Sidérant, un nouveau type d’explosion cosmique bat tout les records en libérant jusqu’à l’énergie de 100 Soleils
C’est au cours des années 1930 que l’on a compris scientifiquement que l’Univers pouvait être particulièrement violent cosmiquement. On le savait bien sûr sur Terre avec les éruptions volcaniqueséruptions volcaniques, les séismesséismes destructeurs, les tsunamistsunamis et les cyclonescyclones. Mais les explosions de supernovaesupernovae sont incomparablement plus puissantes, comme l’avaient donc compris Baade et Zwicky.
Au cours de ces mêmes années, Oppenheimer et ses étudiants allaient aussi poser les bases de la théorie des étoiles à neutrons et des trous noirs. On comprendra des années 1970 aux années 1980 comment tous ces phénomènes peuvent en fait être reliés.
Les trous noirs stellaires et les étoiles à neutrons se forment à l’occasion de certaines explosions de supernovae. Mais comme l’ont montré dès les années 1980 Brandon Carter et Jean-Pierre Luminet, il existe des événements également particulièrement violents lorsqu’une étoile se rapproche trop près d’un trou noir supermassif, l’un de ces ogres galactiques contenant des millions, voire des milliards de masses solaires. Il s’agit de Tidal Disruption Event (TDE), c’est-à-dire la destruction d’une étoile par les forces de maréeforces de marée d’un de ces trous noirs. Au cours des dernières décennies, la noosphère en a détecté plusieurs, comme le montrent plusieurs articles que Futura a déjà consacrés à ces catastrophes cosmiques.
Une nouvelle classe d’événements nucléaires transitoires extrêmes a été découverte grâce à la mission Gaia de l’Agence spatiale européenne et à l’installation Zwicky Transient Facility. Ces événements ont été suivis par des observatoires du monde entier. Cette vue d’artiste, réalisée par l’observatoire Keck, montre une étoile massive déchirée par un trou noir supermassif. Ce phénomène serait à l’origine des événements nucléaires transitoires extrêmes. Ces événements sont actuellement les plus explosifs connus dans l’Univers (après le Big Bang). © ESA, Gaia Mission
Une énergie 25 fois supérieure à celle des supernovae les plus énergétiques connues
Comme le montre un article, publié dans Science Advances, que l’on doit à une équipe d’astronomesastronomes essentiellement états-uniens, des données prises à l’observatoire W. M. Keck de Maunakea, sur l’île d’Hawaï, ont permis la découverte des explosions cosmiques les plus énergétiques jamais observées. Il s’agit de variantes des TDE baptisées des « extreme nuclear transients » (ENT en anglais) pour « transitoires nucléaires extrêmes » en français. Ils se produisent lorsque des étoiles massives – au moins trois fois plus lourdes que notre SoleilSoleil – se désintègrent après avoir erré trop près d’un trou noir supermassif.
« Nous observons des étoiles se désintégrer lors d’événements de perturbation par effet de marée depuis plus de dix ans, mais ces ENT sont des phénomènes différents, atteignant des luminositésluminosités près de dix fois supérieures à celles que nous observons habituellement », déclare l’astronome Jason Hinkle dans un communiqué de l’observatoire W. M. Keck, qui explique que non seulement ces phénomènes sont bien plus brillants que les TDE classiques, mais ils restent lumineux pendant des années, dépassant de loin l’énergieénergie dégagée par les explosions de supernovae les plus brillantes connues.
Qu’on en juge : alors que les supernovae classiques émettent autant d’énergie que le Soleil au cours de ses 10 milliards d’années d’existence, les ENT peuvent libérer jusqu’à l’énergie de 100 Soleils, et l’ENT le plus énergétique étudié, nommé Gaia18cdj, a émis une énergie 25 fois supérieure à celle des supernovae les plus énergétiques connues, peut-on lire dans le communiqué de l’observatoire W. M. Keck .
Les ENT sont cependant particulièrement rares car ils se produisent au moins dix millions de fois moins fréquemment que les supernovae, ce qui rend leur détection difficile et dépend d’une surveillance continue du cosmoscosmos scrutant un large volumevolume de galaxiesgalaxies dont beaucoup sont à des milliards d’années-lumièreannées-lumière de notre Voie lactéeVoie lactée. C’est pourquoi leur étude sera grandement facilitée par de futurs observatoires comme l’observatoire Vera C. Rubin et le télescope spatialtélescope spatial Nancy Grace Roman de la NasaNasa.
Les premiers ENT découverts l’ont été en 2016 et 2018 et, paradoxalement, par la mission GaiaGaia de l’Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne, puis par les instruments du Zwicky Transient Facility (ZTF). Ayant identifié quelques caractéristiques des ENT, les astronomes ont alors consulté les archives des données de l’Observatoire KeckObservatoire Keck (KOA) concernant ce dernier événement observé en 2020 pour vérifier qu’il s’agissait bien là encore d’un ENT, ce qui leur permet donc aujourd’hui de définir et d’avancer l’existence des ENT justement, ce qui a été confirmé par d’autres télescopes terrestres.
L’événement nucléaire transitoire extrême de la vidéo précédente, mais sous un nouvel angle. © ESA Gaia Mission
Une clé de la croissance des plus grands trous noirs de l’Univers
Avec les ENT, nous ne sommes pas seulement en présence initialement d’une explosion puissante, mais il faut tenir compte par la suite des émissionsémissions de rayonnement associées à la matièrematière libérée par l’explosion et qui subit un long processus régulier d’accrétionaccrétion par un trou noir supermassif, ce qui produit son échauffement. Les TDE présentent, eux, des variations de luminosité irrégulières et imprévisibles.
Toujours dans le communiqué du Keck, Benjamin Shappee, professeur à l’Institute for Astronomy at the University of Hawaii, ajoute : « Les ENT constituent un nouvel outil précieux pour l’étude des trous noirs massifs dans les galaxies lointaines. Grâce à leur brillance, nous pouvons les observer à de vastes distances cosmiques ; et en astronomie, observer au loin revient à remonter dans le temps. L’observation de ces éruptions prolongées nous permet de mieux comprendre la croissance des trous noirs pendant une période clé appelée « midi cosmique », lorsque l’Univers avait la moitié de son âge actuel et que les galaxies se développaient, formant des étoiles et alimentant leurs trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs dix fois plus intensément qu’aujourd’hui ».
« Ces ENT ne marquent pas seulement la fin dramatique d’une étoile massive. Ils éclairent les processus responsables de la croissance des plus grands trous noirs de l’Univers », conclut Hinkle.
Le saviez-vous ?
Voici l’histoire d’une saga qui avait commencé au début des années 1930, avec la découverte du neutron et le début des conceptions modernes sur les novae et les supernovae que l’on doit aux astrophysiciens Walter Baade et Fritz Zwicky.
Les deux hommes avaient en effet pris conscience qu’il fallait introduire en astronomie une nouvelle catégorie de novae, ces étoiles transitoires très brillantes apparaissant une seule fois dans le ciel pour ensuite disparaître à jamais et dont certaines ont été observées par les bâtisseurs du ciel qu’étaient Tycho Brahe et Johannes Kepler pour qui il s’agissait d’étoiles nouvelles (novae, en latin).
Le nom qu’ils proposent alors va faire fortune : supernovae.
En compagnie de Rudolph Minkowski, astronome et neveu du célèbre mathématicien Hermann Minkowski, Walter Baade se rend compte que ces supernovae (SN) peuvent également être séparées en deux types, en fonction de leurs raies spectrales et des caractéristiques des courbes de lumière montrant l’évolution dans le temps de leur luminosité. D’autres divisions s’ajouteront, mais ces travaux sont à l’origine de la classification moderne avec des SN II et les SN Ia.
Walter Baade et Fritz Zwicky comprennent surtout que certaines supernovae sont des explosions gigantesques accompagnant l’effondrement gravitationnel d’étoiles qui vont devenir des étoiles à neutrons. L’idée est simple, en s’effondrant, la matière est comprimée au point de forcer bon nombre des électrons des atomes à se combiner avec les protons des noyaux, la réaction donnant des neutrons et des émissions de neutrinos très énergétiques. Si l’effondrement ne se poursuit pas en donnant un trou noir, ce qui reste de l’étoile occupe alors un volume sphérique de quelques dizaines de kilomètres de diamètre tout en contenant une masse de l’ordre de celle du Soleil, avec une surface contenant peut-être beaucoup de fer conducteur et très certainement des ions avec des électrons libres.
En 1967, quand Jocelyn Bell fait la découverte de pulsation périodique étrange dans le domaine radio, alors qu’elle est en thèse avec Antony Hewish – qui obtiendra le prix Nobel en 1974 à sa place pour cette découverte –, la chercheuse est bien loin d’avoir à l’esprit qu’elle vient de découvrir la preuve de l’existence des étoiles à neutrons. Mais très rapidement, les astrophysiciens Franco Pacini et Thomas Gold, eux, vont faire le lien et poser les bases qui conduiront tout aussi rapidement à proposer des modèles pour expliquer le rayonnement radio de ce que nous appelons depuis « les pulsars ».
Trou noir ou étoile à neutrons ? Une question de masse
De nos jours, ces scénarios ont été complétés par des observations de multiples étoiles à neutrons et de candidat au titre de trous noirs stellaires depuis environ 50 ans.
On considère généralement qu’il faut une étoile d’au moins 8 à 10 masses solaires qui épuise son carburant thermonucléaire en quelques millions d’années. L’étoile s’effondre alors et donne une supernova de type II, associée à des cadavres stellaires. On pense que lorsque l’étoile génitrice de la SN II est en dessous de quelques dizaines de masses solaires, elle va surtout donner des étoiles à neutrons, mais au-dessus de 30 masses solaires, il sera nettement plus fréquent que l’effondrement se produise au point de former un trou noir d’une dizaine de masses solaires tout au plus.
Attention toutefois, si l’on veut être rigoureux… Les supernovae de type Ia ont donc une courbe de lumière et un spectre caractéristique et proviennent de l’explosion complètement destructrice d’une ou deux naines blanches, ne laissant aucun cadavre stellaire. Mais quand on a voulu affiner la classification des supernovae, celle de type I a donné naissance aux types Ib et Ic, qui elles sont aussi causées par un effondrement gravitationnel d’une étoile massive ayant épuisé son carburant thermonucléaire et ne produisant donc plus dans son cœur la libération d’un flot de photons s’opposant à l’effondrement. Une Ic est plus spécifiquement le produit d’une étoile massive ayant éjecté avant sa mort ses couches d’hydrogène et en partie d’hélium externe.
Auteur : Laurent Sacco, Journaliste scientifique
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