Mystère dans l’espace : ce que nous avons pris pour un trou noir pourrait être… bien plus exotique !
On a longtemps pensé qu’un
système particulier observé par le satellite Gaia n’était qu’un
simple cas d’étoile en orbite autour d’un trou noir. Et s’il
s’agissait en réalité de quelque chose de plus exotique ? Deux
astronomes suggèrent en effet que ce trou noir serait en fait un
amas de matière noire ou une étoile dite « bosonique ».
La recherche, qui n’a pas encore été évaluée par des pairs, a été
publiée sur le serveur de prépublication arXiv. De
quoi parle-t-on précisément ?
Un couple tout à fait normal… a priori
Dans l’Univers, beaucoup d’objets
évoluent dans des couples binaires, dont les combinaisons peuvent
être multiples. Ces derniers peuvent notamment impliquer deux
étoiles classiques, une étoile et une étoile à neutrons, une naine blanche et un trou noir ou même deux
trous noirs pour ne citer
que quelques exemples.
Repéré par le satellite européen
Gaia il y a quelques années, le système dont il est ici question
serait composé d’une étoile semblable au soleil et d’un
trou noir. Cette étoile aurait une masse d’environ
0,93 masse solaire, tandis que le trou noir
pèserait autant que onze Soleils. Ces objets se
tourneraient l’un autour de l’autre tous les 188
jours à une distance de 1,4 unité
astronomique (environ la distance Mars-Soleil).
Malgré tout, si la nature de cette
étoile semblable au Soleil ne laisse pas de place au doute, celle
du trou noir interroge encore. Nous savons en effet que des trous
noirs se forment à la suite de la mort d’étoiles très massives.
Dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, une étoile semblable au
soleil aurait donc dû se former en compagnie de l’un de ces
monstres cosmiques. Or, bien que ce ne soit pas tout à fait
impossible, ce scénario nécessite une quantité extraordinaire
d’ajustements pour que le « match » se produise et se
maintienne pendant des millions d’années.
Les astronomes Alexandre M. Pombo
et Ippocratis D. Saltas partagent alors le même doute : et si au
lieu de n’être qu’un trou noir, il s’agissait en réalité d’autre
chose ? Et si ce compagnon orbital particulièrement sombre était…
un amas de particules de matière noire ?
Qu’est-ce que la matière noire ?
Pour rappel, la matière noire est
une forme de matière hypothétique qui n’interagit pas avec
la lumière, ce qui la rend « invisible » aux
télescopes et aux instruments conventionnels. Elle ne peut donc pas
être directement observée ou mesurée. Cependant, sa présence peut
être inférée à partir des effets gravitationnels
qu’elle exerce sur la matière visible tels que la rotation des
galaxies, mais aussi la formation et l’évolution des structures à
grande échelle de l’Univers.
Les observations suggèrent
également que la quantité de matière noire est beaucoup plus
importante que la matière ordinaire qui constitue tout ce que nous
pouvons détecter directement. Selon certaines estimations, elle
représenterait en effet environ 27% de la composition
totale de l’Univers, tandis que la matière classique (dite
baryonique) n’en représenterait que près de 5%. Le reste de
l’Univers serait alors principalement composé d’énergie noire, une
autre forme d’énergie mystérieuse qui influence l’expansion de l’Univers.
Les chercheurs ont proposé diverses
hypothèses sur la nature de la matière noire, mais jusqu’à présent,
aucune particule spécifique n’a été identifiée comme étant la
matière noire.

Une « étoile bosonique »
La plupart des modèles théoriques
supposent que la matière noire est distribuée de manière diffuse
dans chaque galaxie. Cependant, plusieurs modèles suggèrent qu’elle
pourrait s’agglutiner sur elle-même. L’un d’entre
eux émet notamment l’hypothèse que la matière noire serait un
nouveau type de boson. Pour rappel, les bosons
sont les particules qui transportent les forces de la nature. Un
photon est par exemple un boson qui porte la force
électromagnétique. Le boson de Higgs, qui explique l’origine
de la masse des autres particules élémentaires, est un autre
exemple.
Les types de bosons proposés ici ne
transporteraient pas de forces, mais ils auraient la capacité de
former de gros amas. Certains d’entre eux
pourraient avoir la taille de systèmes stellaires entiers, tandis
que d’autres pourraient être beaucoup plus petits. Ces plus petits
amas de matière noire bosonique pourraient même être aussi petits
que des étoiles. On parlerait alors d’étoiles
bosoniques. Ces étoiles, encore très hypothétiques,
seraient donc entièrement invisibles. Cependant, nous pourrions les
détecter par l’influence gravitationnelle imposée sur leur
environnement.
C’est ce que proposent ici les deux
chercheurs. Ce système ne serait pas composé d’une étoile et d’un
trou noir de masse stellaire, mais d’une étoile et d’un
petit amas de matière noire. D’après eux, un modèle simple
de matière noire bosonique pourrait en effet produire suffisamment
d’étoiles bosoniques pour rendre ce résultat plausible dans les
données de Gaia. Par ailleurs, le remplacement d’un trou noir
putatif par une étoile bosonique pourrait également
expliquer toutes les données d’observation.
Bien qu’il soit peu probable qu’il
s’agisse véritablement d’une étoile bosonique, les auteurs
insistent sur la nécessité de faire des observations de suivi pour
confirmer (ou non) leur hypothèse.
Auteur : Brice Louvet
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