Cyberéthique et libertés numériques

Toujours plus de chiffrement

Proton lance son assistant IA Lumo et déménage ses installations en Allemagne

Proton vient de lancer son tout premier assistant IA. Nommé Lumo, il veut faire la différence sur le terrain de la confidentialité et de la vie privée. La société suisse va également investir 100 millions d’euros pour ses activités d’intelligence artificielle. Le projet sera développé en Allemagne plutôt qu’en Suisse, un choix politique.

Sans trop de surprise, la position de Proton (entreprise dont l’actionnaire majoritaire est maintenant la fondation du même nom) sur l’IA est composite : « L’intelligence artificielle a le pouvoir de relever les défis de l’humanité, petits et grands, de la planification de réunions à la modélisation de molécules. Mais pour améliorer véritablement notre façon de vivre et de travailler, nous avons besoin d’un assistant IA construit de manière responsable, en donnant la priorité aux personnes et à la protection de la vie privée ».

Le nouvel assistant, Lumo, doit répondre à cette dualité : « les avantages de l’IA sont trop importants pour être négligés et que les risques sont trop graves pour être ignorés ». Proton affiche ses certitudes sur l’IA, qui est là pour rester, « que cela nous plaise ou non ».

Il est disponible dès à présent en version web, ainsi qu’à travers des applications mobiles dédiées pour Android et iOS. On peut l’utiliser sans compte Proton, mais connecter son compte déverrouille des fonctions supplémentaires.

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Cap sur la vie privée

Proton précise d’emblée que sa technologie est alimentée par des modèles open source et qu’elle n’utilise pas les données des utilisateurs. Le contraire aurait été étonnant : les données en question sont protégées par le chiffrement de bout en bout, la société suisse n’ayant accès qu’à certaines métadonnées. Lumo est constitué de plusieurs modèles, la requête étant acheminée vers le plus adapté, selon Proton.

Consciente qu’elle arrive bien après les grands ténors américains armés de dizaines de milliards de dollars, la société suisse met l’accent sur l’Europe. « Lumo est basé sur des modèles linguistiques open-source et fonctionne à partir des centres de données européens de Proton. Vous bénéficiez ainsi d’une plus grande transparence sur le fonctionnement de Lumo que sur celui de tout autre assistant d’IA majeur. Contrairement à Apple Intelligence et à d’autres, Lumo n’est pas un partenariat avec OpenAI ou d’autres sociétés d’IA américaines ou chinoises, et vos requêtes ne sont jamais envoyées à des tiers », déclare ainsi Proton. La comparaison avec Apple est cependant assez hasardeuse : la firme a bien un partenariat avec OpenAI, mais il ne constitue pas le cœur de son infrastructure, axée sur la vie privée elle aussi.

Proton donne plusieurs points forts pour différencier son offre. Lumo ne crée ainsi pas de journaux pour sauvegarder tous les échanges. On retrouve le classique chiffrement de bout en bout et en accès zéro disponible sur les autres produits de l’éditeur, la promesse de ne jamais partager de données avec des tiers (la société indique d’ailleurs ne pas en avoir à cause de son architecture), ou encore un siège européen lui garantissant une imperméabilité à la « juridiction américaine ».

Proton dans la course

Ce n’est pas la première fois que Proton se lance dans l’IA. L’année dernière, l’entreprise a lancé un assistant d’écriture pour son service Mail. Lumo est cependant la première tentative de chatbot complet à usage général. On peut lui demander d’effectuer des recherches sur le web, de résumer des documents et autres fonctions aujourd’hui classiques. Si l’on connecte son compte Proton Drive, on peut également poser des questions sur les fichiers stockés. On peut aussi envoyer des fichiers manuellement à Lumo.

La question se pose de ses performances et de ses évolutions. Contrairement à des sociétés comme OpenAI, Anthropic, Meta ou Google, Proton n’est pas assise sur un immense trésor de données. Des sommes très importantes sont investies dans l’acquisition de données, alors que Proton ne peut utiliser celles de ses clients. Une partie de la réponse se trouve dans la présentation de Lumo : « Lumo peut rechercher sur le web des informations nouvelles ou récentes pour compléter ses connaissances existantes ».

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Proton met surtout en avant la vie privée. Crédits : Proton

Il ne faut pas attendre Lumo comme un concurrent de ChatGPT ou de Claude, mais comme un assistant conçu pour la galaxie des services maison. Proton met d’ailleurs surtout en avant son respect de la vie privée, notamment avec le mode Fantôme, qui permet de ne pas enregistrer l’échange dans l’historique. Ce dernier est quoi qu’il en soit chiffré de bout en bout. Noter que cet historique n’est sauvegardé que si un compte Proton est connecté.

Comme de nombreux assistants, Lumo repose sur un modèle freemium : son utilisation basique est gratuite, mais limitée en requêtes et en fonctions. Pour déverrouiller le reste, il faudra passer par un abonnement Lumo Plus proposé à partir de 12,99 euros par mois, avec une promotion en cours à 9,99 euros. La formule autorise un nombre illimité de requêtes, la recherche sur le web, un nombre illimité de favoris, l’envoi et les requêtes sur de multiples fichiers volumineux, un accès à des modèles plus avancés et une assistance prioritaire. L’abonnement n’est pas intégré dans l’offre Unlimited.

Déménagement militant

En marge de son annonce, Proton annonce également avoir déménagé ses installations en Allemagne : « En raison de l’incertitude juridique entourant les propositions du gouvernement suisse d’introduire une surveillance de masse – propositions qui ont été interdites dans l’UE – Proton déménage la majeure partie de son infrastructure physique hors de Suisse. Lumo sera le premier produit à être transféré ». Un transfert politique, pour protester contre ce que l’entreprise juge comme une dérive.

Selon Le Temps, Proton investira également jusqu’à un milliard de francs suisses (1,07 milliard d’euros) en Allemagne et en Norvège afin de développer et renforcer ses infrastructures, notamment pour Lumo. Plus précisément, 100 millions seront investis très prochainement, les 900 millions restants devant être injectés avant 2030. « J’aimerais pouvoir réinvestir les 900 millions restants ici, à Genève. Le canton nous soutient fermement. Le problème est au niveau fédéral, à Berne », a déclaré Andy Yen, CEO de Proton, au journal.

Proton réaffirme également son désir d’investir dans une Europe numérique souveraine.

Auteur : Vincent Hermann

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Artia13

Bonjour ! Je m'appelle Cédric, auteur et éditeur basé à Arles. J'écris et publie des ouvrages sur la désinformation, la sécurité numérique et les enjeux sociétaux, mais aussi des romans d'aventure qui invitent à l'évasion et à la réflexion. Mon objectif : informer, captiver et éveiller les consciences à travers mes écrits.