Une thérapie génique restaure l’audition chez des enfants atteints de surdité congénitale

Décryptage technologique

Une thérapie génique restaure l’audition chez des enfants atteints de surdité congénitale
Une fois que les patients ont reçu la thérapie génique, les améliorations auditives ont été à la fois rapides et significatives. Nina Lishchuk/ Shutterstock

Une thérapie génique a permis pour la première fois de restaurer l’audition chez des patients atteints d’une forme de surdité liée à la mutation d’un gène indispensable au fonctionnement de certaines cellules de l’oreille interne. Cette approche pourrait être utilisée pour traiter d’autre types de surdité d’origine génétique.


On estime que près de 3 nouveau-nés sur 1 000 présentent une perte auditive unilatérale ou bilatérale lorsqu’ils viennent au monde. Si la pose d’implants cochléaires peut améliorer la situation de ces enfants, c’est au prix d’une intervention chirurgicale invasive. En outre, ces dispositifs ne sont pas capables de reproduire en intégralité la finesse de l’audition naturelle.

Les résultats que nous avons obtenus récemment ouvrent toutefois une autre piste : nos recherches indiquent en effet que la thérapie génique peut rétablir l’audition, non seulement chez certains tout-petits, mais aussi chez de jeunes adultes atteints de surdité congénitale.

Nos travaux ont porté sur des personnes présentant une surdité due à des mutations survenues dans le gène OTOF, responsable de la production de la protéine otoferline. Cette dernière assure la transmission des signaux auditifs de l’oreille interne au cerveau, ce qui la rend indispensable.




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Contrairement à ce qui se passe dans le cas d’autres formes de surdité d’origine génétique, chez les individus porteurs de mutations dans le gène OTOF, les structures de l’oreille interne demeurent intactes, ce qui en fait de parfaits candidats à la thérapie génique. En effet, cette approche consiste à remplacer le gène défaillant par une version fonctionnelle : en cas de succès, les structures existantes fonctionnent à nouveau normalement, et l’audition est restaurée.

Pour transporter une copie fonctionnelle du gène OTOF au bon endroit, c’est-à-dire dans les cellules ciliées de l’oreille interne, nous avons utilisé comme vecteurs des virus modifiés. Ceux-ci peuvent être vus comme des « postiers moléculaires » : ils sont capables de « livrer » la réparation génétique précisément là où elle est requise.

Dans un premier temps, les virus modifiés se fixent à la membrane des cellules ciliées. Ils induisent ensuite leur internalisation, autrement dit leur transport dans lesdites cellules. Une fois entrés, ils poursuivent leur trajet jusqu’au noyau des cellules, où ils libèrent les instructions génétiques qui permettront la production d’otoferline au sein des cellules nerveuses auditives.

Nous avions préalablement testé ce protocole chez l’animal (primates), pour confirmer la sûreté de cette thérapie virale, avant d’entamer des études cliniques chez de jeunes enfants (âgés de cinq et huit ans). Nous avons ainsi pu constater son potentiel de restauration : les niveaux d’audition obtenus après traitement se sont parfois avérés quasi normaux.

Néanmoins, deux questions majeures restaient en suspens : quelle serait l’efficacité de cette approche chez des patients plus âgés ? Et existe-t-il une tranche d’âge optimale pour l’application du traitement ?

Pour y répondre, nous avons élargi notre essai clinique à cinq centres hospitaliers, ce qui nous a permis de recruter dix participants âgés de 1 à 24 ans, tous atteints de surdité OTOF. Chacun a reçu une injection dans l’oreille interne.

Les participants ont ensuite été étroitement suivis pendant 12 mois, grâce à des examens otologiques et des analyses de sang, afin de détecter tout problème.

Les améliorations auditives ont été estimées de deux façons : par des tests objectifs de réponse du tronc cérébral, et par évaluations comportementales. Dans le premier cas, les patients entendent des clics rapides (ou des bips) correspondant à différentes fréquences, tandis que des capteurs mesurent la réponse électrique automatique de leur cerveau à ces stimulations sonores. Dans le second cas, équipés d’un casque dans lequel des bips très faibles sont diffusés, les patients signalent chaque stimulus perçu en appuyant sur un bouton ou en levant la main, quelle que soit son intensité.

thérapie génique -- vue d’artiste
La thérapie génique met en œuvre la version synthétique d’un virus, utilisée pour délivrer un gène fonctionnel dans les cellules ciliées de l’oreille interne.
Kateryna Kon/Shutterstock

Les progrès constatés ont été à la fois rapides et significatifs, en particulier chez les plus jeunes : dès le premier mois, l’amélioration auditive moyenne atteignait 62 % selon l’évaluation par tests objectifs et 78 % selon les évaluations comportementales. Deux participants ont retrouvé une perception de la voix quasi normale ; la mère d’un enfant de sept ans a rapporté que son fils a perçu des sons à peine trois jours après l’administration du traitement.

Au cours des douze mois qu’a duré l’étude, des effets indésirables faibles à modérés ont été constatés chez dix patients, le plus fréquent d’entre eux étant une diminution du nombre de globules blancs. Aucun événement indésirable grave n’a été observé, ce qui confirme que cette thérapie présente un profil de sécurité favorable.

Traitement de la surdité génétique

Il faut souligner que c’est la première fois que de tels résultats sont obtenus chez des adolescents et des adultes atteints de surdité OTOF.

Par ailleurs, ces travaux nous ont renseignés sur la fenêtre d’intervention idéale. En effet, les gains les plus importants ont été observés chez les enfants âgés de cinq à huit ans. L’audition des tout-petits et des patients plus âgés s’est aussi améliorée, mais les progrès ont été moins spectaculaires.

Ce constat, a priori contre-intuitif, suggère que la capacité du cerveau à intégrer des sons nouvellement restitués par le système auditif varie en fonction de l’âge. Les raisons expliquant cette situation restent à déterminer.

Cet essai constitue un jalon : il a permis de combler l’écart qui existait entre les expérimentations chez l’animal et les études chez l’être humain, en couvrant qui plus est une large tranche d’âges. Il reste encore des questions en suspens concernant la persistance dans le temps des améliorations constatées. Mais la thérapie génique continue à progresser, et la possibilité de l’utiliser pour guérir la surdité d’origine génétique (et non plus seulement la gérer) est en train de devenir une réalité.

Ces travaux ont porté sur la surdité liée aux mutations du gène OTOF, mais il ne s’agit là que d’un début. Notre équipe (et d’autres) développent déjà des thérapies ciblant des gènes différents, impliqués eux aussi dans la surdité, mais plus répandus. Ces cas sont bien plus complexes à traiter, cependant les résultats précliniques déjà obtenus sont prometteurs. Cela nous permet d’envisager avec confiance le fait qu’à l’avenir, la thérapie génique pourra être employée pour traiter de nombreuses autres formes de surdité d’origine génétique.

The Conversation

Maoli Duan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

Auteur : Maoli Duan, Associate Professor, Senior Consultant, Karolinska Institutet

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Artia13

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