Transphobie : ces désinformateurs français qui s’appuient sur des réseaux internationaux
Multiculturalisme transphobe
Le succès de la thèse selon laquelle Brigitte Macron serait une femme trans dans les réseaux trumpistes illustre l’internationalisation de la production et de la diffusion des thèses transphobes.
Brigitte Macron, femme trans ? Fréquemment relayée lors des élections présidentielles de 2022, cette fausse information est reprise aux États-Unis au point d’avoir été véhiculée par des proches de Donald Trump. Une trajectoire qui s’explique par la mécanique désormais récurrente de réseaux de désinformation proches des extrêmes-droites mondiales, prompts à faire circuler et à adapter leurs discours d’un pays à l’autre.
Dans les fausses informations visant la première dame, cela dit, France Info détaille comment deux Français ont particulièrement œuvré à leur diffusion outre-Atlantique : Xavier Poussard, un diplômé d’histoire travaillant régulièrement pour la lettre d’extrême-droite Faits & Documents, et Aurélien Poirson-Atlan, mieux connu sur Twitter/X sous le pseudonyme sulfureux de Zoe Sagan.
Avec succès, puisqu’en février 2025, l’influenceuse ultraconservatrice Candace Owens (5,7 millions d’abonnés sur Instagram, 6,9 millions sur X) présentait l’ouvrage Becoming Brigitte (« Devenir Brigitte »). Écrit par Xavier Poussard, qui ne rentre plus en France depuis son signalement pour « appel à la haine en raison de la race ou de la religion », en 2021, l’ouvrage développe la thèse selon laquelle l’épouse du président de la République française serait née homme sur 332 pages. Sa reprise par une figure centrale de l’alt-right états-unienne a donné au récit complotiste une nouvelle ampleur.
La transphobie, vecteur récurrent de désinformation
Pour comprendre le succès de cette fausse théorie, il faut souligner que les femmes exposées publiquement, notamment par leur carrière ou leur proximité avec le monde politique, sont aussi particulièrement visées par des campagnes de violences numériques. Selon les cas, celles-ci s’appuient sur des insultes, des rumeurs, des appels à la violence, ou les trois à la fois.
Dans ce cadre, les récits transphobes sont par ailleurs récurrents. Michelle Obama a subi ce type de théories alors que son époux occupait les plus hautes fonctions des États-Unis, de même que Kamala Harris, alors qu’elle candidatait à la présidentielle américaine en 2024, ou encore Kate Middleton, dont la vie est actuellement décortiquée sur TikTok pour tenter de prouver qu’elle n’est pas née femme. Les milieux complotistes parlent de « transvestigation », ou investigation autour d’une supposée transidentité, dans une illustration parfaite de ces logiques de mobilisation collective que décrit la chercheuse Stéphanie Lamy.
Outre celles exposées dans le milieu politique, nombreuses sont les personnalités du sport, de la culture et d’ailleurs à être visées par ce type de théories mêlant transphobie, misogynie et, régulièrement, racisme. La chanteuse Aya Nakamura a été visée par le même type de propos alors qu’elle représentait la France lors de la Cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, de même que la boxeuse Imane Khelif, visée par une campagne de cyberharcèlement mondialisée alors qu’elle concourait aux JO.
Comme le détaille le journaliste spécialisé Elie Hervé ou XYMedia, les attaques contre les droits des personnes trans sont utilisées par la droite et l’extrême-droite partout sur la planète pour créer de nouvelles peurs. En cela, elles ressemblent aux précédentes vagues de discours anti-LGBTQ, comme celles poussées par La Manif pour tous au début des années 2010. En 2023, l’Observatoire européen des médias numériques relevait par ailleurs que la désinformation LGBTQ était l’une des plus « présentes et constantes dans l’Union européenne ».
Des collaborations transfrontalières
Ce que la désinformation visant Brigitte Macron illustre aussi, c’est la collaboration transfrontalière entre fabricants et diffuseurs de désinformation transphobes. Auprès de France Info, Xavier Poussard explique par exemple que la réception de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, et notamment le tableau incluant un défilé de drag queens, a fait office de déclencheur dans sa collaboration avec des conservateurs états-uniens.
La viralité du récit complotiste a notamment été poussée par un autre proche du président des États-Unis : le général Michael Flynn, qui avait promu le récit QAnon par le passé. À leurs propos véhiculés via les réseaux sociaux sont bientôt venus s’ajouter des reprises dans les émissions des principaux podcasteurs politiques locaux, dont ceux de l’ancien journaliste de Fox News Tucker Carlson et ceux du podcasteur le plus écouté au monde Joe Rogan.
Si cette affaire se démarque par son rayonnement, tant du côté des personnalités visées que des auditoires atteints (Joe Rogan compte plus de 15 millions d’abonnés sur X et 20 millions sur YouTube), elle n’est, encore une fois, que le révélateur d’une tendance plus large à l’internationalisation des thèses transphobes.
Comme le souligne un rapport du Centre for Feminist Foreign Policy auquel Next a eu accès en avant-première, à la sortie de leur ouvrage Transmania, les militantes anti-trans françaises Marguerite Stern et Dora Moutot ont par exemple reçu les soutiens de l’écrivaine britannique Julie Mindel (plus de 130 000 abonnés sur X) et du journaliste Freddie Sayers, à la tête du média UnHerd. Ce dernier a été placé sur la liste noire de l’ONG britannique Global Disinformation Index pour sa propension à véhiculer des thèses transphobes. Visée par des cyberviolences, Dora Moutot a été soutenue par l’autrice et activiste transphobe J.K Rowling.
Auteur : Mathilde Saliou
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