Un assistant IA sécurisé et souverain pour aider la Justice ?
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Un rapport sur « l’intelligence artificielle (IA) au service de la justice » vient d’être remis au garde des sceaux. Aperçu de ses conclusions.
Créer un « assistant IA sécurisé et souverain » à destination des acteurs de la Justice, intégrant, à terme, des fonctions de recherche, synthèse, rédaction et retranscription. Telle est la première des douze recommandations formulée dans le rapport sur « l’intelligence artificielle (IA) au service de la justice » tout juste remis au garde des Sceaux Gérald Darmanin.
Confiée le 10 février à un groupe de travail présidé par Haffide Boulakras, directeur adjoint de l’École nationale de la magistrature, la mission à l’origine de ce rapport propose une « approche résolument pragmatique et opérationnelle », pour permettre à l’institution judiciaire de « tirer pleinement parti, sans délai » de l’IA.
Dès l’introduction, le document rédigé grâce au travail de la vingtaine d’experts du groupe de travail (parmi lesquels la vice-procureure au parquet national antiterroriste Aude Groualle, l’inspecteur général de la Justice Yannick Menneceur, ou encore le chef du Lab Data Justice du ministère de la Justice Haï-Ha Trinh-Vu), le rapport évacue la question « galvaudée » de la justice prédictive, « sur laquelle il n’apparaît pas pertinent que le ministère s’engage à ce jour si ce n’est pour en démontrer les limites et en combattre les éventuels effets néfastes ». Il se concentre plutôt sur des manières d’améliorer « rapidement l’efficacité du travail des agents et la qualité du service rendu aux usagers ».
Pour ce faire, le document suit trois orientations essentielles : démocratiser l’usage de l’IA auprès des acteurs de la Justice en l’intégrant à leurs outils de travail, le faire en veillant à la souveraineté technologique, c’est-à-dire en assurant « la maitrise effective des dispositifs déployés », et accompagner les professionnels.
Trois temps de déploiement
En pratique, le groupe de travail propose une feuille de route en trois temps : mise à disposition progressive d’outils comme l’assistant IA – ce qui nécessite aussi l’acquisition de licences d’outils spécifiques au champ juridique – : le renforcement de la formation des agents en 2026 et 2027, puis, à partir de 2027, le projet de faire de l’IA « un véritable pilier du service public de la Justice ».
Pour assurer la bonne gouvernance des différents projets énoncés, le groupe de travail propose la création d’un Observatoire de l’IA auprès du ministère de la Justice. Celui-ci piloterait l’intégration de l’IA dans les processus de travail autant qu’il assurerait le « suivi éthique des usages, leur impact sur les métiers », voire assurerait la veille scientifique à même d’actualiser les outils et la compréhension des effets de l’IA dans la Justice.
Chacune de ces étapes demanderait des investissements précis, principalement pour assurer l’hébergement des LLM en open source sur un serveur SecNumCloud et pour l’achat de licences dans un premier temps ; pour améliorer les outils d’IA déployés et les multiplier en fonction des besoins, mais aussi pour créer une équipe interne dédiée à l’IA dans un deuxième temps ; et enfin pour renforcer et agrandir le centre de données interne au ministère de la Justice.
Avec 4 équivalents temps plein (ETP), le rapport estime que l’équipe IA existant actuellement au sein du ministère est sous-dimensionnée.
Douze cas d’usages prioritaires
Pour ce qui est du champ d’application des technologies d’IA dans la justice française, le groupe de travail indique avoir listé soixante cas d’usages différents au gré de ses consultations d’acteurs de terrain et d’administration central.
« Malgré la diversité des acteurs sondés, des besoins convergents ont émergé exprimant notamment des besoins d’appui aux tâches d’analyse, de synthèse, de recherche, de retranscription et de traduction – des tâches répétitives et chronophages susceptibles de ralentir le traitement des affaires dans les tribunaux et l’avancement des dossiers au sein des administrations centrales. » 60 % des cas énoncés consistent par ailleurs en des besoins plus spécifiquement liés à certains métiers.
Dans le lot, les auteurs du rapport ont dégagé douze cas prioritaires, parmi lesquels l’interprétariat instantané fonctionnant hors connexion, des outils d’analyse et de recherche documentaire avancée aussi bien pour les juridictions civiles que pénales, des outils d’aide à la rédaction et à la synthèse contextualisée, ou encore d’autres d’orientation des procédures ou courriers au sein des juridictions.

Auteur : Mathilde Saliou
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