Cette exoplanète remet en cause la théorie de la formation planétaire !
Le Russe Viktor Safronov et l’Américain George Wetherill ont vécu assez longtemps pour assister à la découverte non seulement de disques protoplanétaires autour de certaines étoiles, mais aussi des premières exoplanètes. Bien des observations ont validé depuis la publication internationale de leurs premiers travaux il y a une cinquantaine d’années, concernant la théorie analytique et numériquenumérique de la formation du Système solaire et d’autres systèmes planétaires à partir de l’effondrementeffondrement gravitationnel d’une nébuleuse de gaz et de poussière en rotation, donnant un disque de matièrematière entourant une jeune étoile et dans lequel les planètes se forment.
Mais, aujourd’hui, comme l’explique un article paru dans Nature Astronomy et un communiqué de l’université de Warwick (Royaume-Uni), la découverte de l’exoplanète TOI-6894b questionne le modèle standardmodèle standard de la formation des géantes gazeuses. Comme son nom le laisse deviner, elle fait partie des TessTess Objects of Interest (TOIs), c’est-à-dire des exoplanètes découvertes par la méthode des transits planétairestransits planétaires avec le télescope spatialtélescope spatial Tess (Transiting Exoplanet Survey Satellite) de la NasaNasa.
Les méthodes de détection des exoplanètes se sont largement diversifiées depuis les années 1990. Elles peuvent se classer en deux grandes catégories, les méthodes directes et les méthodes indirectes. Les trois méthodes principales sont la méthode directe d’imagerie, la méthode indirecte du transit et la méthode indirecte de la vitesse radiale. © CEA Recherche
Un disque protoplanétaire trop peu massif
On peut faire connaissance avec TOI-6894b en consultant sa page sur le célèbre site de l’Encyclopédie des planètes extrasolaires, fondé en 1995 par l’astronome Jean Schneider de l’observatoire de Paris. On y apprend ainsi qu’elle est en orbiteorbite autour d’une naine rougenaine rouge âgée d’environ 6 milliards d’années et située à environ 125 années-lumièreannées-lumière du SoleilSoleil. L’exoplanète a un rayon légèrement supérieur à celui de SaturneSaturne, mais la massemasse n’est que d’environ 50 % de celle-ci. Surtout, l’étoile TOI-6894 est l’étoile de plus faible masse à avoir une planète géanteplanète géante en transit découverte à ce jour, et sa taille ne représente que 60 % de la taille de la plus petite étoile connue à héberger une telle planète, apprend-on dans le communiqué de l’université de Warwick.
Et c’est là qu’il y a un problème.
Selon le scénario standard expliqué dans la vidéo de Sean Raymond, on a de bonnes raisons de penser que les géantes gazeuses – comme JupiterJupiter et Saturne – ou de glace – comme UranusUranus et NeptuneNeptune – se forment d’abord par accrétionaccrétion de blocs de matière, rocheux et glacés, condensés à partir des poussières d’un disque protoplanétairedisque protoplanétaire. Quand des cœurs rocheux contenant plusieurs fois la masse de la Terre sont apparus, il en a résulté sur eux un effondrement gravitationnel massif du gaz encore contenu dans un disque avant qu’il ne se dissipe.
Or, TOI-6894 est une naine rouge si petite que son disque protoplanétaire devait l’être tellement également qu’il n’aurait pas dû contenir assez de gaz pour faire naître la géante gazeuse qui a été débusquée cette année avec Tess et dont l’existence a été confirmée par plusieurs télescopes, notamment ceux des projets Speculoos et Trappist, tous deux pilotés par l’université de Liège (ULiège).
Sean Raymond, astrophysicien au Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux, nous parle de la formation du Système solaire selon le scénario standard par accrétion de planétésimaux donnant des embryons planétaires. © Ideas in Science
Une remise en cause du nombre d’exoplanètes géantes dans la Voie lactée
La découverte de l’énigmatique TOI-6894b s’est faite par sérendipitésérendipité dans le cadre de recherches de Neptunes froides autour de naines rouges. Il ne s’agit pas de Jupiter chaudeJupiter chaude et, au final, TOI-6894b avec sa proximité au Système solaire en fait un excellent laboratoire pour analyser la composition atmosphérique des Neptunes froides.
Toujours dans le communiqué, Edward Bryant à l’université de Warwick et au Laboratoire de sciences spatiales Mullard de l’UCL, et premier auteur de l’article publié, explique : « J’ai été très enthousiasmé par cette découverte. J’ai d’abord effectué des recherches dans les observations Tess de plus de 91 000 naines rouges de faible masse à la recherche de planètes géantes. Puis, grâce aux observations réalisées avec l’un des plus grands télescopes du monde, le VLTVLT de l’ESOESO, j’ai découvert TOI-6894b, une planète géante transitant par l’étoile de plus faible masse connue à ce jour pour abriter une telle planète. Nous ne nous attendions pas à ce que des planètes comme TOI-6894b puissent se former autour d’étoiles de cette faible masse. Cette découverte constituera une pierre angulaire pour la compréhension des phénomènes extrêmes de la formation des planètes géantes. »
Son collègue Daniel Bayliss, professeur associé à l’université de Warwick, ajoute : « La plupart des étoiles de notre GalaxieGalaxie sont en réalité de petites étoiles exactement comme celle-ci, de faible masse, et que l’on pensait auparavant incapables d’héberger des planètes géantes gazeusesplanètes géantes gazeuses. Le fait que cette étoile héberge une planète géante a donc d’importantes implications sur le nombre total de planètes géantes que nous estimons exister dans notre Galaxie. »
De son côté, Michaël Gillon, directeur de recherches FNRS à l’ULiège et responsable des programmes Speculoos et Trappist, conclut dans un communiqué de l’ULiège : « Cette planète géante autour d’une étoile minuscule montre que la diversité des mondes planétaires dans notre Galaxie est encore plus grande qu’on ne l’imaginait. La majorité des cibles de Speculoos et Trappist sont des étoiles comme celle-ci, voire plus petites encore. Nous sommes prêts à découvrir d’autres étrangetés cosmiques. »
Et enfin, pour Vincent Van Eylen, du Laboratoire de sciences spatiales Mullard de l’UCL : « C’est une découverte fascinante. Nous ne comprenons pas vraiment comment une étoile de si faible masse peut former une planète aussi massive ! C’est l’un des objectifs de la recherche d’exoplanètes. En découvrant des systèmes planétaires différents de notre Système solaire, nous pouvons tester nos modèles et mieux comprendre comment notre propre Système solaire s’est formé. »
De fait, les données que le James-Webb va collecter dans l’année qui vient vont permettre de poser des contraintes sur la composition et l’intérieur de TOI-6894b. Les astrophysiciensastrophysiciens espèrent que cela va les guider vers des modèles alternatifs de la formation des géantes.
Auteur : Laurent Sacco, Journaliste scientifique
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