Smartphones, tablettes : l’étiquette énergie et l’écoconception entrent en application
Le smartphone, un micro-onde comme les autres
Aujourd’hui, deux importants règlements européens entrent en application. L’étiquette énergétique fait ainsi officiellement son entrée pour les smartphones et les tablettes. En outre, les fabricants ont désormais plusieurs nouvelles obligations, notamment sur les pièces détachées et les mises à jour des systèmes d’exploitation.
Beaucoup les attendaient, ils sont enfin là : les règlements UE 2023/1669 (Energy Labelling) et UE 2023/1670 (Ecodesign) entrent en application aujourd’hui. À la clé, une série d’obligations pour les fabricants de smartphones et de tablettes. Rappelons qu’un règlement, comme le RGPD, s’applique de manière uniforme sans nécessiter de transposition, contrairement aux directives. Ils peuvent cependant donner lieu à des interprétations différentes selon les pays membres de l’Union.
Le premier règlement est le plus visible dans ses conséquences : tous les smartphones et tablettes commercialisés doivent désormais être accompagnés d’une étiquette énergétique. Il y a des exceptions : les produits d’occasion ne sont pas concernés, pas plus que les smartphones disposant d’écrans flexibles et ceux conçus « pour la communication de haute sécurité ».
L’étiquette reprend le même modèle que pour l’électroménager, avec une note allant de A, pour les appareils les plus vertueux, à G pour les moins efficaces. Ces étiquettes s’accompagnent cependant de plusieurs autres informations importantes.
La nouvelle étiquette énergie
Que trouve-t-on sur cette étiquette ? Déjà, la classe énergétique, qui reflète le ratio entre la capacité de la batterie et son autonomie estimée. En haut à droite de la fiche, un code QR renvoie vers la fiche du produit dans la base de données européenne Eprel (European Product Registry for Energy Labelling). Une information que remet en avant le ministère de la Transition écologique dans son communiqué.


Sous l’échelle colorée, on trouve l’autonomie estimée de l’appareil. Celle-ci est basée sur une utilisation jugée standard, mêlant de la navigation web, des appels téléphoniques, des jeux, des transferts de données ainsi que des périodes de veille. Le cycle est répété jusqu’à épuisement de la batterie et extinction de l’appareil.
Viennent ensuite quatre pictogrammes disposés en carré. En haut à gauche se trouve la note de résistance aux chutes. Pour obtenir la note maximale, comme on peut le voir en Annexe II du règlement, un smartphone doit résister à un minimum de 270 chutes d’une hauteur de 1 m. Les modèles repliables (mais sans écran flexible) ont des exigences moindres : 210 chutes quand ils sont fermés, 45 quand ils sont ouverts. Les tablettes doivent résister au moins à 208 chutes, avec une différence là aussi pour les modèles pliables : 182 pour une tablette repliée, 20 quand elle est ouverte.

À sa droite se situe la note de réparabilité, également donnée via une lettre, toujours avec la même échelle. Elle prend en compte des critères comme la documentation et l’accès aux pièces détachées. En bas à gauche, on peut voir le nombre de cycles que la batterie peut endurer avant d’atteindre 80 % de sa capacité d’origine, pourcentage à partir duquel on considère qu’elle est usée et devrait faire l’objet d’un remplacement. Enfin, en bas à droite, on trouve l’indice IP, qui reflète la résistance à la pénétration de l’eau et des poussières.
Efficacité et critiques
Pour Que Choisir, l’étiquette est globalement une bonne information. Le magazine exprime cependant « quelques réserves », car ce nouvel affichage représente avant tout un compromis entre législateur, industriels et laboratoires. « L’intérêt commercial n’est jamais bien loin », estiment nos confrères.
Se pose ensuite la question du contrôle, car les informations fournies sur ces étiquettes sont déclaratives. En clair, les constructeurs pourraient être tentés de tricher. En France, ce sera à la DGCCRF de s’occuper de contrôler les informations, comme elle le fait sur les étiquettes déjà présentes sur l’électroménager depuis des années. Sur les 350 entreprises contrôlées en 2023, la moitié d’entre elles étaient hors des clous.
Du côté de l’association HOP (Halte à l’obsolescence programmée), on se dit « très déçu » par cette nouvelle étiquette. Comme elle l’avait déjà expliqué, cette étiquette remplace en effet le projet français dans ce domaine, supplanté par la version européenne. L’association regrettait déjà un nombre plus important de compromis et le retrait de certaines informations.
HOP critique en particulier « le caractère non agrégé » de la fiche, avec plusieurs notes séparées qui rendent incommode la comparaison des appareils. Autre point problématique, également souligné par Que Choisir, le prix des pièces détachées n’est pas pris en compte dans l’indice de réparabilité, alors que la version française le faisait. La seule disponibilité n’est pas suffisante en effet, dès lors que le prix des pièces peut s’envoler et décourager la clientèle face à la réparation, au profit d’achats neufs.
En revanche, HOP se réjouit de l’entrée en vigueur de l’autre règlement, qui touche cette fois à l’écoconception.
Mises à jour : cinq ans au moins de correctifs de sécurité
Bien que plus discret, l’autre règlement va avoir des conséquences profondes sur le marché des smartphones et tablettes.
L’une de ses principales mesures est ainsi de rendre obligatoire un support de cinq ans minimum sur les mises à jour logicielles. Attention, on parle de cinq ans pour les mises à jour de sécurité.
Ces correctifs sont cruciaux pour l’entretien d’un appareil, car les failles non corrigées peuvent être rapidement exploitées dans de vastes campagnes de piratage. C’est particulièrement vrai dans le monde Android : les constructeurs ont lancé de très nombreux modèles d’entrée de gamme, dont l’entretien logiciel ne dépassait parfois pas les deux ans. Ce qui a participé à l’image du smartphone comme « un produit jetable » pour une partie de la population.
Ce n’est pas tout : les constructeurs auront un temps limité pour publier ces mises à jour. Ils auront ainsi 4 mois pour répercuter un correctif de sécurité sur un appareil si son code source a été publié ou s’il a été mis à disposition d’un autre appareil de la même marque. Ce délai passe à 6 mois pour les mises à jour de fonctionnalités.
En outre, les mises à jour fonctionnelles devront avertir si elles risquent d’entrainer un impact négatif sur les performances. Les fabricants seront tenus de modifier la nouvelle version pour que cet impact disparaisse, à moins que l’utilisateur donne son consentement exprès pour l’installation. Un joli casse-tête en perspective pour les entreprises impliquées.
Une évolution majeure donc, car les plus longs supports étaient souvent gardés pour les modèles les plus haut de gamme. L’industrie a cependant senti le vent tourner et a commencé à réagir. Depuis deux ans par exemple, Google assortit ses Pixel d’une période de sept ans, comprenant les mises à jour majeures d’Android. Samsung a fait de même sur les gammes Galaxy S24 et S25. Apple, longtemps en tête dans ce domaine, garantit officiellement des mises à jour pour cinq ans, même si cette période va souvent plus loin.
7 ans minimum de disponibilité pour les pièces détachées
L’autre grande mesure de ce règlement concerne la disponibilité des pièces détachées pour les smartphones et tablettes. Elle doit être d’au moins sept ans, avec un découpage en deux phases. Durant les cinq premières années, les pièces doivent être disponibles en un maximum de cinq jours. Pour les deux dernières années (et les éventuelles années supplémentaires), la disponibilité doit se faire sous dix jours.
Le même règlement définit également plusieurs autres mesures. Par exemple, la batterie d’un smartphone ou d’une tablette doit pouvoir assurer un minimum de 800 charges avant descendre à 80 % de capacité.
Un smartphone non pliable doit également résister à un strict minimum de 45 chutes (sans protection), chiffre qui passe à 35 pour un smartphone plié et 14 pour un déplié. Les fabricants doivent aussi veiller « à ce que l’écran de l’appareil passe le niveau de dureté 4 sur l’échelle de dureté de Mohs », afin de résister aux rayures.
Et encore d’autres mesures
Plusieurs mesures sont ajoutées pour simplifier la réparation des appareils. À l’exception de la batterie, toutes les pièces détachées doivent pouvoir être facilement manipulées, sans outils, avec des outils courants ou fournis directement. Les éléments de fixation doivent être amovibles, renouvelés ou réutilisables.
Les batteries sont à part et leur remplacement dépend d’un paramètre important : l’indice IP67. Si l’appareil est certifié ou dispose d’une certification plus élevée, la réparation peut être confiée à un réparateur professionnel. Toujours en ce qui concerne la batterie, son état de santé doit pouvoir être accessible depuis les réglages de l’appareil, tout comme le nombre de cycles déjà écoulés ou encore la date de première utilisation.
Le règlement évoque également la question du chiffrement, le texte utilisant d’ailleurs le mot « cryptage ». Tous les appareils sont ainsi tenus de chiffrer par défaut les données de l’utilisateur enregistrées « dans la mémoire interne », à l’aide d’une clé aléatoire. Une fonction doit être présente pour réinitialiser complètement le téléphone, en effaçant la clé et en en générant une nouvelle.
Toutes ces mesures sont également entrées en application aujourd’hui dans toute l’Union européenne. Précisons qu’elles s’appliquent uniquement aux nouveaux appareils commercialisés à compter d’aujourd’hui, contrairement à l’étiquette qui, elle, s’applique déjà à tous les produits existants.
Auteur : Vincent Hermann
Aller à la source