Longtemps dominé par les États-Unis, le domaine spatial est désormais le théâtre d’une compétition de plus en plus féroce avec la Chine qui renforce considérablement sa présence et ses capacités. Alors que les avancées technologiques chinoises se multiplient, notamment dans des domaines stratégiques comme le ravitaillement des satellites en orbite et les technologies furtives, les États-Unis sont confrontés à une pression croissante pour maintenir leur leadership. Ces développements pourraient bien transformer l’équilibre de pouvoir dans l’espace, un secteur de plus en plus crucial pour la sécurité nationale et les ambitions géopolitiques.
Le ravitaillement en orbite : un tournant pour la Chine
En janvier 2024, la Chine a marqué un tournant dans sa capacité spatiale en lançant le satellite Shijian-25, capable de ravitailler des satellites en orbite. Cette avancée, qui permet de prolonger la durée de vie des actifs en cours de mission, a un potentiel stratégique énorme. Cette capacité permet en effet non seulement de maintenir des satellites en activité pendant plus longtemps, mais aussi de réduire la fréquence des lancements, une économie importante dans l’exploitation de l’espace.
Naturellement, les États-Unis ont déjà exploré une technologie similaire. En 2020, Northrop Grumman est en effet devenu la première entreprise à ravitailler des satellites, ce qui prolongeait ainsi leur durée de vie opérationnelle de cinq ans. Cependant, le fait que la Chine ait réussi à développer et tester cette technologie en un temps record montre sa capacité à non seulement imiter, mais aussi surpasser certaines innovations des grandes puissances spatiales comme les États-Unis.
Le sergent-chef Ron Lerch, chef adjoint des opérations spatiales du renseignement américain, a souligné l’importance de cette étape. « C’est la première fois que [la Chine] a révélé publiquement une capacité en orbite pour effectuer du ravitaillement et de l’entretien, et c’est une technologie qui change la donne », a-t-il déclaré à Chatham House, un groupe de réflexion basé à Londres.
Des avancées furtives qui inquiètent
Néanmoins, la Chine ne s’arrête pas là. Elle cherche également à révolutionner la défense spatiale avec des technologies furtives de plus en plus avancées. Des chercheurs ont en effet publié des études sur les capacités de super-furtivité dans l’espace, ce qui pourrait rendre les satellites plus difficiles à détecter et à suivre.
Si ces innovations sont déployées à grande échelle, elles pourraient bien remettre en cause la position de leader des États-Unis dans ce secteur. Les technologies furtives ne se contentent pas de protéger les actifs spatiaux chinois, elles modifient fondamentalement la nature des opérations dans l’espace, rendant toute la question de la sécurité dans l’espace beaucoup plus complexe.
Une vision à long terme pour la Chine
Au-delà des technologies spécifiques, la Chine a une vision claire : devenir la première puissance spatiale d’ici 2050. Pour y parvenir, elle a mis en place une stratégie ambitieuse qui inclut la militarisation de l’espace. En 2023, la Chine a placé son programme spatial sous le contrôle direct de la Commission militaire centrale, renforçant ainsi l’intégration de ses ambitions militaires et spatiales. Cette démarche témoigne de l’importance cruciale que cette nation accorde à l’espace, tant pour ses intérêts économiques que pour sa défense nationale.
La Belt and Road Initiative, qui a pour objectif de renforcer les infrastructures dans de nombreux pays, est également un levier stratégique pour étendre l’influence de la Chine dans le domaine spatial. Par le biais de cette initiative, la Chine cherche à établir des partenariats avec plus de 150 pays à travers le monde, ce qui inclut des projets spatiaux. Cet engagement renforce sa position dans les négociations internationales et lui permet d’élargir son réseau de coopération en matière d’espace.
Les États-Unis : une domination encore incontestée, mais sous pression
Malgré les impressionnantes avancées spatiales de la Chine, les États-Unis conservent une position dominante dans l’espace, notamment grâce à leur flotte de satellites largement supérieure à celle de la Chine. Avec plus de 8 000 satellites en orbite, les Nord-Américains détiennent encore un avantage considérable qui représente une part bien plus importante que celle de leur rival asiatique. Cependant, cette supériorité commence à être mise sous pression. La montée en puissance de la Chine dans des domaines stratégiques comme le ravitaillement en orbite et les technologies furtives, couplée à des ambitions militaires et économiques croissantes, menace d’éroder cet avantage historique.
Les États-Unis, qui ont longtemps été les pionniers de la conquête spatiale, doivent désormais faire face à un nouveau défi : maintenir leur leadership dans un secteur où la Chine n’a de cesse de rattraper son retard. « Celui qui contrôle l’espace contrôle le monde », un principe qui n’a jamais été aussi vrai qu’aujourd’hui.
Pour conserver cette primauté, Washington devra continuer d’investir massivement dans l’innovation technologique tout en renforçant sa coopération avec ses alliés pour contrer les ambitions spatiales grandissantes de Pékin. Cela pourrait inclure des partenariats dans des initiatives de recherche avancée ainsi qu’une plus grande implication dans des projets spatiaux internationaux. Néanmoins, plus encore, il faudra peut-être s’adapter à un nouvel équilibre des puissances dans l’espace où l’ancien modèle de domination unilatérale pourrait céder place à une compétition multilatérale plus complexe.