Décryptage technologique

Séparation parentale : quelles conséquences sur le temps passé avec les enfants ?

Une séparation parentale peut entraîner un choc économique, elle implique également une recomposition des temps partagés avec le père et avec la mère. Quels sont les mécanismes à l’œuvre et les effets observés ?


Les séparations, que les parents soient mariés ou en concubinage, sont de plus en plus fréquentes. En 2020, on estime ainsi que près de quatre millions d’enfants mineurs ont des parents séparés.

En France, les recherches font état d’un effet négatif de la séparation parentale sur la réussite scolaire des enfants, qu’elle soit mesurée par le nombre d’années d’étude ou le rendement scolaire, défini comme le salaire moyen pour un diplôme donné. Cet effet est moins marqué pour les enfants dont la séparation a lieu lorsqu’ils ont 7-9 ans ou 16-18 ans, mais plus marqué pour ceux qui avaient moins de 6 ans ou 10-15 ans au moment de la séparation, ces derniers font en moyenne des études plus courtes d’un semestre (par rapport à ceux dont les parents ne se sont pas séparés).

Ces effets sont cependant moins marqués lorsque l’on considère la réussite professionnelle, mesurée comme le revenu moyen associé à une profession et un niveau d’éducation. Seuls les enfants dont les parents se sont séparés à 4-6 ans ou à 10-12 ans demeurent affectés.

Des pertes économiques

Plusieurs mécanismes sont susceptibles d’expliquer les effets négatifs de la séparation sur les résultats scolaires. Si beaucoup pensent aux conséquences psychologiques de la séparation sur les enfants, elles demeurent incertaines et sont difficiles à quantifier pour les chercheurs en sciences sociales. Une rupture familiale peut entraîner un choc psychologique mais elle peut aussi libérer l’enfant (et ses parents) d’une situation conflictuelle.

Un deuxième mécanisme possible et bien plus étudié par les économistes tient aux pertes économiques engendrées par la séparation. Lors de la séparation, le couple perd les « complémentarités de consommation », c’est-à-dire la possibilité de mutualiser des dépenses (logement, électroménager, voiture). Ces pertes économiques sont en moyenne plus fortes chez les femmes, et notamment chez celles qui appartenaient à des couples spécialisés et dont l’ex-conjoint gagnait une part plus importante du revenu du ménage.

Un troisième mécanisme moins étudié tient à une possible baisse du temps que les enfants passent avec leurs parents. À la suite de la séparation de leurs parents, les enfants risquent de passer moins de temps avec ces derniers, notamment le parent avec lequel ils ne vivent plus. De plus, les parents perdent ce que les économistes appellent les « complémentarités de production » qui permettent de gagner du temps. Par exemple, le temps passé à cuisiner pour deux ne prend pas deux fois plus de temps que de cuisiner pour une personne. Ainsi, le temps de production de ce bien domestique augmente de manière moins que proportionnelle avec le nombre de personnes pouvant en bénéficier.




À lire aussi :
Divorce : comment les enfants gèrent-ils la vie en garde alternée ?


On estime ainsi que, pour avoir le même niveau de bien-être, deux célibataires vivant seuls ont besoin de deux heures quinze de plus que s’ils vivaient en couple. Les parents séparés n’échappent pas à cette règle et sont donc susceptibles d’être davantage contraints par le temps accordé aux tâches domestiques (repas, ménage) que lorsqu’ils étaient en couple. Par ailleurs, certains parents pourraient préférer passer du temps à deux avec leur enfant que seuls avec leur enfant. La séparation diminuerait ainsi le temps que chacun des parents passe avec l’enfant.

Enfin, il est possible que, pour faire face au choc économique que représente la séparation, les parents soient obligés d’augmenter le temps passé dans la sphère du travail, au détriment du temps passé avec leur enfant.

Des emplois du temps recomposés

Aux États-Unis, un enfant qui vit seul avec sa mère voit son temps passé avec au moins un parent présent baisser de trois heures et demie par semaine. Cette baisse concerne plusieurs types d’activité : tâches ménagères, besoins personnels, activités éducatives, tandis que le temps de loisirs n’est pas affecté. En revanche, lorsque l’on considère le temps passé dans une activité à laquelle le parent participe, on n’observe pas de baisse du temps parental, hormis pour le temps passé dans les tâches ménagères. L’enfant ne change pas non plus le temps qu’il passe dans chacune de ses activités.

Lorsque l’on regarde plus précisément la décomposition du temps parental entre le temps passé avec la mère seule, le père seul et les deux parents ensemble, il apparaît que, suite à la séparation, dans les familles où l’enfant vit seul avec sa mère, celle-ci augmente le temps qu’elle passe seule avec l’enfant mais n’arrive pas à compenser la double perte du temps passé avec le père seul et les deux parents. Les résultats sont cohérents avec la perte des complémentarités de production, puisque le temps que les mères passent dans les tâches ménagères augmente après la séparation. En revanche, elles tendent à diminuer le temps qu’elles passent au travail.


Du lundi au vendredi + le dimanche, recevez gratuitement les analyses et décryptages de nos experts pour un autre regard sur l’actualité. Abonnez-vous dès aujourd’hui !


Les enfants plus jeunes sont moins affectés par la baisse du temps parental, ce qui est cohérent avec de possibles mécanismes de compensation de la part des mères qui tendent à rogner sur d’autres activités (sommeil ou loisirs), ne voulant pas ou ne pouvant pas diminuer le temps qu’elles passent avec leurs jeunes enfants.

La baisse du temps parental est à nuancer au regard de l’implication d’autres personnes de l’entourage.

Tout d’abord, les résultats cités plus haut se concentrent sur le temps passé avec le parent seul, en l’absence d’autre adulte. Le temps parental défini comme le temps passé avec au moins un parent présent, éventuellement en présence d’un autre adulte, n’est pas affecté par la séparation. Ainsi, les mères de familles monoparentales tendent à s’entourer d’autres personnes lorsqu’elles passent du temps avec leur enfant.

De plus, le temps que l’enfant passe avec au moins un adulte n’est pas affecté par la séparation, les grands-parents peuvent jouer ici un rôle important, puisque le temps que l’enfant passe seul avec l’un de ses grands-parents augmente après la séparation.

Séparation parentale : quelles conséquences sur le temps passé avec les enfants ?

Hélène Le Forner a reçu des financements de Rennes Métropole et de l'Institut du Genre.

Auteur : Hélène Le Forner, Enseignante-chercheuse en économie de la famille , Université de Rennes

Aller à la source

Artia13

Bonjour ! Je m'appelle Cédric, auteur et éditeur basé à Arles. J'écris et publie des ouvrages sur la désinformation, la sécurité numérique et les enjeux sociétaux, mais aussi des romans d'aventure qui invitent à l'évasion et à la réflexion. Mon objectif : informer, captiver et éveiller les consciences à travers mes écrits.

Artia13 has 3311 posts and counting. See all posts by Artia13