Environnement et technologies durables

Réduction des déchets : à Paris, un marché expérimente la consigne

Paris, marché de La Chapelle, reportage

Emporter son repas dans un récipient en verre plutôt que dans les traditionnels emballages jetables, c’est possible au marché de La Chapelle (dit aussi de l’Olive), dans le 18ᵉ arrondissement de Paris. Un système de consigne a été inauguré en décembre. Il s’agit du premier marché en France à le faire, pour une expérimentation d’un an.

« Il y a plusieurs tailles de récipients proposées. Le plus petit est à 3 euros, le plus grand à 5 euros », dit Fabienne, charcutière-traiteuse au marché. Derrière son comptoir, elle montre les différents récipients hermétiques : des boîtes en verre rectangulaires et des bols noirs en plastique.


Le marché de La Chapelle est le premier de France à tester ce dispositif. Ce dernier intéresse plus les traiteurs que les marchands de fruits et légumes, dont le volume n’est guère compatible avec la taille des boites utilisées.
© NnoMan Cadoret / Reporterre

Une fois leur repas terminé, les clients viennent déposer le contenant à la borne, sans avoir à le laver. « C’est un système 100 % autonome pour moderniser et simplifier le retour de la consigne », dit Yasmine Dahmane, cofondatrice de Bibak, l’entreprise qui fournit la borne. En échange, les clients reçoivent un bon d’achat pour un nouveau récipient où sont directement remboursés sur leur compte bancaire.

Cette expérimentation a été lancée par l’association de réinsertion Villette Emploi, avec l’aide logistique et financière de la mairie de Paris. La marque Oeco, créée par Villette Emploi, loue les contenants et s’occupe de les laver. Une fois par semaine, une personne employée par l’association vient récupérer en vélo cargo les boîtes et en distribuer de nouvelles aux commerçants.


La borne noire de retour des consignes est jugée trop peu visible par certains, ce qui n’aide pas à faire connaître le dispositif.
© NnoMan Cadoret / Reporterre

Un dispositif simple, dont les huit commerçants qui participent au projet — sur la quinzaine que compte le marché — sont satisfaits. Pour l’instant, la majorité des frais sont pris en charge par le gestionnaire du marché, EGS. Myali, traiteur marocain, a déjà remarqué « une baisse de 20 % » sur sa facture car il n’a plus besoin d’acheter autant de contenants plastiques. « C’est bien pour la planète, pour nos enfants », dit-il.

« Le plastique est encore trop dans les habitudes »

Pourtant, à l’heure de la pause méridienne, la halle du marché de l’Olive se remplit des travailleurs du quartier venus chercher leur repas… dans des barquettes en plastique. Le constat est le même chez tous les commerçants qui ont adhéré au système de consigne : les clients peinent à adopter cette pratique.

Face à ce manque de réceptivité, Myali préfère ne pas proposer le récipient réutilisable à tous ses clients « pour ne pas les froisser ou les agresser » mais uniquement « aux habitués et ceux avec qui la communication est bonne ». Un autre traiteur confie « avoir l’impression de faire la manche » quand il suggère la consigne. « Le plastique est encore trop dans les habitudes », regrette Myali.


Myali, traiteur marocain, propose les boites consignées, bonnes «  pour la planète, pour nos enfants  », mais constate que le plastique domine encore.
© NnoMan Cadoret / Reporterre

Au marché de La Chapelle, les clients du jour de Mohammed, traiteur italien, déclinent le récipient consigné. Audrey, qui travaille à côté et vient souvent à midi, préfère la barquette en plastique, car « c’est moins cher ». Pour Fabienne, charcutière-traiteuse, le coût est un frein majeur. Même si le client récupère l’argent investi, il doit au début débourser une somme de sa poche.

Le dispositif peine aussi à se faire connaître, même parmi les habitués. « C’est la première fois que j’en entends parler », dit Audrey. Idem pour Diane, étudiante et déjà adepte de la consigne pour faire ses courses. Elle va d’ailleurs désormais utiliser les contenants réutilisables et se réjouit de cette « bonne idée ».


Débutée en décembre 2024, l’expérimentation est encore loin d’être connue par tous les clients du marché.
© NnoMan Cadoret / Reporterre

Selon le traiteur Mohammed, « la communication n’a pas été assez importante ». Sous la halle, la borne noire qui récupère les contenants ne se remarque pas. Située à côté d’une entrée, elle n’est pas mise en avant. Seuls quelques kakemonos peu visuels expliquent qu’un système de réemploi des emballages est mis en place dans ce lieu. Les boîtes réutilisables sont posées en évidence chez quelques traiteurs, mais sans plus d’indications.

300 contenants consignés en 5 mois

« Certains préfèrent amener leur propre boîte », dit Mohammed. Ou reviennent avec un récipient du marché, lavé chez eux. Impossible alors de les tracer. Selon Théodore Rosenzweig, chargé de l’économie circulaire chez Oeco, environ 300 contenants ont été consignés depuis décembre. Le retour à la borne n’est pas encore acquis par les utilisateurs.


D’après Mohamed, traiteur sur le marché, «  la communication n’a pas été assez importante  ».
© NnoMan Cadoret / Reporterre

Instauré depuis cinq mois, le dispositif en est à ses débuts. Face au faible engouement des clients, Florentin Letissier, adjoint à la mairie de Paris en charge de l’économie circulaire et de la contribution à la stratégie zéro déchet, se veut rassurant : « Pour changer les habitudes des gens, surtout en matière d’écologie, ça ne se fait pas directement et ça peut prendre beaucoup de temps. »

Plusieurs réunions sont prévues pour recueillir les retours des commerçants et réfléchi au modèle économique du dispositif. Au terme de l’expérimentation d’un an, en décembre prochain, le système de consigne pourrait être pérennisé sur le marché de La Chapelle. Fabienne et Myali l’espèrent. Leur engagement est un signe encourageant pour le dispositif, car les commerçants proposant les récipients consignés lui permettent d’exister. Florentin Letissier aimerait que le marché de l’Olive ait « un effet d’entraînement » pour développer la consigne dans d’autres marchés parisiens.




Notre reportage en images :


Auteur : Annabel Martinez-Canavy, NnoMan Cadoret

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Artia13

Bonjour ! Je m'appelle Cédric, auteur et éditeur basé à Arles. J'écris et publie des ouvrages sur la désinformation, la sécurité numérique et les enjeux sociétaux, mais aussi des romans d'aventure qui invitent à l'évasion et à la réflexion. Mon objectif : informer, captiver et éveiller les consciences à travers mes écrits.

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