Piratage sportif : l’Arcom sur le banc de touche, les adresses IP dans le viseur
IPTVu, IPTpris
Alors que le Sénat a adopté à la quasi-unanimité la proposition de loi sur le sport professionnel, les ayant-droits cherchent à déployer un système de blocage des sites de piratage bien plus ambitieux.
Le 10 juin, le Sénat adoptait la proposition de loi relative à l’organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel. Issu de la mission d’information « Football-business : stop ou encore », le texte déposé par le sénateur centriste Laurent Lafon a été adopté par 338 voix contre 1.
Rôle renforcé des fédérations et du ministère des Sports dans la gouvernance de ligues professionnelle, redistribution des revenus audiovisuels, plafonnement des rémunérations pour les dirigeants et lutte contre le piratage sont au nombre des sujets abordés par la proposition de loi. Sur cette dernière thématique, l’Arcom relevait un manque à gagner de 290 millions d’euros en 2023, soit 15 % de parts de marché, souligne Public Sénat.
Accélérer les modalités de blocage
L’article 10 du texte met à jour la procédure judiciaire et administrative en vigueur depuis le 1ᵉʳ janvier 2022. Depuis cette date, les chaînes et ligues sportives qui constatent des atteintes à leurs droits audiovisuels sont en mesure de saisir la justice pour réclamer le blocage de sites pirates. Ils peuvent ensuite saisir l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) pour mettre à jour la liste noire des noms de domaines pirates.
À l’heure actuelle, rappelle L’Informé, ce blocage qualifié de « dynamique » concerne les fournisseurs d’accès français (Orange, Free, SFR, Bouygues Télécom, les trois fournisseurs de DNS (systèmes de noms de domaine) que sont Google, Cisco et Cloudflare, ainsi que plusieurs fournisseurs de VPN (réseaux privés virtuels), dont NordVPN ou Proton, depuis quelques semaines.
La proposition de loi adoptée au Sénat vise à accélérer la cadence. En l’état, le texte prévoit que les titulaires des droits de diffusion aient toujours à saisir le juge, puis soient autorisés à collecter les informations d’identification de sites pirates. En revanche, ils pourront transmettre ces données directement et automatiquement aux FAI et autres acteurs techniques pour les faire bloquer, sans passer par l’Arcom.
Les adresses IP dans le viseur
Surtout, les critères adoptés dans la proposition de loi ouvrent la voie à des blocages plus larges, via les adresses IP. D’après l’Informé, l’Association pour la Protection des Programmes Sportifs (APPS) aurait déjà trouvé un accord de blocage par IP avec les principaux FAI français – une procédure jamais mise en place en France à l’heure actuelle.
Si elle refuse de commenter ce sujet, l’APPS indique, comme la Ligue de football professionnel (LFP), vouloir se « mettre à niveau des Anglais, des Espagnols ou encore des Italiens ». La seconde souligne à l’Informé que l’Angleterre bloque « jusqu’à 10 000 adresses IP chaque week-end pour protéger la Premier League », alors que l’Arcom « a bloqué 3 797 noms de domaines en 2024 ».
Le risque, constaté en Espagne fin 2024 ou encore en Autriche en août 2022, est que ces pratiques entraînent la suspension d’autres services que les seuls sites pirates. Si le blocage décidé en justice vise un serveur mutualiste, ou que les informations transmises sont erronées, des sites légitimes pourraient en effet se retrouver hors ligne. Auprès de l’Informé, le délégué général de l’APPS assure que « tout sera mis en place » pour éviter les « risques de surblocage ».
Procédure accélérée
Le texte, qualifié d’ « urgent » par son rédacteur Laurent Lafon, face à la « crise de confiance » et « des conflits d’intérêts voire des dérives » dans le monde du football, doit désormais passer devant l’Assemblée Nationale. Le Monde précise que l’exécutif a activé la « procédure accélérée » de son examen.
Sur la question de la lutte contre le piratage, le bureau du sénateur Lafon envisage un système d’information déployé et contrôlé par l’Arcom – une piste encore en discussion.
Auteur : Mathilde Saliou
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