Depuis son lancement, le télescope spatial James Webb (JWST) ne cesse de repousser les frontières de notre compréhension de l’Univers. Sa dernière prouesse en date bouleverse les modèles établis sur l’évolution des galaxies. Grâce à cet observatoire, des astronomes ont en effet détecté de l’oxygène dans la galaxie la plus éloignée jamais observée. Située à une époque où l’Univers n’avait que 2 % de son âge actuel, cette découverte remet en question la vitesse à laquelle les galaxies et les étoiles ont pu se former après le Big Bang.
L’émergence des premiers éléments lourds
Dans les premiers instants qui suivirent le Big Bang il y a environ 13,8 milliards d’années, l’Univers était un environnement extrêmement chaud et dense composé presque exclusivement des éléments les plus simples : l’hydrogène et l’hélium. Il a fallu attendre plusieurs centaines de millions d’années pour que les premières étoiles s’allument et commencent à transformer ces éléments légers en éléments plus lourds à travers un processus appelé nucléosynthèse stellaire.
Les étoiles massives, de véritables fournaises nucléaires, fusionnent en effet l’hydrogène et l’hélium pour produire des éléments comme l’oxygène, le carbone ou le fer. À la fin de leur vie, lorsqu’elles explosent en supernova, elles dispersent ces éléments dans l’espace, ce qui enrichit leur environnement et permet la formation de nouvelles générations d’étoiles et de planètes. Plus le temps passe, plus l’Univers s’enrichit en éléments lourds.
Jusqu’ici, les astronomes pensaient que ce processus avait pris un certain temps et que dans les premières centaines de millions d’années après le Big Bang, les galaxies ne contenaient encore que peu d’éléments lourds. Les modèles suggéraient que l’Univers primitif était principalement peuplé de premières étoiles massives, encore vierges de toute contamination par des éléments comme l’oxygène.
Une découverte du télescope James Webb qui bouleverse les modèles
Une découverte récente du télescope James Webb remet en cause cette vision des choses. En observant la galaxie JADES-GS-z14-0, située 290 millions d’années après le Big Bang, les astronomes ont en effet été surpris de détecter des quantités d’oxygène bien plus élevées que prévu. Cette observation a été confirmée par le télescope ALMA, situé dans le désert d’Atacama au Chili, qui a permis d’analyser en détail la composition chimique de cette galaxie lointaine.
Les résultats sont stupéfiants : JADES-GS-z14-0 contient environ dix fois plus d’oxygène que ce que les modèles prédisaient. Cela signifie qu’un grand nombre d’étoiles massives ont dû naître, brûler leur carburant et exploser en supernova en un laps de temps extrêmement court. Cette galaxie semble donc avoir évolué bien plus rapidement qu’attendu, ce qui remet en question notre compréhension du rythme de formation des premières étoiles et galaxies.

Un mystère pour les astronomes
Cette découverte, rapportée dans les revues Astronomy & Astrophysics et The Astrophysical Journal, pose de nombreuses questions. Comment une galaxie aussi jeune a-t-elle pu accumuler autant d’oxygène en si peu de temps ? Les astronomes envisagent plusieurs hypothèses. Il est possible que l’Univers primitif ait formé des étoiles massives plus rapidement et en plus grand nombre qu’on ne le pensait. Une autre possibilité est que certains processus encore inconnus aient accéléré la dispersion des éléments lourds dans l’espace.
Quoi qu’il en soit, JADES-GS-z14-0 nous oblige à repenser notre compréhension de l’évolution des galaxies. Grâce à James Webb et à d’autres télescopes de nouvelle génération, les chercheurs espèrent désormais percer ce mystère et en apprendre davantage sur la naissance des premières structures de l’Univers.