose que des contrats sans franchise, il risque d’avoir trop d’assurés à haut risque. L’assureur devra alors statistiquement faire face à un nombre important de sinistres (l’assureur par manque d’information se trouve avec les hauts risques alors qu’il aurait souhaité l’inverse), ce qui aboutit souvent à un déséquilibre entre le montant des primes perçues et le montant des indemnités versées. Il est donc important pour l’assureur de diversifier ses produits en proposant des contrats avec ou sans franchise.
Un contrat avec franchise est donc bien un optimum : l’assuré comme l’assureur a intérêt à éviter les petits sinistres. La franchise permet à l’assureur de faire des économies et en même temps de sélectionner ses clients. Le contrat choisi révèle votre « appétence au risque », que les assureurs classifient en types haut et bas risque !
Niousha Shahidi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
Auteur : Niousha Shahidi, Full professor, data analysis, EDC Paris Business School
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