Shein attaquée de toutes parts
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Shein vient de se prendre de plein fouet les conclusions de la Commission européenne ; elle a maintenant un mois pour répondre aux accusations et prendre des engagements. Pendant ce temps, deux associations demandent à la HATVP d’enquêter sur Shein, et plus précisément sur le rôle de Christophe Castaner, Nicole Guedj et Bernard Spitz.
De 2022 à 2025 : déjà trois ans d’enquête sur Shein
La boutique chinoise de vêtements à bas prix Shein est dans le viseur des autorités françaises et européennes depuis bien longtemps. À l’autonome 2022, Bruno Le Maire, alors ministre de l’Économie, saisissait la DGCCRF de ce dossier et lui demandait d’enquêter sur les dérives de la fast fashion, et en particulier Shein.
Début 2024, Shein était classé comme une très grande plateforme par la Commission européenne, au titre du DSA (règlement européen sur les services numériques). Début 2025, l’Europe ouvrait officiellement une enquête contre Shein, qu’elle soupçonne de ne pas respecter le droit européen sur la protection des consommateurs.
Fin avril, le gouvernement français tirait un triste bilan des produits non conformes qui inondent notre pays (il est question de centaines de millions d’articles) et dévoilait son plan d’attaque contre les plateformes chinoises, dont Shein évidemment.
Il était alors question de rapidement « mettre fin au niveau européen à l’exemption de droits de douane des colis de moins de 150 euros ». L’Europe a rapidement suivi avec l’idée de taxer les milliards de petits colis venus de Chine, comme l’expliquait le commissaire européen au Commerce, Maroš Šefčovič : 2 euros pour un colis vers un client final et 0,5 euro vers un lieu de distribution intermédiaire comme un entrepôt afin d’y être stocké avant sa mise en vente.
L’Europe passe à l’offensive, Shein à un mois pour répondre
Hier, la Commission européenne et le réseau de coopération en matière de protection des consommateurs (CPC) ont passé la seconde : ils demandent « instamment à Shein de respecter la législation de l’UE ». En effet, ils ont notifié à Shein « un certain nombre de pratiques sur sa plateforme qui enfreignent le droit de la consommation de l’UE ».
Leur enquête (lancée début 2025) portait sur « un large éventail de pratiques auxquelles les consommateurs sont confrontés […] et qui sont contraires à la législation de l’UE » : fausses remises, ventes sous pression (fausses dates limites d’achats par exemple), informations manquantes, incorrectes et trompeuses, promesses trompeuses sur la durabilité, coordonnées de contacts cachées (les consommateurs ne peuvent pas facilement contacter Shein pour des questions ou des plaintes)… n’en jetez plus !
Shein dispose maintenant d’un mois pour répondre à la Commission européenne et, le cas échéant, proposer des engagements. Suivant la réponse de la plateforme chinoise, les autorités nationales pourront prendre des mesures coercitives (y compris des amendes) ou engager le dialogue.
HATVP, Castaner et Shein sont dans un bateau…
Ce n’est pas tout, comme le rapporte Le Monde. Deux associations – Les Amis de la Terre France et l’Observatoire des multinationales – « ont signalé à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique de possibles irrégularités dans les déclarations de lobbying du géant chinois de la mode en ligne ». Le signalement est disponible par ici.

Se pose aussi (et surtout) la question du rôle de Christophe Castaner, ex-ministre de l’Intérieur et désormais conseiller de Shein sur la responsabilité sociale et environnementale (RSE) depuis décembre 2024. Il est aux côtés de Nicole Guedj (ancienne secrétaire d’État) et Bernard Spitz (ancien dirigeant du Medef) dans un comité ad-hoc, comme le rapportait La Lettre fin 2024.
Selon nos confrères du Monde, cette mise en cause de Shein est « loin d’être anodine ». La plateforme est soupçonnée d’être intervenue « pour influencer la loi selon ses intérêts, voire ralentir son passage au Sénat, après son adoption à l’unanimité à l’Assemblée nationale, il y a plus d’un an ».
Dans leur missive, les deux associations recommandent à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique « de faire usage de son droit de contrôle pour vérifier que MM. Castaner et Spitz et Mme Guedj n’ont pas effectué d’activité de représentation d’intérêt pour le compte de Shein, et que la déclaration d’activités de représentation d’intérêts de Villanelle Conseil est complète et sincère ».
Les associations rappellent que Christophe Castaner « a précisé en réponse aux questions de médias qu’il était embauché par Shein via sa société Villanelle Conseil », qui se présente sur LinkedIn comme un « Cabinet spécialisé en conseil en affaires publiques, affaires gouvernementales et relations institutionnelles ».
Elles ajoutent que ce dernier, qui s’est inscrit au répertoire de la HATVP en mars 2024, « n’a pas déclaré les moyens relatifs à ses activités de représentation d’intérêt, ni pour l’année 2023, ni pour l’année 2024 », ni que Shein figurerait au nombre de ses clients.
Auteur : Sébastien Gavois
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