Un type d’astre inconnu déroute les radioastronomes dans notre Galaxie
Les quasars, ces noyaux actifs de galaxies dont l’énergie provient de trous noirs supermassifs et les pulsars, des étoiles à neutrons en rotation, ont d’abord été découverts avec des radiotélescopes. Leur nature rendait initialement perplexes les astrophysiciens et ceux-ci se demandent bien aujourd’hui ce qui se cache dans la Voie lactée derrière une mystérieuse source radio débusquée par l’Australian Square Kilometer Array Pathfinder (Askap).
Depuis un demi-siècle, la noosphère ne cesse de se doter d’yeuxyeux de plus en plus nombreux et sophistiqués, sur Terre ou en orbite, pour explorer l’Univers au-delà du Système solaire. Aux télescopes dans le visible, comme celui du Mont Palomar et dans le domaine radio, comme celui de Nançay, ont succédé des instruments dans le domaine de l’astronomie X et gamma et dans l’infrarouge aussi, tel le James-Webb.
Parfois, la théorie est en avance sur les observations, comme ce fut le cas avec les pulsars, et parfois c’est l’inverse. Il semble que l’on soit précisément dans ce dernier cas aujourd’hui avec un astreastre dont la nature déroute les astrophysiciensastrophysiciens. Comme l’explique un article publié dans Nature, mais dont une version existe en accès libre sur arXiv, cet objet a été nommé Askap J1832−0911 (Askap J1832 en abrégé) et il appartient à une classe d’objets appelés « transitoires radio à longue période », découverts en 2022, dont l’intensité des ondes radio varie de manière régulière sur plusieurs dizaines de minutes.
Un nouveau type de comportement pour les étoiles ?
Askap J1832 est situé à environ 15 000 années-lumièreannées-lumière du Système solaire. Les données principales le concernant ont été recueillies avec le radiotélescoperadiotélescope SKA [Square Kilometer Array] Pathfinder (Askap), situé dans le comté de Wajarri, en Australie, et avec le mythique observatoire à rayons Xrayons X ChandraChandra de la NasaNasa. Dans un communiqué de la Nasa, Ziteng Wang, premier auteur de l’article de Nature, du pôle de l’université Curtin au Centre international de recherche en radioastronomie (Icrar) d’Australie déclare : « Les astronomesastronomes ont observé d’innombrables étoilesétoiles avec toutes sortes de télescopes, et nous n’en avons jamais vu une seule qui se comporte de cette manière ! C’est passionnant d’observer un nouveau type de comportement pour les étoiles ».
En effet, Askap J1832 ne colle vraiment avec aucun modèle d’astres connus. Il pulse dans le domaine radio toutes les 44 minutes environ. Or, cette duréedurée est des milliers de fois supérieure à celle des variations répétées observées avec les pulsarspulsars, ces étoiles à neutronsétoiles à neutrons en rotation rapide qui se comportent comme des phares cosmiques avec un faisceau d’ondes électromagnétiqueondes électromagnétique dont la période de rotationpériode de rotation est de quelques fractions de seconde tout au plus.
Remarquablement, Chandra a tout récemment montré qu’il y avait aussi des impulsions dans le domaine des rayons X avec une période de 44 minutes.
Grâce à Chandra, l’équipe a découvert que les rayons X d’Askap J1832 varient également régulièrement toutes les 44 minutes et, comme l’explique toujours le communiqué de la Nasa, c’est la première fois qu’un tel signal de rayons X est détecté dans un transitoire radio de longue période. L’opacité entourant ce phénomène a grandi quand on a découvert également que les émissionsémissions radio et X pouvaient baisser de concert et de façon spectaculaire en six mois.
Une présentation du SKA et de l’Askap. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Dept. of Industry, Science and Resources
Le saviez-vous ?
L’Askap (Australian Square Kilometre Array Pathfinder) est un réseau de radiotélescopes, situé en Australie-Occidentale à l’Observatoire de radioastronomie de Murchison (MRO). Il est composé de plusieurs dizaines d’antennes paraboliques identiques de 12 mètres de large qui fonctionnent ensemble selon le principe de la synthèse d’ouverture. C’est une méthode d’interférométrie qui permet de combiner les observations de plusieurs télescopes artificiellement pour obtenir l’équivalent virtuel d’un instrument de très grande taille, par exemple celle de la Terre ou du système Terre-Lune comme on l’a vu respectivement avec l’Event Horizon Telescope et RadioAstron.
L’Askap a servi de prototype pour un projet beaucoup plus ambitieux toujours en cours, le Square Kilometre Array (en abrégé SKA, en français « Réseau d’un kilomètre carré ») qui sera l’équivalent d’un radiotélescope géant d’un kilomètre carré. Constitué de plusieurs réseaux interférométriques dans les longueurs d’onde métriques et centimétriques, son déploiement se fait sur deux sites en Afrique du Sud et en Australie.
Ni un magnétar ni une naine blanche ?
Les théoriciens ont certainement vu croître leur perplexité lorsqu’ils ont tenté d’y voir plus clair en avançant quelques idées.
« Nous avons étudié plusieurs possibilités impliquant des étoiles à neutrons et des naines blanchesnaines blanches, soit isolées, soit avec des étoiles compagnons Jusqu’à présent, rien ne concordeconcorde exactement, mais certaines hypothèses sont plus pertinentes que d’autres », explique ainsi dans le communiqué de la Nasa Nanda Rea, co-auteur de l’étude, de l’Institut des sciences spatiales de Barcelone, en Espagne.
De prime abord, le fait que Askap J1832 semblait se trouver au cœur d’un reste de supernovareste de supernova, une association qui depuis est devenue douteuse, suggérait bien que l’on devait se trouver en présence d’un cadavre d’étoile laissé par ce type d’explosion cosmique et plus précisément une étoile à neutrons exotiqueexotique, notamment sous forme de magnétar et donc avec un champ magnétiquechamp magnétique particulièrement élevé.
Mais ça ne marche pas…
Le modèle qui colle le plus aux données est celui d’une naine blanche accompagnée d’une étoile. Mais pour cela, il faut doter cet astre compact là aussi d’un champ magnétique spectaculaire comme on n’en a jamais vu associé à une naine blanche.
Auteur : Laurent Sacco, Journaliste scientifique
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