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Trump Mobile : entre téléphone doré et conflit d’intérêts


The ecstasy of gold

Trump Mobile : entre téléphone doré et conflit d’intérêts

La Trump Organization a annoncé lundi la création d’un opérateur mobile virtuel aux États-Unis. Baptisé Trump Mobile, il propose à la précommande un forfait et un smartphone doré qui jouent pleinement la carte du patriotisme et le soutien à Donald Trump… quitte à formuler des promesses difficiles à tenir.

Chez les Trump, on ne déploie pas de réseaux mobiles et on ne fabrique pas de smartphones, mais on sait depuis longtemps décliner le patronyme familial sous forme de marque. La Trump Organization connait depuis lundi une nouvelle incarnation avec l’annonce du lancement de « Trump Mobile », une nouvelle marque de téléphonie mobile qui joue sans complexe la carte de l’affinité avec l’actuel président des États-Unis.

Un forfait ordinaire…

Le forfait vedette de Trump Mobile, baptisé « The 47 Plan » est par exemple facturé 47,45 dollars par mois, en hommage aux deux mandats du milliardaire. Il promet une couverture nationale, des SMS et appels illimités, et 20 Go de données avant réduction des débits, ainsi que l’accès à une assurance pour le téléphone, une assistance en cas de dommage sur la route et des avantages en matière de services de santé à distance. La formule, présentée comme « simple, honnête et adaptée à vos besoins », est surtout dans un standard de marché aux États-Unis, où un forfait illimité avec « fair use » tourne généralement autour de 50 dollars.

Mais peut-être n’est-ce pas l’essentiel pour les futurs clients ? « Trump Mobile va changer la donne. Nous poursuivons le mouvement vers la priorité donnée à l’Amérique et nous offrirons les plus hauts niveaux de qualité et de service. Notre entreprise est basée ici même aux États-Unis, car nous savons que c’est ce que nos clients attendent et méritent », clame Donald Trump Jr (fils de) dans un communiqué.

Et le groupe familial n’hésite pas à filer la logique jusqu’au bout. Il annonce en effet dans le même temps le lancement prochain d’un « Trump Phone », ou « T1 Phone », un appareil couleur or, « conçu pour la performance et fièrement dessiné et fabriqué aux États-Unis ».

… mais un téléphone doré !

L’appareil, référencé comme le T1 Phone 8002, se présente comme un smartphone 6,8 pouces doté d’un écran AMOLED, d’un capteur dorsal de 50 mégapixels et d’une batterie de 5 000 mAh, avec un capteur d’empreintes sous l’écran et un système de reconnaissance faciale pour le déverrouillage du système. Pour l’instant limité à un unique coloris, il vient équipé d’Android 15, avec un tarif promotionnel de lancement à 499 dollars et un prix public conseillé de 799 dollars (équivalent donc à celui d’un iPhone 16 dans sa version 128 Go de base).

Le T1 arbore un dos doré, sans qu’on sache si le logo T1 et le drapeau des États-Unis sont des éléments de design définitifs

À ce stade, les visuels sont de simples rendus 3D et quelques éléments peuvent interroger, comme ces deux capteurs de 2 mégapixels censés compléter l’offre photo au dos de l’appareil. Plus que ces caractéristiques, encore très incomplètes mais relativement conventionnelles pour un smartphone Android milieu de gamme, c’est bien sûr la question de la fabrication aux États-Unis qui interroge : la Trump Organization aurait-elle déjà mis en place une chaîne d’approvisionnement et d’assemblage garantissant cet aspect ?

La réalité est sans doute plus floue, comme le laisse entendre une intervention d’Eric Trump (un autre de ses fils), vice-président exécutif de la holding familiale, invité lundi du Benny Show, un podcast de commentaire politique à la ligne globalement pro-Trump et très conservatrice. « À terme, tous les téléphones pourront être fabriqués aux États-Unis », y déclare Eric Trump, après avoir vanté le côté America First de Trump Mobile, dont le service client sera opéré depuis Saint-Louis, Missouri.

En attendant, il est donc permis de supposer que leur fabrication intervienne dans un autre pays, en dépit de la mention explicite « Made in USA » qui figure sur le site marchand Trump Mobile. Quid dans ce contexte des phases de conception et de design évoquées par la Trump Organization ?

Une licence de marque

On peut également se demander quelle sera l’ampleur réelle des activités créées par Trump Mobile aux États-Unis, dans la mesure où le nouveau venu se positionne comme un opérateur virtuel (MVNO), qui se contente de revendre l’accès à des réseaux opérés par d’autres acteurs. La famille Trump ne donne aucun élément chiffré qui permettrait de juger de ses objectifs de conquête, des moyens investis ou des perspectives en matière de recrutement.

Et pour cause : son implication opérationnelle se révèle en réalité très limitée, comme l’indique très clairement une mention en bas de page, présente dès l’accueil du site du nouvel opérateur.

« Trump Mobile et ses produits et services ne sont pas conçus, développés, fabriqués, distribués ou vendus par The Trump Organization ni par l’une de ses filiales ou sociétés affiliées. T1 Mobile LLC utilise le nom et la marque TRUMP conformément aux termes d’un contrat de licence limité, résiliable ou révocable selon ses propres termes ».

Autrement dit, il n’y aurait qu’un simple accord de licence permettant à l’opérateur T1 Mobile LLC d’exploiter le nom Trump. Comment cet opérateur fonctionne-t-il, et qui finance ses activités ? La société concernée a été immatriculée le 25 avril dernier en Floride, par un certain Stuart Kaplan. Son adresse confirme qu’il s’agit d’un avocat basé à Palm Beach Gardens, qui se présente comme un ancien agent du FBI, intervient régulièrement sur le plateau de Fox News, et figure au rang des défenseurs des émeutiers qui ont envahi le Capitole le 6 janvier 2021.

Conflit d’intérêts ?

Le lancement de cet opérateur mobile n’est qu’une nouvelle diversification au sein d’une galaxie Trump qui compte déjà de très nombreuses activités et dont le président est toujours actionnaire, même s’il a passé les commandes à ses fils.

Son lancement intervient cependant après que Donald Trump a retrouvé les ors de la Maison-blanche, et lancé une politique de droits de douane qui vise, notamment, à faire pression sur les grandes marques américaines telles qu’Apple, pour qu’elles rapatrient la production de leurs appareils sur le sol des États-Unis.

Donald Trump et ses fils ont déjà été suspectés de possibles conflits d’intérêts, par exemple, dans le cadre de leurs activités liées au monde de la cryptomonnaie, avec l’introduction, en janvier, de jetons à l’effigie du couple présidentiel ($TRUMP et $MELANIA). Des produits purement spéculatifs, mis sur le marché au moment même où Donald Trump annonçait vouloir créer une réserve stratégique de cryptomonnaies aux États-Unis.

Auteur : Alexandre Laurent

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Artia13

Bonjour ! Je m'appelle Cédric, auteur et éditeur basé à Arles. J'écris et publie des ouvrages sur la désinformation, la sécurité numérique et les enjeux sociétaux, mais aussi des romans d'aventure qui invitent à l'évasion et à la réflexion. Mon objectif : informer, captiver et éveiller les consciences à travers mes écrits.

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