Surprenant : l’Univers pourrait mourir beaucoup plus tôt que prévu !
Plusieurs physiciensphysiciens se sont posé la question du destin du cosmoscosmos observable dans le cadre de la théorie de la relativité générale, complétée par les connaissances apportées par la physique moderne sur la matière. Ces avancées ont été rendues possibles grâce à la découverte des équations fondamentales de la mécanique quantique entre 1925 et 1927, conduisant à la compréhension de l’antimatièreantimatière et des étoilesétoiles compactes que sont les naines blanchesnaines blanches et les étoiles à neutronsétoiles à neutrons.
L’exemple le plus célèbre est celui du physicien Freeman Dyson qui, tout comme aujourd’hui, utilisait un modèle d’UniversUnivers en expansion pour l’éternité, bien que non accéléré par une constante cosmologiqueconstante cosmologique. Il prédisait alors que des structures matérielles utilisant de l’énergieénergie pourraient subsister jusqu’à environ 1010^76 ans, une duréedurée connue sous le nom de temps de Dyson.
Les calculs de Dyson (modernisés en 1997) se basaient sur des phénomènes encore spéculatifs, malheureusement, comme l’évaporation des trous noirs par effet Hawking et la désintégration des protons. Il apparait maintenant que, toujours dans l’hypothèse basique d’une expansion éternelle, la durée de vie calculée des astresastres serait bien plus courte que celle calculée par Dyson.
Le rayonnement Hawking pour le temps de Dyson
Mais pour comprendre de quoi il en retourne, il faut examiner à nouveau les travaux de Stephen Hawking et sa découverte, au début des années 1970, du rayonnement quantique des trous noirs conduisant à leur évaporation. Rapidement, Hawking allait montrer aussi que ce rayonnement conduisait à un paradoxe puisqu’il contredisait un théorèmethéorème fondamental de la théorie quantique, théorie qui avait pourtant été utilisée pour prédire ce que l’on appelle de nos jours le rayonnement ou encore la radiation Hawking.
Il s’agit de ce que l’on appelle le paradoxe de l’information et il est étroitement lié à la présence d’un horizon des événementshorizon des événements pour les trous noirs, c’est-à-dire l’existence d’une limite que l’on peut décrire comme une sorte de membrane fermée qui ne peut être traversée que dans un seul sens pour entrer dans la région enveloppée par cette membrane. Pour en sortir, il faudrait pouvoir dépasser la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière, ce qui contredit la théorie de la relativité… sauf sous la forme du rayonnement Hawking.
Pour la petite histoire, Richard Feynman avait découvert ce rayonnement un an avant Hawking. Mais il avait sans doute trouvé le phénomène tellement évident et facile à démontrer par le calcul qu’il n’avait pas jugé nécessaire de publier un article à ce sujet. Tout comme dans le cas de la découverte de l’instabilité des étoiles géantesétoiles géantes en relativité générale, Feynman avait signé le « Livre d’or » avant tout le monde.
Dans cette vidéo, Jean-Pierre Luminet nous parle de l’évaporation des trous noirs due au rayonnement de Hawking. Cette évaporation induit une énigme connue sous le nom de paradoxe de l’information avec la physique des trous noirs. © Du Big Bang au vivant
Un rayonnement quantique thermique en raison de la présence d’un horizon des événements
Les calculs de Hawking montraient que la région juste au-dessus de cet horizon se comportait en pratique comme l’équivalent de la surface d’une étoile mais brillant, avec un rayonnement de corps noircorps noir parfait, et dont la température est inversement proportionnelle à la massemasse du trou noir décrite par la présence de l’horizon des événements. Un rayonnement de corps noir étant très désordonné, tout objet pénétrant dans un trou noir verrait sa masse et son énergie un jour totalement éjectées d’un trou noir par rayonnement Hawking, mais avec une perte totale de l’information initialement injectée dans le trou noir.
On peut montrer que les trous noirs stellairestrous noirs stellaires et ceux au cœur des galaxiesgalaxies sont encore trop froids pour s’évaporer et au contraire, ils absorbent le rayonnement fossilerayonnement fossile qui est plus chaud qu’eux (un jour, le rayonnement fossile se refroidissant encore plus du fait de l’expansion de l’espace, cela changera), de la même manière qu’un glaçon absorbe la chaleurchaleur d’un verre d’eau à température ambiante et pas l’inverse, en accord avec les lois de la thermodynamiquethermodynamique, le troisième pilier de la physique avec la mécanique quantique et la théorie de la relativité.
La présence d’un horizon des événements est indispensable pour avoir un trou noir et peut sembler l’être tout autant pour l’existence du rayonnement quantique d’un trou noir sous sa forme la plus simple, le trou noir de Schwarzschild sans rotation contrairement au trou noir de Kerrtrou noir de Kerr. Mais, selon un article publié il y a deux ans par Michael Wondrak, Walter van Suijlekom et Heino Falcke de l’Université Radboud aux Pays-Bas, la production de particules par effet quantique serait aussi universelle que la gravitationgravitation et pour une bonne raison, puisqu’elle en serait le produit et pas nécessairement en raison de l’existence d’un horizon des événements.
Les trois chercheurs avaient revisité la description quantique simple qui est souvent donnée pour expliquer l’origine du rayonnement Hawking et, sur cette base, ils ont découvert un nouveau type de rayonnement qui ne repose que sur l’existence de force de maréeforce de marée à l’extérieur d’un corps massif. Le rayonnement obtenu est similaire à celui de Hawking, mais il n’est pas encore parfaitement clair s’il en est une généralisation ou un phénomène nouveau qui s’ajouterait à celui de Hawking propre aux trous noirs.
Les premiers calculs ne semblaient pas montrer un spectrespectre de corps noir et comme ils ne font pas intervenir l’horizon des événements, ils ne semblent pas non plus conduire au paradoxe de l’information.
Regardons de plus près de quoi il en retourne.
Un effet Schwinger gravitationnel en plus d’un effet Hawking ?
La théorie quantique nous dit que, dans tous les champs quantiques de la physique des particules, il existe des fluctuations conduisant temporairement à l’apparition de paires de particules et d’antiparticulesantiparticules, des paires d’électronélectron–positronpositron par exemple. D’ordinaire, ces créations de particules qui violent la conservation de l’énergie sont temporaires car les deux particules s’annihilent l’une l’autre très rapidement.
Proches de l’horizon, les deux particules ont tendance à se séparer sous l’effet des forces de marée et ce faisant, ces dernières produisent un travail qui fournit de l’énergie en mesure de créer ces particules sans violation temporaire de la conservation de l’énergie. Parfois, une de ces particules (de matière ou d’antimatière, cela n’a pas d’importance) traverse l’horizon. On peut montrer que, pour un observateur extérieur, cela revient à ajouter une masse négative dans le trou noir alors qu’une particule de masse positive s’éloigne en direction de l’infini.
Le bilan total est une masse du trou noir qui décroît et un rayonnement observé en provenance de la région juste au-dessus de l’horizon.
En fait, il existe un processus analogue avec des paires de particules chargées mais sans faire intervenir le champ de gravitation. Si on plonge une région vide dans un champ électriquechamp électrique suffisamment intense, une paire électron-positron va être extraite des fluctuations des champs quantiques et devenir réelle sans avoir le temps de disparaître par annihilation. C’est ce que l’on appelle l’effet Schwinger (p. 96) du nom du prix Nobel de physique qui en a fait la découverte.
Michael Wondrak, Walter van Suijlekom et Heino Falcke ont simplement revisité ce que l’on pourrait appeler l’effet Schwinger gravitationnel avec des calculs plus développés et c’est de cette façon qu’ils se sont rendu compte qu’en fait un rayonnement quantique de particule devait se produire sur une région assez vaste entourant un objet massif, qu’il existe ou pas un horizon.
Pour les chercheurs, leurs calculs et raisonnement suggéraient finalement qu’il pourrait se produire un phénomène d’évaporation de sorte que des cadavres d’étoiles comme les naines blanches ou les étoiles à neutrons avec de fortes forces de marée devraient aussi finir par s’évaporer dans le futur de l’Univers observable, en fait tout corps avec un champ de gravitation si on attend suffisamment longtemps.
Des astres compacts qui se dissolvent par effet Schwinger gravitationnel
Comme les trois physiciens l’expliquent dans un article que l’on peut trouver en accès libre sur arXiv, ils ont poussé quelques crans plus loin leurs travaux sur l’effet Schwinger gravitationnel pour déterminer précisément le temps d’évaporation des astres dans le cosmos observable – la question de savoir ce que cela donnerait pour la durée de vie de noyaux d’atomesatomes ou de nucléonsnucléons individuels comme les neutrons et les protonsprotons leur est bien sûr venue à l’esprit mais est pour le moment encore trop difficile.
Les calculs montrent que le temps d’évaporation d’un objet dépend uniquement de sa densité. À la surprise des chercheurs, ils ont découvert que les étoiles à neutrons et les trous noirs stellaires mettent le même temps à se désintégrer : 1067 ans environ. Ce résultat, qui donne une durée de vie bien supérieure à celles des étoiles standard, était inattendu, car les trous noirs ont un champ gravitationnel plus fort, ce qui devrait les faire s’évaporer plus rapidement. Dans un communiqué de l’Université Radboud Michael Wondrak donne une explication à ce sujet : « les trous noirs réabsorbent une partie de leur propre rayonnement, ce qui inhibe le processus ».
Les naines blanches durent plus longtemps mais beaucoup moins que ce que l’on pensait en l’absence de l’effet Schwinger gravitationnel à savoir environ 101100 ans. En tenant compte de cet effet, ces astres compacts ne pourront survivre qu’environ 1078 ans et les trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs environ 1096 ans.
Une présentation par Roger Penrose et ses collègues de son modèle de cosmologie cyclique conforme (CCC). Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © skydivephil
C’est donc la borne supérieure crédible à la durée de vie de l’Univers, ce qui fait dire à Heino Falcke, largement à l’origine de la collaboration de l’Event Horizon Telescope que « la fin ultime de l’Univers survient donc bien plus tôt que prévu, mais heureusement, elle prendra encore beaucoup de temps ».
Pour ce qui est de l’espace-tempsespace-temps lui-même, peut-être Roger Penrose a-t-il raison avec son modèle cosmologique conforme cyclique…
Auteur : Laurent Sacco, Journaliste
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